Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

REFOULEMENT

Le refoulement originaire

« L'oracle dit à Agamède et Trophonios : Le septième jour, votre désir le plus cher sera exaucé. Le septième jour, ils furent tous deux trouvés morts dans leur lit. »

Jusqu'en 1915, Freud est entièrement occupé par sa découverte fondamentale sur les manifestations de l'inconscient. Il n'en pose pas moins dès le début de son œuvre la question de l'inné et de l'acquis d'une part, celle de la constitution de l'appareil psychique d'autre part. Il reprend la première de ces interrogations dans Au-delà du principe de plaisir, œuvre à la fois spéculative et référée sans cesse à la biologie. Il y affirme la dualité des pulsions gouvernant l'existence de l'homme, des pulsions de vie et de mort, Éros et Thanatos, que relie dans leur fonctionnement l'automatisme de répétition. Par ailleurs, faisant de la mort le but même de la vie, il pose implicitement la question de la jouissance comme liée à la mort.

La seconde question, qui a trait à la constitution de l'appareil psychique, est reprise par Freud avec l'élaboration des instances que sont le moi, le ça et le surmoi, élaboration connue sous le nom de seconde topique. En vérité, il est plus conforme à la logique de considérer qu'il s'agit là de la seule topique élaborée par Freud : ce qu'on appelle première topique (inconscient-préconscient) représente les effets de découpe produits dans l'appareil psychique par l'introduction du langage.

C'est, semble-t-il, dans cette perspective que Lacan reprend la lecture de Freud : « Le langage est la condition de l'inconscient [...]. La réduplication que le discours provoque est ce que Freud nomme l'Urverdrängung [refoulement originaire]. »

Les zones érogènes, par le découpage qu'elles impriment à la pulsion et duquel naissent les pulsions partielles, marquent les limites que la vie du corps impose à la jouissance, limites dont le tracé est celui du plaisir, et, à proprement parler, du plaisir sexuel. Ce tracé suit les voies de l'apparition-disparition des objets pulsionnels (le sein, la voix, etc.), sans que cette apparition-disparition puisse se représenter en tant que telle, à ce stade où de ces objets Lacan dit « qu'ils sont la doublure, l'étoffe ou l'épaisseur imaginaire du sujet lui-même, qui s'identifie à ces objets ». Sans doute trouve-t-elle son expression dans la « liaison » au niveau du moi, qui indique le passage de l'autoérotisme au narcissisme. Le désir de l'enfant se noue donc déjà aux signifiants du désir de l'Autre, sans pour autant que ces signifiants jouent pour lui en tant que tels. La jouissance ne se perd en effet définitivement qu'au moment de « l'entrée en fonction », pourrait-on dire, de ces signifiants-déjà-là, c'est-à-dire au moment où se rejoignent l'aventure œdipienne et l'accès au langage, ouvrant à l'enfant le monde et la culture.

L' œdipe, par l'entrée en scène d'un tiers, le père, non seulement prive l'enfant de l'objet de son désir, mais encore prive la mère de l'objet phallique, en l'occurrence l'enfant lui-même ; ainsi s'ouvre la question du phallus, dont on conçoit aisément qu'elle ne puisse prendre sens qu'au registre symbolique, car c'est à celui-ci que s'effectue la castration de la mère, que l'enfant se perd à lui-même. Ce registre symbolique, c'est par l'accès au langage que l'enfant en prend maîtrise, accès au langage qui, en substituant à la relation immédiate de l'enfant au monde une relation médiate, fait que l'être imaginaire se perd au profit de la subjectivité. Cela ne se peut que lorsque l'enfant trouve sa place dans le monde du symbole, c'est-à-dire en s'identifiant au père[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Pierre FISZLEWICZ. REFOULEMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APRÈS-COUP, psychanalyse

    • Écrit par Baldine SAINT GIRONS
    • 378 mots

    Freud a fait de l'après-coup (Nachträglichkeit) le caractère propre de la vie sexuelle. Parmi les souvenirs pénibles, certains seulement sont sujets au refoulement ; certains seulement peuvent susciter un affect que l'incident lui-même n'avait pas provoqué. L'explication de cette action...

  • CENSURE, psychanalyse

    • Écrit par Jean-Claude SEMPÉ
    • 512 mots

    La comparant aux « blancs » ou aux « passages caviardés » des journaux soumis à un contrôle, Freud a défini la censure comme une fonction ayant pour effet d'interdire aux désirs refoulés, c'est-à-dire inconscients, et aux formations qui en dérivent, le passage au système préconscient. Cette censure...

  • COMPLEXE, psychanalyse et psychologie

    • Écrit par Sylvie METAIS
    • 1 097 mots
    • 1 média

    Le terme « complexe » appartient au vocabulaire de la psychologie des profondeurs et de la psychanalyse. C'est le psychiatre suisse Carl Gustav Jung qui, en 1902-1903, dénomme ainsi les phénomènes qu'il découvre lorsqu'il réalise son expérience des associations de mots. En effet, Jung,...

  • CONSCIENCE

    • Écrit par Henri EY
    • 10 480 mots
    • 1 média
    ...faire admettre dans la conscience ce qui en était exclu en qualité d'objet d'une interdiction absolue). Dans cette perspective première, la théorie du refoulement fait intervenir la relation de l'inconscient au conscient et consacre nécessairement la réalité et l'importance de l'instance de la conscience....
  • Afficher les 41 références

Voir aussi