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PANISLAMISME

Mot créé à la fin du xixe siècle pour exprimer l'idée d'une cohésion défensive de la communauté musulmane contre les ambitions des puissances européennes qui tendaient à dominer la quasi-totalité du monde musulman. Le panislamisme repose sur le sentiment d'appartenance à la Cité musulmane fondée par Mahomet à Médine (622-632). Après la mort du Prophète fut instauré le califat, qui n'assura l'unité de la communauté (Umma) qu'à peine un peu plus d'une vingtaine d'années. Celle-ci se brisa au temps du quatrième calife, Ali, et par la suite aucun successeur n'a régi la totalité des musulmans. Mais l'unité de la foi, des obligations cultuelles et des comportements sociaux ont fait de l'islam une sorte de fraternité sociale, par-dessus les frontières : la Cité musulmane. À la fin du xviiie siècle et au début du xixe, sous l'influence de l'Occident, l'idée d'un califat, puissance spirituelle, sorte de papauté en islam, véritable hérésie du point de vue de l'orthodoxie musulmane, finit par s'accréditer. Le sultan Abdul Hamid II (1876-1909) tenta de regrouper par ce moyen, autour de son empire déclinant, l'ensemble des musulmans (Empire ottoman). Il bénéficia, un temps, du soutien du mouvement réformiste (Djamal al-Din al-Afghani, mort en 1897) qui s'efforçait de concilier les principes de l'islam avec l'évolution du monde moderne et, en prônant une réconciliation des rites et des sectes, d'éveiller l'islam à une nouvelle vie.

La révolution jeune-turque de 1908 porta un premier coup au panislamisme : Turcs et Arabes s'orientent vers des nationalismes rivaux, fondés principalement sur la communauté de langue. La Première Guerre mondiale révéla quelques années plus tard la faiblesse de celui-ci (échec de la guerre sainte proclamée par le calife et, par contre, révolte arabe dirigée par les hachémites). Au lendemain de celle-ci, le démembrement de l'Empire ottoman, la proclamation de la République turque, la suppression du califat par Atatürk privèrent les peuples islamiques de l'espoir de voir rétablir une direction spirituelle et temporelle. Une série de congrès entre les deux guerres (notamment à La Mecque et au Caire en 1926 et à Jérusalem en 1931) constata l'impossibilité de rétablir sous une forme monarchique et théocratique l'unité musulmane. La communauté tendait à se fractionner en nations aux intérêts opposés. Le panislamisme trouva cependant une nouvelle voie dans le sous-continent indien. L'idée de réunir les Bengalis, Pathans, Baloutches, Sindhis et Pendjabis, musulmans parlant des langues différentes et possédant leurs propres traditions culturelles, née en 1930, aboutit le 14 août 1947 à la création du Pakistan ; celui-ci éclate en 1971 (naissance du Bangladesh). Les inspirateurs de ce regroupement tentèrent dans les années 1950 de répéter leur expérience à l'échelle mondiale, utilisant divers moyens (activité culturelle, émancipation économique, solidarité religieuse, volonté des peuples, initiatives gouvernementales, etc.). Ils échouèrent, certains de leurs interlocuteurs arabes ayant adopté sous l'influence de dirigeants comme Nasser d'autres options : arabisme, anti-impérialisme, neutralisme les rapprochant de Nehru... D'autres initiatives se succéderont jusqu'à nos jours, essentiellement au travers de l'Organisation de la conférence islamique et de la Ligue islamique mondiale, aboutissant à des rencontres dans toutes les métropoles du monde musulman : La Mecque, Jérusalem, Le Caire, Bagdad, Rabat, Téhéran, Karachi, Djakarta, Mogadiscio, Nairobi... Elles s'efforcent de réaliser une sorte de concert des nations islamiques. Ces initiatives butent sur la force des nationalismes, sur la diversité des alliances internationales et des[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

Robert SANTUCCI. PANISLAMISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARABIE SAOUDITE

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT, Universalis, Ghassan SALAMÉ
    • 25 169 mots
    • 10 médias
    ...confirmer sa légitimité religieuse, qu'il tente aussi de renforcer en étant l'initiateur le plus déterminé de nombreuses organisations internationales liant la quarantaine d'États islamiques dans le monde. La plus importante est la Conférence islamique, dont le siège est à Djeddah ; ont également leur...
  • ARABISME

    • Écrit par Universalis, Maxime RODINSON
    • 5 530 mots
    • 6 médias
    ...révolutionnaire, semeur d'idées, libre penseur qui se rallie à l'utilisation tactique du sentiment d'appartenance à la communauté musulmane vers 1880. Son panislamisme, à visées anti-impérialistes, ne l'empêche pas de soutenir les luttes pour l'indépendance conçues sur une base plus localisée, comme en Iran,...
  • DJAMĀL AL-DĪN AL-AFGHĀNĪ (1838-1897)

    • Écrit par Gilbert DELANQUE
    • 311 mots

    Iranien, formé en milieu shī‘ite duodécimain, et non sunnite comme il l'a laissé croire, al-Sayyid Muḥammad b. Ṣafdar Djamāl al-dīn al-Afghānī se prétend afghān (d'où le nom ethnique d'al-Afghānī). Il fait des études à Qazwin, à Téhéran et à Najaf. À partir...

  • PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONTEMPORAIN

    • Écrit par Nadine PICAUDOU, Aude SIGNOLES
    • 21 426 mots
    • 22 médias
    ...occidental. L'appel initial à la défense du monde musulman contre la menace européenne vient des Indes et trouve un écho immédiat en Afghanistan et en Perse. C'est contre la domination britannique dans le sous-continent puis en Égypte que le penseur et activiste persan Djamāl al-Dīn al-Afghānī (1838-1897) théorise...

Voir aussi