PRAGUE
Prague baroque

Église Saint-Ignace, Prague, C. Lurago
Bildarchiv Monheim/ AKG-images
Église Saint-Ignace, Prague, C. Lurago
Carlo Lurago, nef de l'Église Saint-Ignace, Prague, 1655-1670.
Bildarchiv Monheim/ AKG-images
Baroque, Prague l'est assurément et c'est son principal charme. Mais il faut dissiper bien des préjugés à ce propos : celui d'un art importé dans un pays vaincu, privé de ses libertés politiques, converti de force au catholicisme et où une noblesse étrangère remplaçait l'ancienne aristocratie locale. Sans doute, la révolte de 1618 fut suivie de représailles tragiques, d'émigrations massives et d'un renforcement du régime seigneurial, mais au profit des nobles tchèques, s'ils restaient catholiques. Car l'intention dominante de Ferdinand II (1618-1637) était de ramener le pays à l'ancienne foi : la question de nationalité ne se posait pas alors dans les termes du xix e siècle. En outre, l'art de Vignole et celui de Vincenzo Scamozzi (porche du château royal, 1614) avaient fait leur apparition, avant la révolte, parfois pour une clientèle protestante (temples luthériens), et peut-être le baroque se fût-il développé, même sans la bataille de la Montagne Blanche. D'autre part, le baroque de Prague n'est pas un ; il présente des phases successives, dues aux influences de différentes écoles italiennes. Une importante coupure est fournie par la date de 1648 et le retour à la paix. Pendant la guerre de Trente Ans, un personnage à la destinée exceptionnelle, Wallenstein, a doté Prague de son premier grand palais baroque (1623-1630). Si la façade demeure assez traditionnelle, en revanche, la salle des fêtes occupant deux étages, et plus encore la splendide loggia à arcades, ainsi que le jardin lui-même avec la grotte de rocaille et les statues de bronze d'Adrien de Vries attestent le goût nouveau : il s'agit d'un baroque païen en marge des préoccupations religieuses qui dominent cette société. Dans les mêmes années, la façade des Carmes déchaussés adopte le modèle de l'église romaine de Soria, placée elle aussi sous le vocable de la Vierge des Victoires. Avec le peintre Karel Skréta, protestant né à l'ombre du Tyn en 1610 et revenu à Prague vers 1638, converti au catholicisme après dix ans passés en Italie, la liaison s'établit entre le baroque italien et l'inspiration bohême. Admirable portraitiste, il fut aussi peintre religieux et évoqua, avec amour, l'histoire de saint Wenceslas (couvent de Zderaz). Il fonda un atelier et laissa un exemple durable.
Si Prague ne connaissait plus alors la floraison d'œuvres littéraires ou savantes en langue nationale, elle devait demeurer pour un siècle, un foyer de création artistique par ses peintres, ses sculpteurs et ses musiciens. Après 1648, les jésuites achèvent la construction de leur collège de la Vieille Ville (le Klementinum) et entreprennent d'en élever un autre dans la Nouvelle Ville, sur tout un côté de la large place : ces façades longues, rythmées de pilastres à chapiteaux, produisent un effet de puissance (architecte : Carlo Lurago). Les églises sont précédées de portiques dans un goût nouveau. Une autre étape de l'architecture civile est due à une fantaisie de grand seigneur, non plus guerrier, mais homme de cour : Humprecht Cernín. L'architecte Francesco Carrati lui construit un palais colossal, d'ordre palladien, avec de gigantesques demi-colonnes (1669).

