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SOCIALISME Social-démocratie

Sociologie de la social-démocratie

Des partis de masse

Dès leur apparition à la fin du xixe siècle, les partis sociaux-démocrates se constituent en partis de masse, c'est-à-dire en partis disposant d'un nombre élevé d'adhérents. Dans les pays du nord, des liens étroits – « organiques » – avec les syndicats leur permettent de bénéficier du soutien militant et financier des ouvriers syndiqués, dans le parti même, mais aussi au sein des syndicats et des associations satellites. L'influence acquise au-delà du parti favorise la mobilisation des catégories ouvrières derrière le parti.

Le parti de type social-démocrate présente trois caractéristiques majeures : des liens étroits avec la classe ouvrière (par le biais des syndicats et en étroite alliance avec eux) ; la liaison privilégiée avec les syndicats permet d'intégrer la classe ouvrière dans les régimes capitalistes ; l'implantation dominante dans l'électorat ouvrier et populaire rend possible une ouverture vers les classes moyennes.

L'organisation sociale-démocrate type repose sur une bureaucratie importante, aux multiples secteurs internes rigoureusement structurés. Le parti forme ses cadres et les militants qui sont chargés d'assurer un lien entre l'organisation et la masse des militants, ainsi qu'avec le reste de la société. Les bureaucraties partisanes des partis allemand (SPD), autrichien (Sozialdemokratische Partei Österreichs, SPÖ) et suédois (SAP) des années 1950-1970 étaient aussi développées que celle des partis communistes italien (Partito communista italiano, PCI) ou français (Parti communiste français, PCF).

Après la Seconde Guerre mondiale, le nombre des militants ouvriers commence à décliner. Le nombre de militants par rapport à la population totale est également en déclin. Entre la fin des années 1940 et les années 1990, les pays du nord, ceux qui sont dotés de nombreux attributs sociaux-démocrates, se caractérisent par un niveau d'organisation élevé, alors que les partis du sud possèdent un nombre de militants relativement faible (Grèce, Espagne), voire faible (France). L'essor progressif des classes moyennes salariées au sein des partis sociaux-démocrates (qui reflète le développement du secteur tertiaire des économies européennes) bouleverse progressivement le profil de l'organisation sociale-démocrate. Dès la fin des années 1960, les militants issus des classes moyennes sont grosso modo à égalité avec ceux de la classe ouvrière. L'embourgeoisement relatif de ces partis entraîne le déclin rapide de l'encadrement politique de la classe ouvrière. À partir des années 1960, la social-démocratie est sociologiquement hybride, semi-ouvrière et semi-interclassiste.

Un électorat

À partir des années 1960, la social-démocratie réoriente en partie son action et son programme en direction des classes moyennes salariées. Ce nouveau cours stratégique n'entraîne pas d'embourgeoisement notable de son électorat qui reste très majoritairement ouvrier. La base électorale des partis sociaux-démocrates n'est donc pas à proprement parler de nature « attrape-tout », mais reste essentiellement prolétarienne.

Cette tendance est très marquée dans les partis du nord : les pays scandinaves, mais aussi la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Belgique et dans une moindre mesure, l'Allemagne de l'Ouest. En Suède, la position hégémonique du SAP dans la politique nationale s'explique par le soutien très important de l'électorat ouvrier. À contre-courant de l'image d'une « social-démocratie des classes moyennes », le SAP s'est maintenu au pouvoir sans discontinuer jusqu'aux années 1970 grâce au soutien infaillible de son électorat ouvrier.

En Grande-Bretagne, les victoires travaillistes en 1964 et 1966 sont assurées par une percée électorale[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences politiques et sociales, maître de conférences à University College, Londres

Classification

Pour citer cet article

Philippe MARLIÈRE. SOCIALISME - Social-démocratie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Deuxième Internationale socialiste : congrès d'Amsterdam (1904) - crédits : Corn Leenheer/ International Institute of Social History (Amsterdam)

Deuxième Internationale socialiste : congrès d'Amsterdam (1904)

Campagne électorale de Willy Brandt, 1961 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Campagne électorale de Willy Brandt, 1961

Tony Blair - crédits : Steve Eason/ Hulton Archive/ Getty Images

Tony Blair

Autres références

  • GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945

    • Écrit par Rémi LEFEBVRE
    • 10 121 mots
    • 9 médias

    Le socialisme français de l’après-guerre s’ancre dans une longue tradition historique, depuis l’héritage du mouvement ouvrier et des luttes sociales du xixe siècle, jusqu’à l’exercice du pouvoir par la SFIO de Léon Blum en 1936. L’unification de la famille socialiste et de ses diverses...

  • ACCULTURATION

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 8 306 mots
    • 1 média
    Dans lesanciennes républiques socialistes, l'acculturation (qui n'osait pas dire son nom) reposait sur les deux postulats suivants : 1. la distinction marxiste entre l'infra et la superstructure ; il suffira de changer les modes de production pour que, automatiquement, les systèmes culturels changent...
  • ADLER MAX (1873-1937)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 648 mots

    Longtemps occulté par la prépondérance de l'idéologie bolchevique, le rôle de Max Adler, l'un des principaux représentants de l'austro-marxisme, s'éclaire d'une importance accrue à mesure qu'on redécouvre les tendances anti-autoritaires apparues dans l'évolution de la doctrine marxiste....

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

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    La diffusion des doctrines socialistes va de pair avec l'industrialisation de l'Allemagne. Le mot Sozialismus apparaît en 1840, moins usité cependant que celui de Kommunismus. Les origines en sont françaises – Saint-Simon, Louis Blanc, Cabet – plutôt qu'anglaises, et les premiers foyers socialistes...
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    ...étaient encore vivaces. L'opération, vivement désirée par la S.M.A., fut acquise par le ralliement des chefs socialistes, Otto Grotewohl et Max Fechner. L'accord se fit sur un programme définissant « la voie spécifique (Sonderweg) de l'Allemagne vers le socialisme » dont le théoricien fut le communiste...
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Voir aussi