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SALADIN (1137-1193)

La lutte contre la croisade

Cependant, le triomphe même provoqua la plus forte crise du règne. L'émotion suscitée en Occident par la chute de Jérusalem entraîna la formation d'une nouvelle croisade, à laquelle les rois de France et d'Angleterre et l'empereur allemand s'apprêtèrent à participer en personne, ainsi que les villes marchandes italiennes dont la flotte était nécessaire. Si l'empereur mourut au seuil de la Syrie, alors que son armée était épuisée, Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, devancés par une partie de leurs hommes, vinrent effectivement, et l'ensemble de leurs forces constituait certainement la plus grande armée « franque » que l'Orient eût jamais vue. Guy de Lusignan, libéré, ne voulant pas abandonner au bénéfice de Conrad de Montferrat, qui avait sauvé Tyr, ses droits assez contestés à la couronne de Jérusalem, avait, avec les premiers renforts, réinvesti Acre, le principal port de la côte. Les hostilités se déroulèrent schématiquement de la façon suivante : dans Acre se trouvait la garnison musulmane, autour d'Acre l'armée assiégeante franque, mais à proximité de celle-ci les troupes de Saladin la tenant à son tour dans un demi-siège, préjudiciable à ses communications et à son ravitaillement. L'échec final des musulmans tint pour une part à leur mode de combat, insuffisamment adapté à celui de l'armée franque, mais surtout à la lassitude des alliés, voire des parents et des soldats de Saladin lui-même. Le prestige et la puissance de celui-ci avaient contraint ses alliés et ses vassaux à lui amener leurs contingents, mais jamais campagne n'avait été aussi longue, et celle-ci n'avait même pas la perspective d'un butin compensateur. Les terres dont les officiers tiraient leur revenu requéraient leur présence, et les trésors des États s'épuisaient à les soutenir au-delà de leur temps normal de service. Il fut impossible d'empêcher les croisés de réoccuper, après Acre, Jaffa et Ascalon, et l'on envisageait leur marche sur Jérusalem. Toutefois, eux aussi étaient fatigués, et les rois impatients de rentrer chez eux. Une sorte de trêve fut conclue entre Richard Cœur de Lion et Saladin ; elle accordait aux croisés le droit de visiter les Lieux saints, laissait aux Francs les places côtières reconquises par eux, mais aux musulmans Jérusalem et le reste des conquêtes de Saladin. En fait, une sorte de coexistence pacifique résulta, pendant un demi-siècle, de la commune conscience de l'impossibilité où chacun était de détruire l'autre, et du prix démesuré payé pour les efforts contraires.

Saladin mourut le 4 mars 1193, laissant le souvenir d'une figure inégalée, mais sans avoir réalisé tout à fait ce qu'il avait rêvé. L'unité du monde musulman n'avait été que partielle ; le califat, retenu par d'autres soucis, l'avait mollement soutenu ; les Almohades d'Occident, dont on avait cherché l'aide navale, n'avaient pas répondu. Par scrupule religieux, Saladin avait supprimé des impôts, mais les victoires n'avaient pas procuré de rentrées équivalentes. La flotte qu'il avait reconstituée ne put être conservée.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Claude CAHEN. SALADIN (1137-1193) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Saladin - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Saladin

1100 à 1200. Croisades et Khwarazm - crédits : Encyclopædia Universalis France

1100 à 1200. Croisades et Khwarazm

Autres références

  • ABBASSIDES - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 420 mots

    750 Une révolution soutenue par les clients persans de l'empire et par les Alides renverse la dynastie omeyyade de Damas et donne le pouvoir à al-Saffāh, descendant d'al-‘Abbās, oncle de Mahomet : début de la dynastie abbasside.

    762 Création d'une nouvelle capitale, la ville Ronde...

  • AYYŪBIDES (XIIe-XIIIe s.)

    • Écrit par Gaston WIET
    • 1 585 mots
    • 1 média

    Famille princière dont les membres régnèrent sur l' Égypte, la Syrie, la Mésopotamie et le Yémen, les Ayyūbides tirent leur dénomination du Kurde Ayyub, père du monarque connu en Europe sous l'appellation de Saladin, calquée sur son surnom arabe Salah al-din. Ce dernier avait installé...

  • CAIRE LE

    • Écrit par Éric DENIS, Gaston WIET
    • 5 853 mots
    • 7 médias
    ...constitue une révolution pour l'univers musulman d'Orient, pour l'Égypte et aussi pour Le Caire. Mettant fin à la puissance schismatique des Fatimides, Saladin s'assura d'une place forte où il pût établir sa résidence ; il fit choix d'un contrefort de la colline qui domine Le Caire à l'est, le Moqattam,...
  • CAIRE CALIFAT FATIMIDE DU (969-1171)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 213 mots

    En 969, le calife fatimide chiite de Kairouan, al-Mu‘izz, décide de déplacer en Orient la capitale de son empire. Arrivé sur le trône en 953, al-Mu‘izz visait la domination sur l'ensemble de la communauté des croyants (Umma). Afin de se rapprocher de Bagdad, le siège du califat...

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