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SCOLASTIQUE

Conditions historiques

Lectio, quaestio et disputatio impliquent un développement des « arts » du langage (notamment la grammaire et la dialectique, pour l'analyse des textes et l'examen réglé des difficultés), qui commença dès le début du xiie siècle (avec Abélard en particulier). C'est au même siècle, on l'a vu, que Pierre Lombard a proposé une mise en ordre des problèmes théologiques qui a prévalu, et qu'Aristote a été traduit en latin : telles sont les principales conditions intellectuelles de la scolastique. Mais elle suppose aussi des conditions institutionnelles et historiques. On a fait allusion à la hiérarchie du personnel des universités : étudiants, bacheliers, maîtres. L'institution universitaire est un fait du xiiie siècle ; fait urbain, de même que le développement, aux xie et xiie siècles, des écoles cathédrales, était une conséquence du développement des villes. L'Université confère le droit d'enseigner (licentia docendi). Elle regroupe des facultés spécialisées : faculté de théologie ; faculté des arts, où l'on enseigne les sciences profanes autres que celles réservées aux deux dernières : facultés de droit et de médecine ; il faut être licencié ès arts pour pouvoir préparer la licence en théologie. L'Université est donc le lieu où travaille et se reconstitue par apports successifs une couche sociale déterminée : un corps professoral spécialisé (dont la formation s'amorce, elle aussi, au xiie s.) ; ainsi la scolastique est un produit universitaire, au sens institutionnel et social à la fois. Or, il faut noter la présence, dans ce corps professoral, d'une catégorie dont l'importance croît rapidement, à partir de 1230 environ, celle des religieux mendiants : frères mineurs (Franciscains) et frères prêcheurs (Dominicains). Ces deux ordres, dont la fondation date du début du xiiie siècle, ne relèvent pas des autorités ecclésiastiques locales, mais directement de la papauté, et leurs membres passent d'une université à une autre sans considération de frontières. D'autre part, le droit de regard de l'évêque sur l'université de sa ville va décroissant ; elle a également des franchises qui la mettent partiellement hors du contrôle des autorités civiles. Ainsi les universités ont une place à part dans les institutions : du fait de leur statut et de leur personnel, elles sont au-dessus des particularités locales. Le savoir qu'elles ont pour mission d'élaborer et de transmettre, et qui est précisément le savoir scolastique, exprime en son ordre cette tendance à l'unification doctrinale et juridique, sous l'autorité supérieure du pape, dont le point de départ historique se place vers la fin du xie siècle (avec Grégoire VII).

Tels sont les principaux points où la scolastique du xiiie siècle s'enracine dans l'histoire. On vérifie qu'elle est bien une expression de son temps en notant les homologies et les concordances chronologiques, relevées par E. Panofsky, entre elle et l'architecture gothique : l'une et l'autre se forment, parviennent à un équilibre, enfin s'en écartent, à peu près aux mêmes moments ; l'une et l'autre manifestent une même « habitude mentale » que caractérisent les principes de « clarification » et de « conciliation des contraires », à l'œuvre aussi bien dans les cathédrales que dans les sommes.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Jean JOLIVET. SCOLASTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    ...Aristote, sa variété dominante, la théorie dite « aristotélico-thomiste » de l'analogie, étant, quant à elle, une création de la néo- scolastique et du néo-tomisme ; si le concept d'analogie a essentiellement joué son rôle philosophique dans le cadre de la problématique de l'unité du...
  • ANSELME DE CANTORBÉRY (1033/34-1109)

    • Écrit par Michel-Marie DUFEIL
    • 2 168 mots
    ...avec les écrivains monastiques antérieurs dont la thématique était restreinte, Anselme est, avant même l'Université, le premier universitaire, le premier scolastique par la vigueur de sa logique comme par l'ample profondeur de ses vues. Très inséré dans une tradition dont il a une connaissance intime et...
  • ARTS POÉTIQUES

    • Écrit par Alain MICHEL
    • 5 904 mots
    • 3 médias
    ...saint Augustin, et il faut le compléter par la Théologie mystique du pseudo-Denys l'Aréopagite et par son Traité des noms divins (vie s.). Deux idées majeures se dégagent. Augustin s'interroge sur la rhétorique chrétienne. En méditant sur le sublime et l'élévation, il montre qu'on ne peut...
  • BOÈCE (480-524)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 1 463 mots

    L'œuvre de Boèce a été, pour le Moyen Âge et la Renaissance, une source fondamentale de réflexion philosophique. Elle a joué un rôle décisif dans la transmission de l'héritage de la philosophie antique à l'Occident médiéval et moderne. Les traductions latines et les adaptations...

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Voir aussi