Pont Charles à Prague (République tchèque)
Insight Guides
Pont Charles à Prague (République tchèque)
Vue de Prague (République tchèque) et de la Vltava enjambée par le pont Charles, reliant le Petit…
Insight Guides
Vers 1680, un architecte français, Jean-Baptiste Mathey, formé dans la Rome de Bernin, donne à la Prague baroque un élément qui lui manquait encore : la coupole (Saint-François-Séraphin). Les palais qu'il construit (Thun aux Hradčany, Bucquoy à Malá Strana, remanié au xvii e siècle) ont la distinction parfaite du Seicento romain. Les années 1680 à 1740 correspondent à la grande période baroque. Les églises étaient enrichies à profusion de retables, de statues de saints, de tabernacles. Du gigantesque retable emplissant le chœur de Sainte-Marie-des-Neiges (première[...]
Pour nos abonnés, l'article se compose de 6 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- E.U. : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
- Marie-Claude MAUREL : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Victor-Lucien TAPIÉ : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Pour citer cet article
E.U., Marie-Claude MAUREL, Victor-Lucien TAPIÉ, « PRAGUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Médias

Tchèque (République) : carte administrative
Encyclopædia Universalis France
Tchèque (République) : carte administrative
Carte administrative de la République tchèque.
Encyclopædia Universalis France
Autres références
-
ART DE COUR
- Écrit par Philippe VERDIER
- 26 400 mots
- 1 média
Au contraire, des programmes politico-artistiques de Charles IV, roi de Bohême en 1346, empereur d'Allemagne en 1347, presque tout demeure : dans la nouvelle Prague, conçue comme une nouvelle Rome, surpassant Avignon, et dont le plan couvre trois cent soixante hectares, le palais royal construit sur[...] -
BAROQUE
- Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
- 114 567 mots
- 23 médias
[...]un officier noble ambitieux accumula, par l'intrigue et la spéculation, une immense fortune et l'employa en partie à des constructions (son palais de Prague vers 1630, le premier dans la série des résidences fastueuses que les nobles devaient construire en ville, et qui se distingua par l'ampleur des[...] -
BOHÊME, géologie et géographie
- Écrit par Joseph SCHULTZ
- 5 103 mots
Čechy en tchèque, la Bohême est d'abord une unité naturelle, une cuvette entourée de toutes parts par un rempart de montagnes. Les Krušné Hory (monts Métallifères, Erzgebirge), au nord-ouest, dominent par un véritable abrupt l'intérieur du « quadrilatère ». Au nord, les Sudètes, succession[...]
-
COLLECTIONNISME
- Écrit par Olivier BONFAIT
- 65 692 mots
- 24 médias
[...]objets scientifiques sur 10 000 objets) dans le cabinet qu'il fonde en 1560. Mais l'exemple le plus remarquable est la collection de Rodolphe II à Prague. Un nouveau bâtiment abritait les antiques et les sculptures modernes ; dans l'aile reliant ce bâtiment au palais d'été étaient disposées à l'étage[...] -
DIENTZENHOFER LES
- Écrit par Georges BRUNEL
- 2 059 mots
- Afficher les 20 références
Voir aussi
- CHARLES IV DE LUXEMBOURG (1316-1378), roi de Bohême sous le nom de CHARLES Ier, empereur germanique (1355-1378)
- COLLECTION, art et culture
- VENCESLAS ou WENCESLAS saint (907 env.-929) duc de Bohême (921-929)
- WALLENSTEIN PALAIS
- PRAGUE ABBAYE SAINT-GEORGES DE
- PRAGUE CATHÉDRALE SAINT-GUY DE
- MATHEY JEAN-BAPTISTE, dit MATTHÄUS BURGUNDUS (1630 env.-1695)
- RENAISSANCE ITALIENNE ARTS DE LA, XVIe s.
- VLTAVA ou MOLDAU
- VILLE, urbanisme et architecture
- BOHÊME, histoire
- PEINTURE DU XVIIe SIÈCLE
- SCULPTURE DU XVIIe SIÈCLE
- RENAISSANCE ALLEMANDE ARTS DE LA
- ARCHITECTURE DU XVIIe SIÈCLE
- RENAISSANCE ARCHITECTURE DE LA
- ROMANE ARCHITECTURE
- GOTHIQUE ARCHITECTURE
- PACASSI ou PACCASSI NIKOLAUS FRANZ von (1716-1790)
- BAROQUE ARCHITECTURE
- BAROQUE PEINTURE
- BAROQUE SCULPTURE
- ARCHITECTURE RELIGIEUSE