PHARES
Un phare est une structure qui comporte habituellement une tour, construite à terre ou en mer pour faciliter la navigation maritime côtière en signalant aux marins les écueils, en leur permettant d'établir leur position et en les guidant jusqu'à leur destination. Depuis la mer, un phare peut être identifié par la forme ou la couleur distinctive de sa structure, la couleur ou le caractère de son feu ou encore le code de son signal radio. Le développement des systèmes de navigation électroniques (cf. navigation) a eu de fortes répercussions sur le rôle des phares. Si les feux puissants deviennent superflus, en particulier pour l'arrivée à terre, on observe une nette multiplication des petits feux et des bouées lumineuses, toujours nécessaires pour guider le navigateur dans les eaux côtières très fréquentées et souvent difficiles, et à l'approche des ports. Les marins ont encore tendance à préférer la navigation à vue, plus rassurante que la navigation aux instruments. Les balises lumineuses présentent l'avantage d'être simples, fiables et peu onéreuses. Elles peuvent en outre être utilisées par tout navire, doté ou non d'équipements spéciaux, et sont le dernier système de secours en cas de dysfonctionnement des appareils plus sophistiqués.
Histoire des phares
Phares de l'Antiquité
Les ancêtres des phares proprement dits étaient des feux à ciel ouvert allumés en haut d'une colline. La plus ancienne trace de ces brasiers se trouve dans L'Iliade et L'Odyssée (vers le viiie siècle av. J.-C.). Les restes des plus anciens phares identifiés ont été découverts au Pirée (ve s. av. J.-C.) et dans l'île de Thasos, en mer Égée (vie s. av. J.-C.). Le plus célèbre est le phare d'Alexandrie, construit sur l'île de Pharos vers 280 avant J.-C. ; mesurant plus de 110 mètres de hauteur, et plus de 130 mètres avec la statue qui le surmontait, cet ouvrage monumental, plus tard considéré comme l'une des sept merveilles du monde antique, donna son nom à ce type de construction. Les Romains érigèrent nombre de phares lors de l'expansion de l'Empire ; une trentaine longeaient ainsi les côtes de la mer Noire à l'Atlantique en 400 après J.-C. Parmi ces phares romains figuraient celui d'Ostie, le port de Rome, achevé en 50 après J.-C., ainsi que ceux marquant les bords du pas de Calais, à Boulogne et à Douvres, quelques ruines de ce dernier ouvrage subsistant encore aujourd'hui.
Les Phéniciens, qui commerçaient de la Méditerranée jusqu'en Grande-Bretagne, ponctuèrent eux aussi leur route de phares. Les premiers étaient en réalité de simples feux de bois ou des torches brûlant à ciel ouvert, parfois abrités sous un toit. À partir du ier siècle après J.-C., les Phéniciens utilisèrent des chandelles ou des lampes à huile brûlant dans des lanternes aux parois de verre ou de corne.
Phares du Moyen Âge
Le déclin du commerce au Moyen Âge mit un frein à la construction de phares jusqu'à la réapparition des échanges en Europe vers l'an 1100. La France et l'Italie furent alors les figures de proue de la construction de phares. Dès 1500, nombre de ces édifices étaient régulièrement mentionnés dans les récits de voyage et les cartes marines. Au moins trente grands phares étaient répertoriés en 1600.
Ces feux ressemblaient à ceux de l'Antiquité, constitués principalement de brasiers de bois ou de houille ou encore de torches brûlant à l'air libre, même si les lampes à huile et les chandelles étaient aussi en usage. Le célèbre fanal de la Lanterna, à Gênes, apparut probablement vers 1139. Il fut entièrement reconstruit en 1544 et doté de l'impressionnante tour qui reste aujourd'hui un amer remarquable. Antonio Columbo, oncle du navigateur Christophe Colomb, fut nommé gardien du feu en 1449. Un autre phare fut construit sur l'îlot de Meloria, en face de Livourne, en 1157, remplacé en 1304 par un ouvrage édifié sur un rocher isolé du port. En France, la tour romaine de Boulogne fut réparée par Charlemagne vers 800 et fonctionna jusqu'en 1644, avant de s'effondrer à la suite d'un affaissement de la falaise sur laquelle elle se dressait. Le plus célèbre phare français du Moyen Âge est celui de Cordouan, dans l'estuaire de la Gironde. Un premier bâtiment fut construit par le Prince Noir, Édouard d'Angleterre (1330-1376). En 1584, Louis de Foix, ingénieur et architecte, édifia un nouveau fanal, qui fut l'un des projets les plus ambitieux et les plus achevés de son temps. Haut de 30 mètres et large de 41 mètres à sa base, il se distinguait par son architecture intérieure élaborée, révélant des pièces au plafond en voûte, richement ornées d'une profusion de dorures, de statues et de portes en voûte. Les travaux durèrent vingt-sept ans en raison de l'affaissement de l'île, pourtant stable en apparence. Lorsque la tour fut achevée, en 1611, l'île était complètement immergée à haute mer. Cordouan devint ainsi le premier phare de pleine mer, pionnier de structures érigées sur des écueils rocheux comme le phare de l'île d'Eddystone, près de Plymouth (Angleterre). Rehaussé au xviiie siècle, classé monument historique au siècle suivant, il est le plus ancien des phares français en activité.
L'influence de la Ligue hanséatique permit d'accroître le nombre de phares le long des côtes scandinaves et allemandes. Au moins quinze feux avaient été édifiés en 1600 dans la région, qui devint l'une des mieux éclairées de l'époque.
Au Moyen Âge, les lumières émises par les chapelles et les églises longeant la côte faisaient bien souvent office de phares, en particulier en Grande-Bretagne.
Premiers phares de l'époque moderne
Les premiers phares modernes apparurent vers 1700, lorsque les améliorations apportées aux structures et aux dispositifs d'éclairage se multiplièrent rapidement. Le xviiie siècle vit notamment l'émergence de tours complètement exposées à la mer. La première était une tourelle de bois haute de 36 mètres, construite par Henry Winstanley sur les célèbres Eddystone Rocks au large de Plymouth. Bien qu'ancré par douze étais de fer scellés avec peine dans une roche exceptionnellement dure, il ne fonctionna que de 1699 à 1703, année où il fut entièrement balayé par une tempête d'une violence extraordinaire. Son concepteur et constructeur, alors présent dans le phare, fut emporté avec lui. Il fut remplacé en 1708 par une deuxième tour de bois, construite par John Rudyerd et détruite par les flammes en 1755. John Smeaton y édifia entre 1756 et 1759 une tour de maçonnerie restée célèbre par la nouvelle formule de son mortier et l'assemblage en queue d'aronde de ses blocs de pierre. Malgré cette innovation, la stabilité de la tour reposait essentiellement sur son poids, ce qui impliquait que la base soit plus large que le sommet, en pointe. Au lieu d'une simple forme conique, Smeaton donna à sa structure un profil courbe, plus esthétique et, surtout, permettant de disperser une partie de la force des vagues se heurtant au phare en les obligeant à remonter le long de la tour.
En raison de l'affaissement de l'écueil rocheux, la tour de Smeaton dut être remplacée en 1882 par la structure actuelle, construite sur un récif proche par sir James Douglass, ingénieur en chef de Trinity House, le service britannique de signalisation maritime. Afin de limiter la tendance des vagues à se briser sur la lanterne pendant les orages violents (problème récurrent avec la tour de Smeaton), Douglass fit construire la nouvelle tour sur une base cylindrique massive qui absorbe une partie de l'énergie des vagues qui la frappent. La partie supérieure du phare de Smeaton fut démontée et remontée à Plymouth Hoe, où elle peut encore être admirée, tandis que la partie basse demeure à Eddystone Rocks.
Après Eddystone, des tours de maçonnerie furent érigées dans des sites similaires en pleine mer, comme le phare de Smalls au large du pays de Galles, de Bell Rock en Écosse, de South Rock en Irlande et de Minots Ledge au large de Boston (Massachusetts). Le premier phare du continent nord-américain fut construit en 1716 sur l'île de Little Brewster, également au large de Boston. En 1820, on estimait à deux cent cinquante le nombre de grands phares dans le monde.
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Écrit par
- Ian C. CLINGAN : ancien ingénieur en chef du service des phares de Trinity House à Londres
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Voir aussi
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- GUIDAGE, transports
- FOYER, optique
- LENTILLES, optique
- OPTIQUE INSTRUMENTALE
- RÉFLEXION & RÉFRACTION DE LA LUMIÈRE
- PROPAGATION DES SONS
- NAVIGATION MARITIME HISTOIRE DE LA
- MIROIR
- LAMPE, technologie
- POSITION, géodésie et navigation
- CONSTRUCTION TECHNIQUES DE
- ÉCLAIRAGE
- RADIOPHARES
- SIGNALISATION
- CORDOUAN PHARE DE
- EDDYSTONE PHARE D'
- BATEAUX-FEUX
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- PILES, travaux publics
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