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RELATIVISME

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Le relativisme culturel en anthropologie

Le relativisme culturel est la conséquence logique d'un regard comparatif. C'est en rapprochant les formes les plus éloignées d'organisation sociale, en plaçant en analogie les coutumes les plus dissemblables, que l'on souhaite attirer l'attention sur la relativité de ce que l'on croyait naturel, selon la fameuse formule de Pascal, « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Mais, pour qu'une comparaison fasse sens, il faut au préalable la conceptualiser. Les questions préliminaires qui initient les comparaisons font souvent partie de l'intelligence spontanée. « Nous, les Bambaras, nous ne mangeons pas le chien... ce sont les Malinké de Guinée qui l'utilisent dans leurs rituels d'initiation... ». Tel est le type même de questions préalables : « manger le chien », « aimer ou détester la virginité », se référer au père ou à la mère pour structurer les liens familiaux. « Chez nous, les Bakongo, c'est le matriarcat... tout l'héritage revient au neveu du mort, au fils de sa sœur... » C'est ainsi que l'on peut définir les deux piliers du relativisme culturel : une méthode comparative, et une question qui intéresse tout humain.

Le relativisme culturel est une très vieille notion dont il faut probablement attribuer la paternité à Hérodote qui a consacré toute son Enquête à mettre en regard les coutumes des Grecs avec celles des Égyptiens et des Sémites du Moyen-Orient. Et nous trouvons chez cet auteur du ve siècle avant J.-C. tant les nécessités que les difficultés de la notion. Avec une finesse déjà structuraliste, Hérodote constatait par exemple que les Grecs mangeaient dehors et faisaient leurs besoins dans la maison, à l'inverse des Égyptiens. De même, il remarquait que la virginité des jeunes filles, à laquelle les Grecs attachaient tant de prix, était, à Babylone, offerte à un étranger de passage dans le temple d'Astarté.

Le souci d'Hérodote était, on peut le supposer, d'affirmer la capacité des Grecs à penser l'universel. C'est sans doute la raison pour laquelle, lorsque ses comparaisons viennent buter sur des différences irréductibles, il finit par les gommer. C'est ainsi qu'il agrège artificiellement les divinités égyptiennes aux divinités grecques : « Déméter que l'on nomme Isis en Égypte... » Ce type d'énoncé montre la limite de la méthode comparative lorsqu'elle n'est pas irriguée par une question théorique essentielle.

Culture et personnalité

C'est à l'aube du xxe siècle que le relativisme culturel trouvera à s'exprimer d'une manière particulièrement dynamique, au confluent de notions tant théoriques que politiques. La culture des sociétés industrielles était alors travaillée par trois questions de fond : les conflits sociaux et la montée en puissance des syndicats et des conceptions matérialistes de l'histoire et de l'économie ; l'édification des grands empires coloniaux et la nécessité de penser la relation avec les cultures des peuples indigènes ; le développement de la psychanalyse, en tant que théorie universelle du fonctionnement psychique. Ces trois questions alimenteront non seulement des comparaisons ponctuelles, mais de véritables doctrines tant en anthropologie qu'en psychologie.

La doctrine relativiste la plus aboutie a été sans conteste le courant culturaliste américain qui a réussi à combiner la méthode anthropologique (enquêtes sur le terrain), la théorie psychanalytique alors en plein essor aux États-Unis et ce que l'on peut désigner comme un crypto-marxisme implicite. Ruth Benedict, la première, s'est livrée dans Patterns of Culture (1934) à une comparaison des cultures des Kwakiutl, des Pueblos et des Dobuans, s'appliquant à distinguer des modèles[...]

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Écrit par

  • : maître de recherche au C.N.R.S., responsable de l'E.R. fondements des sciences
  • : docteur en psychologie, docteur ès lettres et sciences humaines, psychanalyste, maître assistant de psychopathologie à l'université de Paris-XIII

Classification

Pour citer cet article

Hervé BARREAU et Tobie NATHAN. RELATIVISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Autres références

  • ABSOLU

    • Écrit par
    • 4 222 mots
    ...Mais ce raisonnement ne vaut que de la seule idée de Dieu, et non de tout ce qui est relatif et contingent. Si cette remarque réfute à l'avance l'objection kantienne, selon laquelle l'existence ou la non-existence ne change rien au concept, puisqu'elle ne concerne que la relativité des êtres contingents,...
  • ACADÉMIE ANTIQUE

    • Écrit par
    • 1 376 mots
    • 1 média
    ...combattant l'opinion qui lui était proposée, de lui opposer des arguments d'égale valeur. Le mieux était que l'on suspendît de part et d'autre son jugement. De même que Socrate avait confessé son ignorance, il déclare qu'on ne peut rien connaître, rien percevoir, rien savoir, que les sens sont étroits et les...
  • ALAIN ÉMILE CHARTIER, dit (1868-1951)

    • Écrit par
    • 4 560 mots
    ...d'une disposition précise et adaptée qui colle à la situation. Certes, nul ne peut tout voir, toute vue est partielle, et tout sera donc relatif. Mais ce relativisme abstrait n'arrête que les esprits faibles. « Le relativisme pensé est par là même surmonté. » La partie suffit, autant que chaque partie tient...
  • COMTE AUGUSTE (1798-1857)

    • Écrit par
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    En ouvrant la conclusion totale du Système de politique positive, Auguste Comte distingue dans sa vie intellectuelle deux carrières. Dans la première, qui correspond à peu près à l'élaboration du Cours de philosophie positive, il s'est efforcé de transformer la science en philosophie. Dans...

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