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SCOLASTIQUE

Dans son emploi usuel, et qu'il soit nom générique ou adjectif, le mot « scolastique » fait naître l'idée de répétition ou commentaire du déjà-dit, de subtilité pédantesque, par opposition à l'originalité, à l'esprit de découverte par enquête sur les choses mêmes. Cette acception résume une part des critiques dirigées, depuis la Renaissance, contre le régime de pensée et d'enseignement qui caractérise le Moyen Âge à partir du xiiie siècle, principalement en théologie, et que désigne le mot « scolastique » en son sens spécifique, le seul qu'on retiendra ici. On a ainsi affaire à un fait culturel bien déterminé, dont il ne faut qu'analyser la nature et les conditions historiques. L'apparition de la scolastique correspond à une situation et à des sollicitations précises : aussi cette forme mentale parvient, dès la seconde moitié du xiiie siècle, à un équilibre, une sorte de classicisme, qui évoluera vite. La scolastique poursuivra son histoire avec un contenu modifié et selon une autre allure, mais en conservant les mêmes formes. Ainsi l'on peut dire que, dans le courant toujours tourmenté de la pensée médiévale, le xiiie siècle marque une inflexion sensible, même s'il est assez facile de relever, dans les siècles qui l'ont précédé, des éléments et des résultats qu'il a repris à son compte. C'est pourquoi la description qui suit a deux pôles : la structure originelle de la scolastique et la critique qu'en ont faite Érasme et Luther ; on tiendra ainsi les deux maillons extrêmes d'une chaîne historique.

Formes, textes et méthodes

L'analyse de la scolastique et de son esprit peut partir très simplement de l'examen des formes (littéraires et intellectuelles) qui lui sont propres. Ces formes sont signalées par des titres qui reviennent continuellement dans les catalogues des œuvres scolastiques : commentaires, questions disputées, questions quodlibétales, sommes. Toutes ont un soubassement et une intention didactiques (scola veut dire « école »). Les commentaires sont destinés à faire comprendre des œuvres (de nature religieuse, philosophique, scientifique) considérées comme fondamentales ; les questions résolvent, selon un schéma rigoureusement réglé, des problèmes de théologie ou de philosophie ; une somme est le résumé systématique d'un ensemble doctrinal, résumé qui peut être fort long. La composition des ouvrages de ces diverses catégories consiste en l'application de certaines méthodes à un certain ensemble de textes ; méthodes et textes qui, avec les formes qu'on a énumérées, constituent le système ou le régime mental caractéristique de la scolastique.

Les élaborations théoriques, au Moyen Âge, ont toujours été construites sur des textes. Ceux sur lesquels les scolastiques fondent principalement leur travail sont d'ordre religieux et d'ordre profane. Les textes d'ordre religieux sont les Écritures (Ancien et Nouveau Testaments), en leur traduction latine ; les expressions de l'enseignement officiel de l'Église, notamment les décisions conciliaires ; les écrits des « saints », tels Augustin, Hilaire, Grégoire le Grand, et aussi les traités attribués à un certain Denys l'Aréopagite, qui aurait été converti par saint Paul et en serait devenu le confident (en fait, ce bref corpus a été composé vers 510 par un néo-platonicien chrétien encore non identifié), enfin et surtout les quatre Livres des sentences (Libri sententiarum), où Pierre Lombard (le « Maître des sentences », ancien élève d'Abélard) avait rangé, vers 1150, l'ensemble des données et des problèmes de la foi chrétienne tels qu'ils avaient été déterminés, discutés, compris, par les principaux penseurs de l'Église. Le choix des Sentences comme livre de base de l'enseignement[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Jean JOLIVET. SCOLASTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    ...Aristote, sa variété dominante, la théorie dite « aristotélico-thomiste » de l'analogie, étant, quant à elle, une création de la néo- scolastique et du néo-tomisme ; si le concept d'analogie a essentiellement joué son rôle philosophique dans le cadre de la problématique de l'unité du...
  • ANSELME DE CANTORBÉRY (1033/34-1109)

    • Écrit par Michel-Marie DUFEIL
    • 2 168 mots
    ...avec les écrivains monastiques antérieurs dont la thématique était restreinte, Anselme est, avant même l'Université, le premier universitaire, le premier scolastique par la vigueur de sa logique comme par l'ample profondeur de ses vues. Très inséré dans une tradition dont il a une connaissance intime et...
  • ARTS POÉTIQUES

    • Écrit par Alain MICHEL
    • 5 904 mots
    • 3 médias
    ...saint Augustin, et il faut le compléter par la Théologie mystique du pseudo-Denys l'Aréopagite et par son Traité des noms divins (vie s.). Deux idées majeures se dégagent. Augustin s'interroge sur la rhétorique chrétienne. En méditant sur le sublime et l'élévation, il montre qu'on ne peut...
  • BOÈCE (480-524)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 1 463 mots

    L'œuvre de Boèce a été, pour le Moyen Âge et la Renaissance, une source fondamentale de réflexion philosophique. Elle a joué un rôle décisif dans la transmission de l'héritage de la philosophie antique à l'Occident médiéval et moderne. Les traductions latines et les adaptations...

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Voir aussi