COUPOLE

On désigne par « coupole » tout système de couverture d'un espace circulaire ou proche de ce plan, ayant un volume hémisphérique ou conique. Toutefois, l'aspect familier des dômes n'a pu faire son apparition qu'avec l'invention des voûtes clavées, de la maçonnerie liée au mortier et, enfin, de l'élaboration des charpentes.

Les premiers exemples de salles circulaires couvertes par une coupole font appel, comme toutes les voûtes primitives, à la technique de l'encorbellement, procédé consistant à donner à chaque assise une légère saillie par rapport à l'assise inférieure. Afin d'assurer l'équilibre, on ne saurait donner trop d'importance à cette saillie, ce qui explique le grand encombrement en hauteur des encorbellements. Les couvertures de ce type ont été en usage dans toutes les parties du monde ignorant la voûte clavée, aussi les trouve-t-on dans l'architecture précolombienne comme dans celle de l'Inde ou dans les constructions de la protohistoire européenne. Les réalisations les plus grandioses dues à cette technique sont sans conteste les tombes mycéniennes édifiées au ~ xive siècle. Au tombeau dit d'Agamemnon ou Trésor d'Atrée, on peut admirer une tholos couverte par une ogive d'un diamètre de base de 14,50 m pour une hauteur de 13,20 m.

Panthéon, Rome - crédits : Mapicss/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Panthéon, Rome

Si les Grecs et les Romains maîtrisaient parfaitement, dès le ~ iiie siècle, les arcs et les voûtes clavées, il fallut attendre l'invention par les seconds de la maçonnerie concrète, c'est-à-dire liée au mortier de chaux, pour voir s'élever les premières grandes coupoles. En effet, la taille des multiples voussoirs à faces de joint rayonnantes constituant une coupole, représentait une tâche considérable et délicate ; aussi les Romains vont lui préférer la mise en œuvre de matériaux standard, comme le petit appareil et la brique, ne nécessitant aucun ajustement précis, la liaison étant effectuée par le mortier. Au iie siècle de notre ère les architectes romains étaient suffisamment maîtres de leur technique pour élever la coupole du Panthéon de Rome. Ce temple, reconstruit par Hadrien entre 118 et 125, reçut alors une coupole de 43,40 m de diamètre intérieur, la plus vaste coupole et la plus grande portée qui fut jamais réalisée jusqu'à la construction de la coupole en charpente de bois de la Halle aux blés à Paris, élevée en 1765-1768, avec une portée de 44 m. Dans le plan vertical, la coupole du Panthéon se divise en trois zones distinguées par l'emploi de matériaux divers : tout d'abord le tambour et la naissance, construits en brique ; puis les reins, constitués d'assises alternées de tuf et de brique ; enfin la partie supérieure, terminée par un oculus de 9 m de diamètre, réalisée en maçonnerie de tuf et de scories volcaniques.

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Le monde byzantin reprend la technique romaine et multiplie à son tour les coupoles, essentiellement au-dessus des sanctuaires. C'est au nom de Justinien que sont associées deux des plus célèbres églises à coupole : Saint-Vital de Ravenne et Sainte-Sophie de Constantinople. La première fut élevée à partir de 526 pour célébrer la reconquête de Ravenne par l'empereur. La coupole qui la surmonte, d'un diamètre intérieur de 16,70 m, se caractérise par sa grande légèreté grâce à l'emploi d'une technique qui était fort répandue en Afrique du Nord, consistant à bâtir les voûtes à l'aide de tubes de céramique s'emboîtant les uns dans les autres.

Le monde musulman, conquérant des empires byzantins et perses, va poursuivre en l'adaptant à ses édifices de culte, l'édification de coupoles. Dès 688 on commence à Jérusalem la construction du Kublet es-Sakhra, ou dôme du Rocher, directement inspiré par le dôme du Saint-Sépulcre élevé dans cette même cité au ive siècle par Constantin. Le dôme du Rocher a une coupole en charpente et non en maçonnerie, ce qui constitue une singularité dans une contrée au bois peu abondant.

Au xie siècle, l'architecture seldjoukide va répandre une tradition monumentale de qualité à travers tout le Proche-Orient (Perse, Turkestan, Irak, Turquie), faisant surgir de nombreuses mosquées à coupole. Parmi les réalisations marquantes de cet aspect de l'art musulman, on peut citer la Shah-i Zinda de Samarkand, ensemble de dômes funéraires construits au xive et au xve siècle ; la Masjid-i Shah d'Isfahan (1612-1638), dont la coupole est recouverte de faïences bleues, et la mosquée du sultan Ahmet à Istanbul (1609-1616), construite pour faire équilibre à Sainte-Sophie.

