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OUVRIER MOUVEMENT

Le mouvement ouvrier est devenu une des données fondamentales du monde contemporain. Ne serait-ce d'abord qu'au point de vue quantitatif. On peut à l'heure présente évaluer à environ deux cents millions les effectifs des ouvriers qui adhèrent aux principales centrales syndicales internationales. Ces chiffres sont au total impressionnants quand on songe que ces centrales sont relativement récentes. Néanmoins, ils ne correspondent qu'à une minorité de la classe ouvrière, le taux de syndicalisation variant beaucoup suivant les pays, les professions et même la conjoncture. Il conviendrait d'ajouter à ces chiffres ceux des adhérents aux coopératives ouvrières ou aux partis politiques se réclamant de la classe ouvrière.

Le fait même qu'il s'agit d'une « minorité organisée » démontre que l'histoire du mouvement ouvrier ne se confond ni avec une histoire du travail, ni même avec une histoire des travailleurs. Par contre, on doit rattacher au mouvement ouvrier des individus qui n'appartiennent pas à sa classe ouvrière mais qui s'affirment, par adhésion à un parti politique ouvrier, solidaires de la classe ouvrière.

Essayant précisement de différencier l'histoire du mouvement ouvrier de l'histoire des travailleurs, Marcel David, dans son ouvrage Les Travailleurs et le sens de leur histoire (1967), parvient à la définition suivante : « Par mouvement ouvrier, on entend [...] la série d'institutions où se retrouvent les travailleurs et tous ceux qui choisissent de militer à leurs côtés, conscients les uns et les autres de leur solidarité et de l'utilité pour eux de s'organiser en vue de préciser leurs objectifs communs et d'en poursuivre la réalisation. »

De cette définition, se dégagent quatre composantes essentielles, que l'on peut sans doute distinguer mais qui sont, à vrai dire, devenues inséparables dans le mouvement réel de l'histoire. Pour qu'il y ait mouvement ouvrier, il faut, premièrement, qu'il y ait des « institutions », c'est-à-dire des organisations (syndicales, coopératives et politiques) ; deuxièmement, que les travailleurs qui y participent soient parvenus à une conscience (plus ou moins complète et plus ou moins durable) de la solidarité de fait qui les unit. Il convient troisièmement que des objectifs aient été définis. Ces objectifs peuvent être à court terme (simplement défensifs ou revendicatifs) ou à long terme (visant à une profonde mutation des bases mêmes de la société capitaliste, voire à son renversement et à son remplacement par un autre type de société). Ce qui implique une réflexion sur le sens de l'histoire, c'est-à-dire une idéologie. On ne peut sans doute pas appliquer à toutes les étapes du mouvement ouvrier la formule de Lénine « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire » (Que faire ? 1902). Mais on peut dire qu'il n'y a pas mouvement ouvrier s'il n'y a pas, au moins, des éléments de méditation théorique, que ces éléments surgissent spontanément au cours de la « pratique » ouvrière ou qu'ils soient apportés de l'extérieur.

C'est pour cette raison qu'il n'est pas possible d'opposer artificiellement le « syndical » au « politique » et que, si le mouvement ouvrier, au sens strict du terme, a pour objectif essentiel l'amélioration du niveau de vie et des conditions de travail, il ne peut être, dans la réalité historique, séparé du socialisme qui est avant tout un mouvement politique et une théorie. Même si le syndicat, dans certains pays, se trouve totalement indépendant du parti politique, l'action syndicale dans le monde contemporain où le rôle de l'État a considérablement grandi ne peut pas ne pas avoir des implications politiques. Quand on est amené à évoquer les objectifs du mouvement ouvrier, on doit constater qu'ils ont inévitablement[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : professeur émérite de science politique

Classification

Pour citer cet article

Jean BRUHAT et Bernard PUDAL. OUVRIER MOUVEMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Karl Marx</it> - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Karl Marx

Manifeste du Parti communiste - crédits : AKG-images

Manifeste du Parti communiste

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    L'affaiblissement des mouvements ouvrier et catholique a joué un rôle important dans la progression de l'abstention des milieux populaires. Du fait de la désindustrialisation, des délocalisations, du chômage, du démantèlement des communautés ouvrières et de l'effondrement du communisme, les multiples...
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    Longtemps occulté par la prépondérance de l'idéologie bolchevique, le rôle de Max Adler, l'un des principaux représentants de l'austro-marxisme, s'éclaire d'une importance accrue à mesure qu'on redécouvre les tendances anti-autoritaires apparues dans l'évolution de la doctrine marxiste....

  • AFL-CIO (American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations)

    • Écrit par Claude JULIEN, Marie-France TOINET
    • 6 913 mots
    • 2 médias
    ...Avant même la Déclaration d'indépendance (1776), les artisans se regroupent en sociétés d'entraide pour parer à la maladie ou au décès des adhérents. Très rapidement, à la fin du xviiie siècle, des organisations de défense se constituent, par métier (charpentiers, imprimeurs ou cordonniers) dans les...
  • AMIENS CHARTE D' (1906)

    • Écrit par Paul CLAUDEL
    • 865 mots

    Motion votée au IXe congrès confédéral de la C.G.T., tenu du 8 au 16 octobre 1906, la Charte d'Amiens est considérée comme le texte fondamental du syndicalisme révolutionnaire.

    La C.G.T. avait été créée au congrès de Limoges en 1895 par la Fédération des Bourses du travail...

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