Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ADLER MAX (1873-1937)

Longtemps occulté par la prépondérance de l'idéologie bolchevique, le rôle de Max Adler, l'un des principaux représentants de l'austro-marxisme, s'éclaire d'une importance accrue à mesure qu'on redécouvre les tendances anti-autoritaires apparues dans l'évolution de la doctrine marxiste.

Né le 15 janvier 1873 à Vienne, Max Adler entreprend des études de droit, mais se consacre surtout à la philosophie et à la sociologie. Entré au Parti social-démocrate autrichien (S.P.Ö.), il fonde, en 1903, une école ouvrière avec Karl Renner et Rudolf Hilferding, puis, un an plus tard, la collection des Marx Studien. Lors de la Première Guerre mondiale, il milite dans l'aile gauche du S.P.Ö., où il soutient le mouvement des conseils ouvriers. Dès 1927, il collabore à Der Klassenkampf, journal de l'aile gauche du parti social-démocrate allemand (S.P.D.). Il meurt à Vienne, le 28 juin 1937.

La démarche d'Adler répond au souci de dégager le marxisme de la gangue dogmatique dans laquelle le léninisme, le trotskisme et le stalinisme l'emprisonnent. Refusant de l'identifier à une Weltanschauung, à une interprétation globale du monde, il s'attache à privilégier l'aspect épistémologique et sociologique. Une philosophie de la connaissance alliée à une pratique sociale, tels lui paraissent les éléments les plus dynamiques de la pensée de Marx. Influencé par la vogue du néo-kantisme et par le positivisme d'Ernst Mach, il voit dans le marxisme un système ouvert, capable d'assimiler les courants nouveaux que l'évolution économique, sociale et culturelle fait apparaître. Dans les Marx Studien, il s'oppose à cette ontologie matérialiste qui tend à figer l'analyse dans un ensemble mécanique de réponses toutes faites et il propose d'étudier les changements intervenus, depuis la Première Guerre mondiale, dans la classe ouvrière et chez les intellectuels.

Abordant les rapports entre l'individu et la société, il défend l'idée que l'activité transcendantale de la conscience individuelle est médiatisée par l'a priori social. Parce que l'individu est un être social, la conscience de soi est le moyen grâce auquel il passe de l'individualisme, qui est la conscience aliénée, à la réalité de son individualité sociale. Entre la détermination économique et la transformation de la société que suscitent les luttes ouvrières, il existe une volonté rationnelle, qui est à la fois conscience de soi et conscience de classe. Pour Adler, l'analyse critique est l'acte d'émancipation par excellence. C'est elle qui doit guider le mouvement ouvrier, non la stratégie d'une prise du pouvoir où le prolétariat ne se laisse jamais guider que par ceux-là mêmes qui deviendront demain ses nouveaux oppresseurs. Pourtant, il ne s'agit pas davantage de verser dans les illusions de la démocratie parlementaire. Adler dénonce le système de libertés formelles auquel souscrit trop souvent la social-démocratie. La solution réside dans l'exercice d'une démocratie directe, dont les conseils ouvriers offrent le modèle le plus acceptable. C'est la thèse qu'il développe dans Démocratie et conseils ouvriers.

Le reproche qui lui a été le plus souvent adressé est de tomber dans le criticisme, c'est-à-dire d'identifier le progrès de la révolution à une lucidité intellectuelle disséquant les heurs et malheurs de l'époque. La conscience à laquelle il fait appel reste une conscience abstraite. Même si elle se socialisait dans la pratique des conseils ouvriers, elle n'en demeurerait pas moins une pensée séparée de la vie et dont le progrès ne peut engendrer une véritable émancipation.

— Raoul VANEIGEM

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. ADLER MAX (1873-1937) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi