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MANZONI PIERO (1933-1963)

Artiste italien. Au milieu des années 1950, lorsque Piero Manzoni, né en 1933 à Soncino (Cremona, Italie) et décédé en 1963 à Milan, abandonna ses études universitaires – de droit, puis de lettres et de philosophie – pour se consacrer à la peinture, les activités artistiques étaient encore définies par le médium utilisé. Ainsi devenait-on, par exemple, peintre, sculpteur, cinéaste ou musicien. Quelques personnalités de premier plan, au nombre desquelles il faut compter Manzoni, ont radicalement transformé cette conception : ils inventèrent pour leur propre compte une manière d'être artiste, en général.

Désacralisation de l'art

L'œuvre protéiforme de Manzoni fut souvent mise en parallèle avec celle d'Yves Klein, son contemporain. On a parfois voulu réduire leurs rapports à l'influence de l'aîné (Klein était né en 1928) sur son cadet. Il serait plus judicieux de les examiner sous l'angle de la différence. Au monochrome de Klein, Manzoni opposa certes ses Achromes – dont la matérialité importe plus que la blancheur. Mais plus généralement, alors que l'œuvre de Klein sollicite une adhésion, celle de Manzoni développe une ironie mordante. Ses tableaux achromatiques ne sont pas « peints » ; ses toiles sont préparées, fripées et trempées dans du sulfate de calcium et de la colle. Les lignes qu'il trace ne se convertissent pas en dessin, ses manifestations se rient du religieux et ses Socles magiques ne produisent aucune illusion.

L'ironie culmine avec ses boîtes de « merde d'artiste », qui n'ont pas fini de faire débat. Elles participent d'une désacralisation généralisée de l'art, tout comme les signatures apposées sur des modèles vivants, la consommation d'œufs, la multiplication d'empreintes digitales qui n'authentifient rien, ou encore les Souffle d'artiste que Manzoni recueillait dans des ballons de baudruche. Organisateur d'expositions, fondateur avec Enrico Baj du groupe Arte Nucleare, dont il signe le manifeste Contre le style (1957), et avec Enrico Castellani d'une revue, Azimuth (1959-1960), Piero Manzoni va fédérer les propositions esthétiques qui émanent des mouvements Nul en Hollande, Zéro à Düsseldorf (Allemagne), du Nouveau Réalisme en France et du Spatialisme en Italie. Il écrit plusieurs textes qui précisent sa pensée. Dans l'un d'eux, « Aujourd'hui le concept de tableau... » (1957), il affirme que « l'essentiel est de ne jamais accorder crédit à ce qui relève d'un conditionnement subjectif et de donner image à notre humanité originaire ». Un tel programme est une bonne entrée en matière pour considérer une œuvre dont l'insolence juvénile réjouit autant qu'elle dérange.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Denys RIOUT. MANZONI PIERO (1933-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BODY ART

    • Écrit par Anne TRONCHE
    • 4 586 mots
    • 1 média
    ...pinceaux » d'Yves Klein qui, en 1958, ont donné naissance aux premières Anthropométries, mais également dans les Sculptures vivantes de l'Italien Piero Manzoni, véritable transsubstantiation artistique d'un corps nu en œuvre d'art, ou bien encore dans les nombreuses expérimentations menées au Japon,...
  • HAPPENING

    • Écrit par François PLUCHART
    • 4 079 mots
    ...en faisant se déplacer sur une toile des personnages féminins (pinceaux vivants) préalablement recouverts de peinture bleue, et surtout les travaux de Piero Manzoni tels que la Merde d'artiste en boîte et le Socle magique (1967) sur lequel toute personne ou tout objet qui y était placé devenait...
  • MONOCHROME, peinture

    • Écrit par Denys RIOUT
    • 3 833 mots
    ...de peinture jusqu'alors rare et atypique. Outre Klein, divers artistes européens et américains se livrent à des variations monochromatiques, tandis que Piero Manzoni (1933-1963) promeut l'achromatisme. En se diversifiant, la monochromie atteste que, loin d'être une limite ultime ou un moyen transitoire...
  • NON-ART

    • Écrit par Gilbert LASCAULT
    • 4 039 mots
    Des actes divers sont proposés.Piero Manzoni fabrique une série numérotée de boîtes de conserve contenant de « la merde d'artiste » : dérision du respect qui entoure tout ce que « fait » un créateur. Claes Oldenburg annonce comme « sculpture en négatif » un trou qu'il fait creuser,...

Voir aussi