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SOCIALISME Social-démocratie

Déclin, repli et mutation, 1974-2002

Hétérogénéité accrue de l'électorat et du recrutement

À partir des années 1970, la lente érosion du vote ouvrier se poursuit et s'amplifie. La réduction des voix ouvrières s'explique par deux facteurs : d'une part, le déclin de la population ouvrière dans l'ensemble de la population, d'autre part, la perte d'audience des partis sociaux-démocrates en milieu ouvrier. Le vote ouvrier reste cependant important dans tous les cas de figure, ce qui tend à prouver que le recul des voix ouvrières est davantage la conséquence de facteurs structurels que de facteurs politiques.

Au même moment, l'influence croissante des classes moyennes se confirme, en particulier du fait du renforcement de deux segments précis : les employés du secteur public et les professions intellectuelles (professions enseignantes).

Ces classes moyennes au capital culturel élevé sont sensibles aux idées et valeurs du libéralisme culturel ou du « postmatérialisme » (souci de l'environnement, sécurité alimentaire, liberté sexuelle, égalité homme-femme). De leur côté, les ouvriers affichent un intérêt limité pour ces questions nouvelles et sont davantage concernés par les questions d'égalité économique et de justice sociale. Les sensibilités divergentes de ces deux électorats constituent une source de tension que les partis doivent apprendre à gérer. Dans certains pays comme l'Allemagne, les partis écologistes développent ces thèses postmatérialistes et parviennent à réduire l'influence sociale-démocrate au sein des classes moyennes.

À partir des années 1980, la classe ouvrière ne constitue plus le groupe électoral de référence majeur de la social-démocratie. Il faut dorénavant parler d'électorats sociaux-démocrates, à la fois ouvriers et issus des classes moyennes. Il devient plus compliqué pour les partis sociaux-démocrates de concilier les attentes différentes de ces électorats hétérogènes.

Les formations sociales-démocrates continuent certes de recueillir la majorité des voix ouvrières. Cependant, leur emprise sur l'électorat ouvrier a sensiblement diminué. Les pays à forte tradition sociale-démocrate qui, jusqu'aux années 1970, avaient des électorats composés aux deux tiers de voix ouvrières, tel le SAP, en Suède, ont tous vu leur électorat se rééquilibrer au profit des classes moyennes. Dans les années 1980, la classe ouvrière ne représente guère plus que 40 à 50 % de l'électorat des partis du nord (Danemark, Autriche, Allemagne, Grande-Bretagne). À la même époque, le vote ouvrier oscille entre 30 et 40 % dans l'électorat du PS en France.

La « déprolétarisation » des adhérents sociaux-démocrates est encore plus patente que celle des électeurs. Dans tous les principaux partis, la tendance est identique : le pourcentage d'ouvriers est aujourd'hui largement minoritaire. Inversement, les professions intermédiaires et les professions libérales sont aujourd'hui surreprésentées par rapport à leur poids dans l'électorat social-démocrate ou dans l'électorat en général. L'embourgeoisement des adhérents et des cadres a bouleversé la culture partisane traditionnelle et les modes de fonctionnement anciens. L'arrivée d'adhérents éduqués (universitaires, professions libérales, cadres supérieurs), sans passé militant ou syndical, qui ont une connaissancetechnique des dossiers et prennent aisément la parole en public, tend à marginaliser ou à réduire au silence les membres les plus prolétariens. Du même coup, le parti social-démocrate a cessé d'être un lieu d'intégration et de promotion sociale pour les membres ouvriers. Les postes de direction intermédiaires ou nationaux sont dorénavant confiés à cette nouvelle génération de militants techniquement compétents. La nature du militantisme a ainsi[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences politiques et sociales, maître de conférences à University College, Londres

Classification

Pour citer cet article

Philippe MARLIÈRE. SOCIALISME - Social-démocratie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Deuxième Internationale socialiste : congrès d'Amsterdam (1904) - crédits : Corn Leenheer/ International Institute of Social History (Amsterdam)

Deuxième Internationale socialiste : congrès d'Amsterdam (1904)

Campagne électorale de Willy Brandt, 1961 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Campagne électorale de Willy Brandt, 1961

Tony Blair - crédits : Steve Eason/ Hulton Archive/ Getty Images

Tony Blair

Autres références

  • GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945

    • Écrit par Rémi LEFEBVRE
    • 10 121 mots
    • 9 médias

    Le socialisme français de l’après-guerre s’ancre dans une longue tradition historique, depuis l’héritage du mouvement ouvrier et des luttes sociales du xixe siècle, jusqu’à l’exercice du pouvoir par la SFIO de Léon Blum en 1936. L’unification de la famille socialiste et de ses diverses...

  • ACCULTURATION

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 8 306 mots
    • 1 média
    Dans lesanciennes républiques socialistes, l'acculturation (qui n'osait pas dire son nom) reposait sur les deux postulats suivants : 1. la distinction marxiste entre l'infra et la superstructure ; il suffira de changer les modes de production pour que, automatiquement, les systèmes culturels changent...
  • ADLER MAX (1873-1937)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 648 mots

    Longtemps occulté par la prépondérance de l'idéologie bolchevique, le rôle de Max Adler, l'un des principaux représentants de l'austro-marxisme, s'éclaire d'une importance accrue à mesure qu'on redécouvre les tendances anti-autoritaires apparues dans l'évolution de la doctrine marxiste....

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
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    • 39 médias
    La diffusion des doctrines socialistes va de pair avec l'industrialisation de l'Allemagne. Le mot Sozialismus apparaît en 1840, moins usité cependant que celui de Kommunismus. Les origines en sont françaises – Saint-Simon, Louis Blanc, Cabet – plutôt qu'anglaises, et les premiers foyers socialistes...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande

    • Écrit par Georges CASTELLAN, Rita THALMANN
    • 19 516 mots
    • 6 médias
    ...étaient encore vivaces. L'opération, vivement désirée par la S.M.A., fut acquise par le ralliement des chefs socialistes, Otto Grotewohl et Max Fechner. L'accord se fit sur un programme définissant « la voie spécifique (Sonderweg) de l'Allemagne vers le socialisme » dont le théoricien fut le communiste...
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Voir aussi