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MILHAUD DARIUS (1892-1974)

Darius Milhaud - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Darius Milhaud

Prodigieusement fécond et divers, Milhaud chante, lucide et sans désespoir, ironique et joyeux, le tragique de l'homme. Sa truculence le porte à cultiver un lyrisme objectif et l'éloigne d'autant de l'épanchement individuel. Il compose en un jaillissement où prime l'invention mélodique, dans un style persuasif et expressionniste sans être romantique ; atonal et rigoureux sans être systématique ni froid. Comme Kœchlin, Migot, Jolivet ou Françaix, il lutte contre la sensibilité postromantique et s'oppose au trop délicieux raffinement impressionniste de Debussy ou de Dukas. Pour ce faire, il élabore un langage polymélodique original fortement structuré, mais qui refuse de s'enfermer dans les systématisations nées de l'École viennoise. La perception polytonale est d'autant plus claire que le caractère diatonique des mélodies est plus affirmé, perception que favorisent encore les petits ensembles de solistes.

Concise de forme, pudique de sentiment, sa pensée musicale fait l'économie du développement, concentrant sa force en un dessin clair et net qu'enrichit une verdeur orchestrale incisive et rutilante. Musique d'apparat, mais purifiée du divertissement, musique de dramaturge, mais allégée de l'angoisse, musique de franche gaieté, parfois même de cocasserie, son efficacité se mesure à son classicisme et à son énergie.

À un tournant de la musique

Depuis des siècles, la famille Milhaud était provençale et pratiquait le négoce des amandes. Darius naît le 4 septembre 1892 à Aix-en-Provence. Il se désignera comme « Français de Provence, de religion israélite ». À six ans, il joue déjà du violon. En 1904, l'audition du Quatuor de Debussy est une révélation. Ses amis intimes à Aix étaient le poète Léo Latil et Armand Lunel, écrivain et historien. Après le baccalauréat, il continue ses études musicales au Conservatoire de Paris. Indifférent à Wagner, Milhaud s'enthousiasme pour Pelléas et Mélisande et Boris Godounov. Il suit les cours d'harmonie de Xavier Leroux, mais refuse de se plier aux règles de l'harmonie classique. Son maître estime qu'il ne peut rien lui apprendre en cette matière, reconnaissant qu'il a déjà trouvé par lui-même un langage harmonique personnel. C'est au cours de contrepoint d'André Gédalge qu'il fait la connaissance de Honegger. En 1912, Milhaud rend visite à Francis Jammes et lui fait part de son intention d'écrire un opéra sur La Brebis égarée. Au moment des adieux, Jammes lui offre un exemplaire de Connaissance de l'Est, de Claudel. Ces deux poètes vont fixer une fois pour toutes l'horizon littéraire du musicien. Il suit le cours de fugue de Charles Marie Widor et est auditeur du cours d'analyse musicale de Vincent d'Indy à la Schola Cantorum. En 1913, il accueille avec enthousiasme Le Sacre du printemps.

Avant 1914 paraissent les premières compositions, dans lesquelles la personnalité du musicien s'affirme déjà pleinement : Sept Poèmes de la Connaissance de l'Est pour chant et piano, l'opéra comique La Brebis égarée, la musique de scène pour Agamemnon d'Eschyle, dans la traduction de Claudel, les mélodies Alissa, d'après La Porte étroite, de Gide. De 1914 à 1916 datent trois quatuors à cordes, des sonates et quelques mélodies. En 1916, Milhaud accompagne Claudel à Rio de Janeiro, en qualité de secrétaire d'ambassade. Impressionné par le climat tropical, il compose la musique de scène pour Les Choéphores, deuxième partie de L'Orestie, L'Homme et son désir, ballet sur un argument de Claudel. Il entame la troisième partie de L'Orestie : Les Euménides. Pour un orchestre de solistes et des voix, il écrit une cantate sur un texte de Gide, Le Retour de l'enfant prodigue, et deux petites symphonies de chambre. Rentré à Paris en[...]

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Écrit par

  • : administrateur de la Société philharmonique de Bruxelles, conseiller musical à l'Orchestre national de Belgique, directeur honoraire de la Radio-télévision belge, président scientifique de l'International Institute for the Cooperative Music Studies, Berlin
  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Pour citer cet article

Paul COLLAER et Alain PÂRIS. MILHAUD DARIUS (1892-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Darius Milhaud - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Darius Milhaud

Autres références

  • COLLAER PAUL (1891-1989)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 622 mots

    Musicologue, pianiste et chef d'orchestre belge, Paul Collaer a joué un rôle essentiel dans la vie musicale bruxelloise, dont il a été le principal animateur entre les deux guerres.

    Né à Boom le 8 juin 1891, il fait ses études à l'université de Bruxelles (1909-1914), qu'il termine...

  • JAZZ

    • Écrit par Philippe CARLES, Jean-Louis CHAUTEMPS, Universalis, Michel-Claude JALARD, Eugène LLEDO
    • 10 992 mots
    • 25 médias
    ...Stravinski (Ragtime) et les tentatives de jazz symphonique (Rhapsody in Blue, de George Gershwin) ne témoignent pas d'une compréhension véritable. Seul Darius Milhaud, dans La Création du Monde, eut l'intuition fugace de l'esprit du blues. Aux États-Unis, le jazz, jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre...
  • LUNEL ARMAND (1892-1977)

    • Écrit par Gérard SÉNÉCA
    • 656 mots

    Professeur de philosophie, écrivain lauréat de plusieurs prix littéraires importants, conférencier, collaborateur de Darius Milhaud (auquel le liait une amitié jamais démentie qui datait de l'enfance). L'œuvre d'Armand Lunel est inséparable de la Provence, sa région natale, et de la Côte d'Azur,...

  • MUSIQUE SOUS L'OCCUPATION

    • Écrit par Myriam CHIMÈNES
    • 3 746 mots
    • 2 médias
    Parmi les musiciens que l’application des lois d’exclusion met en danger, Darius Milhaud choisit de quitter en 1940 la France pour les États-Unis, tandis que des compositeurs juifs étrangers fixés en France pendant l’entre-deux-guerres, comme René Leibowitz ou Tibor Harsányi, restent en France...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi