- 1. La première PAC : 1962-1992
- 2. La réforme de la PAC de 1992 (ou réforme Mac Sharry)
- 3. La poursuite de la réforme de 1992 : l'Agenda 2000
- 4. L'accord de Luxembourg de juin 2003
- 5. La réforme de 2013 : vers une PAC de plus en plus verte
- 6. Des options possibles pour l’avenir
- 7. Bibliographie
- 8. Site internet
UNION EUROPÉENNE Politique agricole commune
La Politique agricole commune ou PAC est la plus ancienne des politiques communes de l'Union européenne. Elle a été et demeure un des principaux fondements de la construction européenne, même si elle ne mobilise plus aujourd’hui qu’environ 40 p. 100 du budget communautaire contre plus de 70 p. 100 à ses débuts dans les années 1960. La France reste, devant l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, le principal bénéficiaire des fonds versés dans le cadre de la PAC.
La Politique agricole commune a joué un rôle fondamental dans la montée en puissance des agricultures française et européenne, et pour hisser l’Union européenne aux tout pemiers rangs des grands exportateurs mondiaux de produits agricoles et agroalimentaires.
La PAC de 2013, mise en application à partir de 2015, est toutefois bien différente de la PAC originelle : alors qu’elle n’avait pas connu de modification majeure jusqu’en 1992, toute une série de réformes se sont succédé depuis cette date, en 1999 (Agenda 2000), 2003 (Accord de Luxembourg), 2007 (Bilan de santé) et 2013.
Ces réformes, qui ont progressivement réduit les soutiens apportés aux marchés, exposant ainsi de façon croissante les agriculteurs à l’instabilité elle-même croissante des marchés, ont parallèlement favorisé un « verdissement » de plus en plus marqué de la production agricole et apporté un soutien plus important et diversifié au monde rural.
Afin de mieux comprendre les évolutions des objectifs et des modalités de fonctionnement de la PAC, il est utile de les replacer dans les contextes économiques, politiques et géopolitiques des époques où ces réformes ont été initiées. La crise agricole qui a touché les agricultures française et européenne à partir de 2015 alimente les débats portant sur une nouvelle réforme, prévue pour 2020.
La première PAC : 1962-1992
Son contexte : assurer la sécurité alimentaire
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la situation historiquement déficitaire de l’Europe en produits agricoles et alimentaires s’est accentuée : en 1947, la récolte française de blé n’avait jamais été aussi faible depuis… 1816 et les Français subissaient encore alors de réelles pénuries alimentaires. Le retard technique de l’agriculture européenne par rapport à celle des États-Unis était considérable et ne devait commencer à se combler qu’à partir des années 1950 avec l’aide apportée par le plan Marshall. Les débuts de cette première PAC ne datent pas du traité de Rome de 1957, mais de 1962, et se terminent en 1992 : ils correspondent pour l’essentiel, sur le plan géopolitique, à la période de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, la construction du mur de Berlin datant de 1961 et sa destruction de 1989. Même si la mise en place de la PAC ne va pas dans le sens des intérêts économiques des États-Unis – elle permettra à la CEE de passer d’une situation historiquement déficitaire à une situation nettement excédentaire –, elle constitue pour eux, en permettant le développement des agricultures européennes, un utile rempart contre la progression du communisme dans la lutte qui les oppose à l’Union soviétique.
Quatre objectifs
Ils figurent dans l'article 39 du traité de Rome signé en mars 1957. On demandait alors à la PAC :
– « d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique » ;
– « d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole » ;
– « de stabiliser les marchés » ;
– « de garantir la sécurité des approvisionnements ».
Ces quatre objectifs de départ constituent toujours les fondements de la PAC. Ils n’ont jamais été remis en question par la suite, malgré les élargissements successifs de l’Union, les diverses réformes et l’accroissement des marges de manœuvre laissées aux États.
Quatre principes de base
Afin d'atteindre ces objectifs, l'article 40 prévoyait « une organisation commune des marchés agricoles ». Celle-ci a été fondée sur quatre principes qui demeurent en vigueur :
L’unicité de marché. La libre circulation des produits agricoles entre les États membres a été instaurée dès les années 1960 : la suppression des droits de douane a été à l'origine d'un essor spectaculaire des échanges de produits agricoles à l'intérieur de l'Union européenne.
