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TŌKYŌ

De la dichotomie à l'organisation stellaire

Tōkyō hérite de l'organisation socio-spatiale d'Edo, typique des « villes sous le château » (jōkamachi) instaurées par les Tokugawa, et partagées en Ville Haute (Yamanote), patricienne, et Ville Basse (Shitamachi), plébéienne. Ce schéma dichotomique se brouille progressivement au cours du xxe siècle en un schéma radioconcentrique, sous l'effet des politiques publiques (État, Tochō) et des politiques privées menées par les entreprises industrielles et commerciales. Les grandes compagnies immobilières (Mitsubishi, Jisho, Mitsui Fudōsan, Mori Biru…) et une douzaine de « grandes compagnies de chemin de fer privées », connues sous le terme générique de ōtemintetsu-kaisha (Tōkyū, Tōbu, Odakyū, Keiō…), jouent un rôle essentiel.

Tokyo bombardé - crédits : Keystone/ Getty Images

Tokyo bombardé

L'État meijien se rend maître des anciens terrains féodaux de la capitale (1869). Il en use ou s'en sépare au gré des opportunités : économiques (privatisations des années 1880), telluriques (séisme de 1923) ou historiques (bombardements de la Seconde Guerre mondiale).

Le château est transformé en palais impérial (kōkyo). Ses 213 hectares sont, pour les deux tiers, inaccessibles au citoyen commun. Roland Barthes en a tiré l'idée d'un « centre vide », mais cette image occulte le poids, certes démographiquement faible mais socio-culturellement et politiquement fondamental, de ses principaux habitants : l'empereur et son entourage.

Le premier plan d'urbanisme de Tōkyō (1888) maintient la bipolarité socio-spatiale héritée d'Edo, tout en introduisant la monopolarité du centre-ville et la structuration radioconcentrique. Renonçant aux projets d'inspiration haussmannienne, il donne priorité à la construction des infrastructures, principalement des voies de communication. Le « Plan de reconstruction de la capitale impériale », qui fait suite au séisme dévastateur du 1er septembre 1923, relance des politiques novatrices telles que le « remembrement » (kukakuseiri) foncier ou l'élargissement des routes.

Le quartier de Marunouchi, situé immédiatement à l'est du palais impérial, est en grande partie racheté à bas prix par Mitsubishi (27,9 ha en 1890). Il accueille divers équipements névralgiques : bureaux du TMG (1894), gare de Tōkyō (1914), Poste centrale (1933), première station de métro tōkyōte (1954), première gare du Shinkansen (1964). Cet hyper-centre s'est agrandi de quartiers proches comme Ginza, autrefois partie de la Ville Basse, de Kasumigaseki, le quartier de la Diète et des ministères, ou de Toranomon. Rempli de bureaux, il est triste dans la journée et vide la nuit.

Au sein de la Ville Haute, les quartiers des guerriers et des seigneurs occupant les collines verdoyantes de l'ouest et du sud-ouest sont reconvertis en bâtiments administratifs, en équipements de prestiges (ambassades, hôtels…) ou en logements de standing. Au cours des années 1920 et 1930, des « cités-jardins », destinées à une clientèle fortunée, sont construites encore plus à l'ouest par des sociétés relevant des compagnies de chemin de fer privées.

Dans la plaine alluviale s’étendant à l'est et au nord-est, de part et d'autre du fleuve Sumida, la Ville Basse mélange habitat populaire, ateliers et usines. Elle récupère les équipements dont la ville a besoin mais qu'elle rejette comme sales, impurs et encombrants : crématoires, abattoirs, usines de fertilisants, dépôts d'ordure, stations d'épuration, fourrières. Leur localisation est parallèle à celle des ghettos de parias. Le ghetto des travailleurs journaliers (doya-gai) se forme dans le quartier de San.ya. Certains de ces équipements sont ensuite déplacés sur les terre-pleins construits dans la baie.

Après la défaite de 1945, l’étalement urbain rogne les projets urbanistiques inspirés sous le tennō-militarisme[...]

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Pour citer cet article

Philippe PELLETIER. TŌKYŌ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Japon : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Japon : carte administrative

Tōkyō : définitions géographiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tōkyō : définitions géographiques

<it>Vues célèbres d'Edo</it> - crédits :  Bridgeman Images

Vues célèbres d'Edo

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    ...d’habitants, la mégapole de Séoul concentre plus d'un cinquième de la population sud-coréenne. Un quart de la population japonaise est regroupée dans la mégapole tokyote, 38 % si l'on ajoute la mégapole d'Ōsaka. La mégalopole japonaise, qui s'étend désormais sur 1 300 kilomètres, de Kumamoto au sud-ouest à ...
  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales

    • Écrit par Manuelle FRANCK, Bernard HOURCADE, Georges MUTIN, Philippe PELLETIER, Jean-Luc RACINE
    • 24 799 mots
    • 10 médias
    ...85 % dans les communes urbaines) et au Japon (86,3 % dans les communes urbaines, 44,6 % dans les trois mégapoles du Tōkaidō : Tōkyō, Nagoya et Ōsaka). La mégalopole japonaise, qui s'étend désormais jusqu'à Kumamoto, au sud-ouest de l'archipel, et à Sendai au nord-est, rassemble 90...
  • JAPON (Le territoire et les hommes) - Géographie

    • Écrit par Philippe PELLETIER
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    • 7 médias
    ...tant que telle. Il ne s'agit pas non plus d'un « chaos urbain » ou d'une simple coalescence de villes. C'est un réseau articulé autour de trois mégapoles (Tōkyō, Ōsaka, Nagoya), de plusieurs métropoles qui comprennent au moins un million d'habitants et d'une multitude hiérarchisée de cités. Il est structuré...
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