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RÉCIT

La représentation narrative

Il ne saurait être question ici de rendre compte des développements de la représentation narrative dans le domaine des arts visuels, soit d'adopter une perspective historique. Nous nous bornerons à produire quelques propositions de définition et à montrer que chacun de leurs éléments constitue un problème susceptible de recevoir diverses solutions : l'histoire de la représentation narrative pourrait alors être considérée comme l'inventaire de ces solutions.

Définitions

Une représentation est narrative lorsque le propos de l'artiste est de représenter un événement singulier impliquant des acteurs eux-mêmes reconnaissables comme individus et participant à l'événement d'une manière telle que celui-ci est suffisamment remarquable pour être représenté. Cette définition de la représentation narrative soulève, dans son énoncé et dans ses exclusions, un ensemble de problèmes qui peuvent être utilisés comme autant de moyens d'approcher l'immense domaine des œuvres.

1. « Le propos de l'artiste est de représenter... » Certes, dans l'immense majorité des cas, il n'est pas possible de connaître ce que l'artiste a voulu faire, mais on peut reconnaître dans l'œuvre même une intention narrative, analyser les modalités narratives de la représentation visuelle en les distinguant d'autres modalités représentatives.

2. « ... un événement singulier... » Il s'agit sans doute de l'atome narratif par excellence, le moment de transformation où tout récit se manifeste tel ; mais parler d'événements singuliers, c'est exclure de la représentation les événements répétitifs ou typiques qui, cependant, pourront souvent être vus et lus comme singuliers. Est-ce là le naufrage d'Ulysse frappé de la foudre de Zeus ou bien seulement un naufrage en général ? Mais, même, dans ce cas, toute narrativité a-t-elle disparu ?

3. « ... impliquant des acteurs reconnaissables comme individus... » L'événement singulier est alors défini par l'interaction de figures anthropomorphes suffisamment déterminées pour être nommées (non pas un héros, mais Ulysse ; non pas un dieu, mais Hermès ; non pas un saint, mais le Baptiste ; non pas un roi, mais Louis XIV). Des acteurs « anonymes » ne peuvent-ils pas être générateurs d'un récit ? Des types, des allégories morales ou religieuses ? Mieux, encore, une collection d'objets comme dans une nature morte ou un paysage avec ou sans figures ?

4. « ... l'événement doit lui-même être assez remarquable pour être représenté... » Quel est le critère de ce « notable » ? Ne peut-on pas penser, à l'inverse, que c'est la représentation des acteurs dans leur événement même qui les rend remarquables ? Qu'ils trouvent dans et par cette inscription leur spécificité narrative ?

5. On notera enfin un cinquième trait qui est la présupposition fondamentale de toute définition de l'art narratif : l'existence d'un savoir du spectateur qui lui permet d'interpréter et d'identifier les éléments de la représentation, figures, lieux, moments, et de les lire comme un récit. C'est par là que la représentation narrative aura une relation privilégiée au texte littéraire, qu'il soit écrit ou oral. On peut alors se demander si le « texte » ne constitue pas le référent de l'image.

Actions, moments, lieux

Toute représentation narrative met donc en jeu trois éléments fondamentaux : d'une part, les actions des acteurs du récit ; d'autre part, le temps et les moments de l'histoire racontée ; enfin, l'espace et les lieux où ces actions représentées prennent place.

Le problème remarquable que visera à résoudre diversement tout art narratif sera celui de la représentation du temps de l'histoire[...]

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Écrit par

  • : professeur d'Université, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : maître assistant à l'université de Paris-VIII, département de littérature française

Classification

Pour citer cet article

Louis MARIN et Jean VERRIER. RÉCIT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fonctions de Propp - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fonctions de Propp

<it>Oliver Twist</it>, de David Lean - crédits : Bert Hardy/ Picture Post/ Getty Images

Oliver Twist, de David Lean

L'Éducation de Marie de Médicis, Rubens - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

L'Éducation de Marie de Médicis, Rubens

Autres références

  • ACQUISITION DU RÉCIT

    • Écrit par Michel FAYOL
    • 1 108 mots

    Le récit est une forme de discours relatif à une séquence d’au moins deux événements ou actions réels ou fictifs qui sont généralement situés dans un cadre spatial et temporel. Il serait une forme universellement disponible ne nécessitant pas d’enseignement spécifique, au moins sous sa modalité...

  • AUTOBIOGRAPHIE

    • Écrit par Daniel OSTER
    • 7 517 mots
    • 5 médias
    ...est en même temps voué à une lancinante dénégation de cette écriture médiate sans laquelle il ne pourrait pourtant se donner à lire comme immédiat. Double paradoxe d'une entreprise qui, cherchant la présence dans la narration, trouve dans la narration son obstacle, et d'un discours qui, ne s'autorisant...
  • AUTOFICTION

    • Écrit par Jacques LECARME
    • 2 426 mots
    • 2 médias
    ...Angélique, ou l'Enchantement ; Les Derniers Jours de Corinthe), publiée de 1985 à 1994, hésitait entre « romanesques » et « autofictions ». L'Université, persuadée que tout récit et même toute littérature étaient de pure fiction, jugeait le nouveau terme inutile et redondant. Elle...
  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 22 913 mots
    • 15 médias

    Toute bande dessinée est fondée sur une juxtaposition d’images, organisée en séquences narratives. Chaque image – dite « vignette » – se trouve généralement à l’intérieur d’un cadre rectangulaire, la « case ». Un alignement de cases forme un « registre » ou « strip ». Une superposition de registres...

  • BARTHES ROLAND (1915-1980)

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 4 712 mots
    • 1 média
    ...comme d'un système (ce dont témoigne « Introduction à l'analyse structurale des récits » où, sur les traces de Propp et de Brémond, il tente de réduire le récit à une suite de fonctions élémentaires – projet que les premières lignes de S/Z tourneront en dérision), Barthes met vite fin à ce projet...
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Voir aussi