La préférence communautaire. L'unicité de marché supposait l'établissement de règles communes à l'égard des importations en provenance de pays tiers. Les droits d'entrée ou « prélèvements » qui leur étaient appliqués étaient partout identiques et fixés à des niveaux tels que, pour des produits comparables, on ait toujours avantage à faire appel au marché intérieur européen plutôt qu'à des pays tiers. Ces « prélèvements », à ne pas confondre avec de simples droits de douane, pouvaient fluctuer de façon très importante en fonction des écarts, plus ou moins marqués selon les périodes, entre les prix intérieurs européens et les cours mondiaux, ainsi qu'entre les valeurs respectives de l'ECU et du dollar américain. Il y avait là une double protection du marché intérieur européen.
La garantie de prix minima uniques sur le marché intérieur européen pour la plupart des produits agricoles. Ces prix planchers sont garantis grâce à deux mécanismes. Celui de l'« intervention » permet de retirer momentanément du marché et de stocker les quantités produites en excédent. Celui des « restitutions » se traduit par des aides qui sont accordées aux exportations vers les pays tiers, lesquelles sont égales à la différence entre le prix de marché européen et le cours mondial.
La solidarité financière des différents États membres. Les dépenses engendrées par la PAC sont financées par un organisme commun : le FEOGA (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole) qui affecte l'essentiel de son budget à sa section « Garantie ».
Les organisations de marchés
Elles furent mises en place pour la plupart entre 1965 et 1970, mais toutes les productions n'ont pas bénéficié d'encadrements comparables.
Pour environ 70 p. 100 de la production agricole européenne, il existe un prix d'intervention ainsi qu'une protection vis-à-vis du marché mondial, obtenue grâce au double mécanisme des prélèvements et des restitutions. Les principaux produits qui bénéficient ainsi d'une protection maximale sont les céréales, le sucre, le lait, les viandes bovines et ovines. Il s'agit de productions principalement obtenues dans les pays et régions du centre et du nord de l'Europe. Pour la viande bovine, le vin de table et différents fruits et légumes, le recours à l'intervention est assez rare : on utilise plutôt des aides au retrait, ou à la distillation, pour soutenir les marchés.
Pour un quart environ de la production agricole européenne (œufs et volailles, certains fruits et légumes, fleurs...), il n'y a pas d'intervention, mais uniquement une protection vis-à-vis de l'extérieur. Il s'agit de productions provenant pour une bonne part, mais pas uniquement, des pays et régions du sud de l'Europe. Encore aujourd'hui, ces productions figurent parmi les moins encadrées par la PAC.
Enfin, pour les oléagineux (colza, tournesol, soja), il n'y a ni intervention ni protection aux frontières. Le prix sur le marché intérieur européen est le même que sur le marché mondial et il en épouse d'ailleurs toutes les fluctuations. Cette situation particulière résulte d'une concession faite aux États-Unis dans le cadre des négociations du GATT menées dans les années 1960 : la CEE a dû en passer par là pour qu'ils acceptent la mise en place de la PAC.
Malgré ces différences de régime applicable suivant les produits, l'ancienne PAC était principalement une politique de soutien par les prix : le soutien apporté aux agriculteurs se trouvait principalement assuré par les consommateurs européens, ceux-ci payant leurs produits agricoles nettement plus cher que sur le marché mondial. Ce système de financement avait toutefois pour avantage d'être peu visible.
Les prix à la fois réguliers et rémunérateurs dont ont alors bénéficié les agriculteurs ont soutenu un accroissement sans précédent de la production. Au cours des années 1970 – années que les agriculteurs considèrent encore aujourd’hui comme l’âge d’or de la PAC –, la production agricole a dépassé la consommation européenne dans la plupart des domaines. Toutefois, cette première version de la PAC, élaborée en fonction d'une Europe déficitaire en produits agricoles, devenait de plus en plus difficile à faire fonctionner dans le contexte d'une Europe devenue excédentaire, d'autant que, après la forte expansion des marchés agricoles mondiaux des années 1970, ceux-ci étaient entrés dans une quasi-stagnation au début des années 1980. Par ailleurs, les critiques que l'on peut adresser à toutes les politiques des prix – politiques dans lesquelles les aides sont d'autant plus élevées que les volumes produits sont importants – sont bien connues : elles encouragent le productivisme au-delà de la demande effective des marchés, et elles soutiennent de façon privilégiée les exploitations et les régions qui sont déjà les plus favorisées. Contrastes sociaux et contrastes territoriaux sont ainsi devenus de plus en plus accusés dans les campagnes européennes, d’autant plus que l’Union européenne s’est élargie à de nouveaux pays.
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Écrit par
- Jean-Paul CHARVET : professeur émérite à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, membre de l'Académie d'agriculture de France
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Voir aussi
- ALIMENTATION ÉCONOMIE DE L'
- EUROPE DE L'EST
- KOLKHOZ
- FINANCEMENTS COMPENSATOIRES
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