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LORIOD YVONNE (1924-2010)

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Inspiratrice, puis créatrice des grandes œuvres pour piano d'Olivier Messiaen, dont elle était devenue la femme, Yvonne Loriod fut aussi l'une des plus grandes pédagogues du piano de son temps.

Yvonne Loriod naît à Houilles (aujourd'hui dans les Yvelines) le 20 janvier 1924, et commence très jeune ses études musicales. À l'âge de quatorze ans, elle donne chaque mois, dans le salon de sa marraine, Nelly Eminger-Sivade, qui est son premier professeur de piano, un récital comportant une œuvre classique, une œuvre romantique et une œuvre moderne. Elle se forge ainsi très rapidement un répertoire considérable, qui compte déjà, alors qu'elle n'a que quatorze ans, le Clavier bien tempéré de Bach, les trente-deux sonates de Beethoven, l'œuvre intégral de Chopin et les vingt-deux concertos de Mozart. Au Conservatoire de Paris, où elle remporte sept premiers prix, elle est l'élève de Lazare Lévy, d'Isidor Philipp et de Marcel Ciampi pour le piano, de Joseph Calvet pour la musique de chambre, d'Abel Estyle pour l'accompagnement, de Simone Plé-Caussade pour la fugue, d'Olivier Messiaen pour l'analyse et de Darius Milhaud pour la composition. Dans la classe de Messiaen, elle côtoie de très nombreux jeunes compositeurs qui ne vont pas tarder à s'épanouir, notamment Pierre Boulez. Elle travaille Debussy, Ravel, Schönberg et Bartók. Alors qu'elle est encore élève au Conservatoire, elle crée les Visions de l'Amen, de Messiaen, qui lui sont dédiées (1943), puis les Vingt Regards sur l'Enfant-Jésus (1945). Elle partage alors la vie d'Olivier Messiaen, mais ils ne se marieront qu'en 1961, après la mort de la première femme de Messiaen, Claire Delbos, atteinte d'une maladie incurable.

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En 1945, Yvonne Loriod joue pour la première fois en France le Deuxième Concerto pour piano de Bartók, qu'elle apprend en seulement huit jours. Sa carrière se développe dans le monde entier et elle s'impose comme la championne de la nouvelle musique française de l'époque. Le 2 décembre 1949, elle se produit pour la première fois aux États-Unis, pour la création de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen, avec l'Orchestre symphonique de Boston placé sous la direction de Leonard Bernstein, au côté de sa sœur cadette Jeanne Loriod, interprète des ondes Martenot. Suivent les créations du Réveil des oiseaux (1955), des Oiseaux exotiques (1956), du Catalogue d'oiseaux (1958), des Sept Haïkaï (1963), de la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ (1969), de La Fauvette des jardins (1972), Des Canyons aux étoiles... (1974), des Petites Esquisses d'oiseaux (1987), d'Un vitrail et des oiseaux (1988), de La Ville d'En-Haut (1989). En dehors des œuvres de Messiaen, elle crée le Concerto pour piano (1945) de Serge Nigg, la Sonate pour piano no 2 (1950) et les Structures (1962) de Boulez, la Sonate pour piano (1957) de Jean Barraqué, la Sonate pour piano no 2 (1959) d'André Jolivet, le Concerto pour piano (1961) de Charles Chaynes. Mais elle est aussi l'une des premières pianistes à jouer en public à Paris l'intégrale des concertos pour piano de Mozart, sous la direction de Pierre Boulez et Bruno Maderna notamment (1967). Régulièrement présente dans les jurys internationaux, elle donne des masterclasses dans plusieurs pays d'Europe, en Argentine et aux États-Unis. Elle est nommée professeur de piano à la Hochschule für Musik de Karlsruhe en 1958, puis au Conservatoire national supérieur de Paris (1967-1989), et forme toute une génération de pianistes français et étrangers ; parmi ses élèves figurent Michel Béroff, Catherine Collard, Roger Muraro, Pierre-Laurent Aimard, Michaël Lévinas, Nicholas Angelich, Pierre Reach, Miguel Angel Estrella, George Benjamin, Paul Crossley, Peter Donohoe... Elle achève l'orchestration de l'ultime œuvre d'Olivier Messiaen, Concert à quatre, qu'elle crée en 1994. Yvonne Loriod meurt à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 17 mai 2010.

Tout au long de sa carrière, Yvonne Loriod a mis au service des autres un immense talent rarement apprécié à sa juste mesure par le grand public. Dans le monde musical, on savait avec quelle abnégation elle avait choisi de se consacrer à l'œuvre de Messiaen et à former des jeunes pianistes. Elle avait des dons incroyables de rigueur et d'assimilation qui lui ont permis de se constituer un répertoire encyclopédique. Elle était capable de réduire à vue d'œil n'importe quelle partition d'orchestre (on lui doit notamment celle de l'unique opéra de Messiaen, Saint François d'Assise). Elle aurait pu mener une carrière de compositeur, mais n'a laissé que quelques œuvres : Grains de cendre, pour ondes Martenot, piano et voix (1946), Pièce sur la souffrance, pour orchestre, et Mélopées africaines, pour flûte, ondes Martenot, piano et timbales, créées le 24 mars 1945 à la Société nationale.

Dans sa discographie, on retiendra Iberia, d'Isaac Albéniz (Adès), et de nombreuses œuvres de Messiaen : Oiseaux exotiques (avec l'Ensemble InterContemporain, dir. Pierre Boulez, enregistré en 1988, Montaigne), Trois Petites Liturgies de la Présence divine, Réveil des oiseaux (avec Jeanne Loriod aux ondes Martenot, Maîtrise de Radio France, Orchestre national de France, dir. Kent Nagano, enregistré en 1994 et 1992, Erato), Turangalîla-Symphonie (avec Jeanne Loriod aux ondes Martenot, Orchestre de l'Opéra-Bastille, dir. Myung-Whun Chung, enregistré en 1990, Deutsche Grammophon), Vingt Regards sur l'Enfant-Jésus (enregistré en 1973, Erato), Visions de l'Amen (avec Olivier Messiaen, Universal).

— Alain PÂRIS

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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