PSYCHOLOGIE SOCIALE
Tendances actuelles
Le domaine d’étude des stéréotypes et de la discrimination témoigne d’un dynamisme constant depuis ses premiers développements durant les années 1920 et sera choisi ici pour illustrer certaines tendances actuelles de la psychologie sociale qui touchent partiellement d’autres domaines. Ce champ de recherche a ainsi affiné ses concepts en distinguant les formes de la discrimination et les profils de personnalité qui y sont enclins. Ont également été identifiés de nouveaux processus comme l’infra-humanisation (l’attribution à une catégorie sociale donnée d’un gradient d’humanité inférieur), les processus de justification et leur rhétorique. L’ubiquité des processus automatiques – et donc non conscients – a été particulièrement démontrée dans ce domaine d’études, marquant en cela profondément la psychologie sociale et renouvelant l’actualité des travaux de Nisbett et Wilson (1977) sur les apories de l’ introspection. Parmi les travaux novateurs, certains expliquent le rôle des « certificats de moralité » : lorsqu’un individu a antérieurement manifesté des conduites non discriminatoires, cela peut favoriser par la suite l’apparition de conduites empreintes de discrimination. Par ailleurs, les recherches consacrées à la suppression de l’expression des préjugés ont indiqué que celle-ci fait appel chez l’individu à ses ressources d’autorégulation. Les études sur l’épuisement du soi établissent ainsi qu’une mobilisation ponctuelle coûteuse de ressources d’autorégulation (par la réalisation d’une tâche appropriée) augmente la probabilité que ces ressources se révèlent moins disponibles lors d’une sollicitation subséquente et augmente corollairement le recours aux stéréotypes. Des motivations, jusqu’alors peu explorées et susceptibles de favoriser le recours aux stéréotypes, ont par ailleurs été identifiées par la théorie de la gestion de la terreur. Enfin, le développement d’outils implicites a permis d’établir des prédicteurs comportementaux nouveaux. L’essor des neurosciences sociales a introduit de nouveaux outils comme l’ imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (I.R.M.f.) permettant, par exemple, d’établir que certaines catégories de personnes, évaluées faiblement sur deux dimensions classiques de la compétence et de la « chaleur » (par exemple, des personnes sans domicile fixe), activaient des zones cérébrales impliquées dans l’appréhension d’objet et non les zones dédiées à la perception des personnes (cortex préfrontal médian).
Un intérêt croissant a également porté sur les personnes cibles de la discrimination et l’impact de la discrimination de celles-ci sur leur fonctionnement cognitif, leurs performances sociales et leur santé mentale. Les travaux consacrés à la menace du stéréotype ont ainsi dévoilé le rôle perturbateur des préjugés intériorisés par un groupe donné sur la réalisation d’une performance, lorsque celle-ci était censée diagnostiquer des capacités pour lesquelles ce groupe était réputé inférieur. Plus largement, les recherches sur l’ exclusion sociale ont amplement démontré l’effet de la discrimination sur le fonctionnement sociocognitif et identifié certains de ses corrélats cérébraux, comme la mobilisation du cortex cingulaire antérieur, similairement activé lorsque l’individu éprouve une douleur physique ou fait l’objet d’ostracisme. Enfin, parmi les développements actuels, l’étude des phénomènes sociaux en environnement virtuel renouvelle les études sur l’influence sociale. Par l’utilisation d’avatars, elle facilite l’approche de certaines logiques sociales tout en permettant des mesures plus sophistiquées des processus neuropsychophysiologiques impliqués. De nombreux travaux classiques sont ainsi revisités. Ainsi, même en environnement virtuel, la présence d’autrui améliore les performances[...]
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Écrit par
- Laurent BÈGUE : professeur de psychologie sociale, directeur de la Maison des sciences de l'homme-Alpes, Gières
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