NUCLÉAIRE Applications militaires

L' application militaire de l'énergie atomique a été envisagée dès la découverte de la fission, comme le montre la demande de brevet déposée le 4 mai 1939 par le physicien français Frédéric Joliot-Curie et son équipe sur l'explosif nucléaire (« Perfectionnements aux charges explosives », décrivant le principe de la bombe atomique). Elle est devenue ensuite un enjeu stratégique au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, avec leur projet Manhattan, ont abouti les premiers à l'arme atomique testée le 16 juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique et utilisée à deux reprises, sur Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. La guerre froide a vu l'intensification des recherches sur l'armement nucléaire devenu la clé de l'équilibre des forces entre les blocs de l'Est et de l'Ouest jusqu'à l'effondrement du Mur de Berlin en 1989. Bien que, en ce qui concerne les armes à fission, les principes de fonctionnement soient connus du public, beaucoup de solutions théoriques et techniques sont encore protégées par un secret rigoureux justifié dès l'origine par le souci de retarder – faute de pouvoir l'empêcher – la dissémination de l'armement atomique parmi un nombre croissant de nations.

Explosion
d'une bombe à hydrogène - crédits : Rob Atkins/ The Image Bank / Getty Images Plus

Explosion d'une bombe à hydrogène

Nucléaire civil et militaire dans le monde - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nucléaire civil et militaire dans le monde

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On peut distinguer dans un système d'arme nucléaire deux parties principales : d'une part, la partie explosive proprement dite, appelée charge (l'ensemble constitué par la partie explosive et ce qui assure son fonctionnement dans les conditions souhaitées est appelé parfois tête) ; d'autre part, la partie assurant le transport du point de stockage au point d'explosion, appelée vecteur.

Les aspects spécifiques des armes nucléaires se localisent, pour l'essentiel, au niveau de la charge. Les énergies mises en jeu sont considérables par leur concentration extraordinaire dans l'espace et dans le temps : une masse fissile du volume d'un morceau de sucre est capable de dégager en moins d'un millionième de seconde une énergie équivalente à celle que contiendrait un train de marchandises rempli d'explosif chimique.

Les armes nucléaires se caractérisent par un certain nombre de manifestations (rayonnements de diverse nature, mise en mouvement des débris) entraînant sur les milieux environnants des effets qui dépendent des conditions d'ambiance de l'explosion, par exemple : effets thermiques, effets d'irradiation neutronique, de choc, perturbations électromagnétiques.

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Enfin, l'utilisation des armes nucléaires nécessite le déploiement de « systèmes d'armes » qui, au fil des années, se perfectionnent, voire sont abandonnés, à mesure que se développent les parades aux systèmes existants.

Les armes nucléaires, par leurs effets destructeurs terrifiants, ont eu des conséquences sur la conscience collective de l'humanité. Du point de vue scientifique et technique, elles concrétisent l'accession à un certain niveau de connaissances.

Les armes à uranium appauvri, qui ont été utilisées, par exemple, lors de la guerre du Golfe (1990-1991), ne sont pas des armes nucléaires proprement dites puisqu'elles ne mettent pas en jeu le principe de fission ou de fusion des noyaux. En effet, les munitions (balles, obus, bombes pénétrantes) de ce type utilisent la propriété physique de l'uranium d'être un des métaux les plus lourds présents dans la nature, pour perforer des blindages épais. Plus efficace et moins cher que le tungstène, l'uranium appauvri est cependant un métal toxique, dont les effets secondaires sur le champ de bataille sont encore mal connus.

Matériaux de base et réactions

Matériaux fissiles

La partie active d'une charge nucléaire est constituée de matériaux nucléaires qui, mis en condition de façon appropriée, deviennent le siège de réactions extrêmement violentes, avec fort dégagement d'énergie. Dans les armes à fission, cette mise en condition consiste à rapprocher brutalement, à l'aide d'un explosif chimique, les matières fissiles, de sorte qu'une réaction en chaîne puisse s'y développer. Dans les armes faisant appel à la fusion – appelées thermonucléaires –, il faut une densité d'énergie très élevée pour que le matériau fusible dépasse le seuil d'allumage ; c'est pourquoi il est nécessaire de recourir à un premier étage à fission, l'amorce, pour assurer cette mise en condition.

Parmi les matériaux fissiles, les plus intéressants sont l'isotope 235 de l'uranium, qui se trouve en faible proportion (0,7 p. 100) dans l'uranium naturel, et l'isotope 239 du plutonium, qui, n'existant pas dans la nature, est produit par un réacteur nucléaire en quantité variable suivant le type de réacteur. On peut aussi fabriquer de l'uranium 233 et, sous certaines conditions, fissionner l'isotope 238 de l'uranium, qui a l'avantage d'être abondant (99,3 p. 100 de l'uranium naturel).