Shah i-Zinda - crédits :  Bridgeman Images

Shah i-Zinda

Mosquée du sultan Ahmed I<sup>er</sup> - crédits : Louis Grandadam/ Getty Images

Mosquée du sultan Ahmed Ier

Plus à l'est encore, l'Inde islamisée va élever aussi des coupoles monumentales, parmi lesquelles celle du mausolée de l'épouse du shah Jehan, le Taj-Mahal d'Agra, fait figure de chef-d'œuvre. Édifié de 1630 à 1653, l'édifice, de plan carré à pans coupés, est surmonté d'un dôme majestueux, culminant à 61 m et dont la portée intérieure modeste (17,70 m) est majorée en volume extérieur par la grande épaisseur des parois du bulbe.

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En Occident, l'époque carolingienne va renouer avec l'architecture de pierre et élever de nouveau des coupoles de dimensions restreintes (14,50 m au dôme d'Aix-la-Chapelle). L'architecture romane à son tour va en faire usage, parfois avec une grande qualité d'exécution, mais sans atteindre les dimensions des colosses antiques ; on trouve ainsi la cathédrale d'Angoulême (1105-1128) avec son dôme de 12 m, ou les cinq coupoles de Saint-Front de Périgueux, qui mesurent 12,15 m. L'intérêt de ces réalisations médiévales réside dans l'originalité des solutions permettant le passage du plan carré du support monumental au plan circulaire de la coupole. Les pendentifs sont encore employés et on les retrouve précisément à Angoulême et à Périgueux, mais on trouve aussi les trompes qui permettent de passer du carré à l'octogone, puis de celui-ci au cercle. Ces trompes peuvent être un petit cul-de-four (cathédrale de Worms), un voûtain conique (Saint-Étienne de Nevers) ou un encorbellement (Notre-Dame-du-Port à Clermont). Les nervures saillantes que l'on trouve dans certaines coupoles romanes (église Saint-Blaise d'Oloron, Hautes-Pyrénées), dénotent une influence de l'Espagne arabe, qui ne sera pas sans inspirer l'architecture gothique.

Coupole de Santa Maria del Fiore, Florence - crédits : Bridgeman Images

Coupole de Santa Maria del Fiore, Florence

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C'est l'Italie du quattrocento qui va revenir aux coupoles monumentales en faisant construire par Brunelleschi la coupole de la cathédrale de Florence (1420-1434). Presque l'égale du Panthéon avec 42,20 m d'ouverture, elle a un plan octogonal et elle est constituée par une double enveloppe de maçonnerie nervurée, que Brunelleschi put élever sans recourir à un cintre général. Chaque assise d'une coupole constituant en effet une petite voûte annulaire, il est possible de monter une coupole entière en s'aidant de cintres partiels que l'on retire dès qu'une assise est bouclée.

À Saint-Pierre de Rome, Michel-Ange dirigera jusqu'à sa mort, en 1564, la construction de la majestueuse coupole de 42 m de diamètre à double enveloppe de pierre et de brique, selon la technique de Brunelleschi.

Inspirés par les réalisations italiennes, les architectes européens vont à leur tour construire des coupoles et trouver des solutions originales de structures, notamment pour les charpentes. À Londres, Christofer Wren entreprend en 1675 le chantier de la cathédrale St. Paul et de son dôme de 30,70 m d'ouverture. Wren décompose sa coupole en trois éléments emboîtés : d'abord une coupole intérieure en brique, puis un ample cône de brique montant jusqu'à la lanterne, et enfin une enveloppe extérieure en charpente constituant le dôme visible. C'est une solution identique que Jules Hardouin-Mansart adopte pour le dôme des Invalides (1680-1691), plaçant à l'intérieur d'une vaste enveloppe de charpente sa double coupole de pierre, la plus basse (ouverture 27,50 m) étant décalottée afin de créer un effet perspectif vers l'intrados de la seconde.

Cathédrale Saint-Paul, à Londres - crédits : English Heritage/ Heritage Images/ Getty Images

Cathédrale Saint-Paul, à Londres

Dôme des Invalides, Paris - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Dôme des Invalides, Paris

— Jean-Pierre ADAM

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Écrit par

  • : responsable du bureau de Paris à l'Institut de recherche sur l'architecture antique

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Panthéon, Rome - crédits : Mapicss/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Panthéon, Rome

Shah i-Zinda - crédits :  Bridgeman Images

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Mosquée du sultan Ahmed I<sup>er</sup> - crédits : Louis Grandadam/ Getty Images

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Autres références

  • ANGOULÊME, histoire de l'art

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  • ARMÉNIE

    • Écrit par , , , , , , et
    • 23 772 mots
    • 13 médias
    ...qui présente plus d'analogies avec le type anatolien qu'avec le type syrien, les Arméniens ont employé de très bonne heure l'édifice à plan central et à coupole, dont les antécédents sont à rechercher parmi les mausolées de la basse Antiquité. C'est ce que viennent de révéler les fouilles récentes à Etchmiadzine...
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