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La réaction utilisée est la fission, dans laquelle le noyau de l'atome se casse sous l'effet d'un neutron, en donnant généralement deux noyaux plus petits, appelés produits de fission, et deux ou trois neutrons. Les noyaux obtenus sont différents d'une fission à une autre. Plus de 200 isotopes ont été identifiés ; leur nombre de masse s'étage entre 65 et 165, c'est-à-dire du zinc aux lanthanides.

Chaque réaction libère une énergie de 180 MeV, c'est-à-dire environ 3.10—11 joules ; c'est très faible, mais on a rapidement un nombre considérable de réactions puisque chacun des neutrons produits est capable à son tour de provoquer une fission.

Alors que, dans la plupart des réacteurs nucléaires habituels, ce sont les captures qui provoquent le plus de pertes de neutrons, ici, la cause principale des pertes est la fuite des neutrons vers l'extérieur du système. Il y a plusieurs raisons à cela : d'abord, le système est très concentré, il ne comporte pas de ralentisseur, son volume est donc réduit ; ensuite, les neutrons, étant très rapides, ils ne restent pas longtemps dans le système (ils ont une durée de vie de quelques nanosecondes) ; enfin, les captures ont relativement moins de chances de se produire sur la plupart des matériaux avec des neutrons rapides qu'avec des neutrons ralentis.

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Afin d'assurer le développement de la combustion, on cherche à obtenir plus d'un neutron utile par réaction de fission. Pour cela, on rassemble une certaine masse de matériau appelée masse critique, pour laquelle le nombre des neutrons produits dans le volume compense celui qui est perdu par absorption et fuites à la surface. Cette masse critique est d'environ 50 kg pour une sphère nue d'uranium enrichi et de 16 kg pour une sphère nue de plutonium. Elle passe respectivement à 16 et à 6 kg pour les mêmes matériaux entourés d'un très bon réflecteur de neutrons.

L'énergie potentielle du matériau fissile est généralement exprimée en kilotonnes (kt) d'équivalent T.N.T. (signifiant le trinitrotoluène, explosif chimique servant de référence pour mesurer l'énergie d'une arme nucléaire ; 1 kt = 4,18.1012 joules). Un kilogramme de matière fissile entièrement fissionnée fournit 17 kt. Un litre de cette même matière fournit environ de 250 à 300 kt.

Matériaux fusibles

Les matériaux fusibles les plus intéressants sont les isotopes de masse 2 et 3 de l'hydrogène : le deutérium et le tritium, puis l'isotope de masse 6 du lithium. Le tritium n'existe qu'à l'état de traces dans la nature et doit être fabriqué, alors que les deux autres corps existent, très dilués, à l'état naturel : il faut les concentrer pour les mettre en œuvre.

Pour obtenir la fusion, il faut obliger deux noyaux positifs à se rencontrer alors que les forces de répulsion coulombiennes tendent à les éloigner. Pour cela, on n'a pas trouvé d'autre moyen que le chauffage ; l'agitation thermique corrélative favorise les collisions et par conséquent permet d'obtenir la fusion. Naturellement, il faut dans le même temps s'opposer à la dispersion de ces noyaux.

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Il n'existe pas, comme pour la fission, de notion de masse critique du matériau fusible, et le matériau ne peut entrer en combustion par un simple rapprochement accidentel. Les températures à atteindre et les énergies à fournir au milieu ne peuvent venir jusqu'à présent que d'une amorce à fission. Les problèmes de sûreté du dispositif se trouvent donc reportés au niveau de cette amorce.

Pour terminer, précisons l'énergie potentielle du matériau fusible : un kilogramme de matière fusible peut théoriquement fournir quelque 50 kt ; un litre de matière fusible peut fournir de 10 à 50 kt. Il s'agit, comme pour la fission, de l'hypothèse où toute la matière serait brûlée.

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Écrit par

  • : ancien adjoint du directeur scientifique au Commissariat à l'énergie atomique, professeur honoraire à l'École nationale supérieure des techniques avancées
  • : directeur scientifique au Commissariat à l'énergie atomique, direction des applications militaires
  • : ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique

Classification

Médias

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d'une bombe à hydrogène - crédits : Rob Atkins/ The Image Bank / Getty Images Plus

Explosion d'une bombe à hydrogène

Nucléaire civil et militaire dans le monde - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Essais nucléaires atmosphériques - crédits : CEA

Essais nucléaires atmosphériques

Autres références

  • NUCLÉAIRE (notions de base)

    • Écrit par
    • 4 131 mots
    • 18 médias

    Depuis la découverte de la radioactivité en 1896 par Henri Becquerel et celle du noyau atomique par Ernest Rutherford en 1911, des progrès scientifiques importants ont été accomplis en physique nucléaire. La maîtrise des réactions nucléaires a permis en particulier, dès le milieu du xxe siècle,...

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