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Principes de fonctionnement
Fonctionnement
Dans une arme à fission, le combustible nucléaire se trouve, au repos, dans une configuration telle qu'il ne puisse réagir accidentellement. Ce combustible est accompagné d'un ensemble de dispositifs visant d'abord à assurer la sûreté de l'ensemble et à éliminer tous les risques au cours de manipulations, ensuite à commander le rapprochement des composants actifs, enfin à effectuer le rapprochement ou la mise en température de ces composants de telle façon qu'ils puissent réagir.
La fonction sûreté est assurée grâce à une architecture et des barrières de sécurité conçues pour éviter tout dégagement d'énergie nucléaire en cas d'accident. Dans cette configuration, on dit que l'explosif est désarmé. On lèvera ces barrières de sécurité lorsque l'arme sera sur le point d'être utilisée et après un certain nombre de tests, électriques par exemple, permettant de vérifier que l'arme est en état de fonctionnement normal.
La deuxième fonction est assurée par un dispositif électrique qui déclenche les opérations de rapprochement.
La dernière fonction doit être effectuée très rapidement. En effet, si on prolonge la durée de la concentration, un neutron indésirable peut apparaître dans l'arme, soit issu de la matière fissile (c'est fréquent dans le cas du plutonium), soit venant de l'extérieur (cas d'une arme défensive adverse). Ce neutron peut amorcer une réaction avant que la configuration optimale ne soit atteinte. Pour assurer cette rapidité, on fait appel à l'explosif chimique, qui, de plus, convenablement disposé, peut comprimer le matériau fissile. L'augmentation de densité ainsi obtenue permet de réduire la masse critique. En effet, on montre facilement que le produit de la masse critique Mc par le carré de la masse volumique ρ est constant : Mcρ2 = Cte
Cette possibilité de compression est un moyen d'accroître considérablement la réactivité du système.
Lorsque toutes ces conditions sont réalisées, on a, dans le cas d'un système à fission, un ensemble très réactif où une réaction en chaîne peut se développer de façon exponentielle. Alors que, dans les réacteurs nucléaires, c'est la valeur du coefficient de multiplication, très proche de l'unité, qui caractérise la réactivité, celle-ci est définie, pour l'explosif, par l'exposant α de l'exponentielle qui commande le développement de la chaîne. En un temps très court, le nombre de neutrons passe de n0 (ceux qui ont été injectés) à N = n0 eαt. Par exemple, en moins d'une microseconde, le produit αt atteint 50. Autrement dit, un neutron père aura alors donné e50 neutrons, c'est-à-dire presque 1022 neutrons, et donc provoqué un nombre égal de fissions, dont chacune libère 200 MeV, soit une énergie de 3 × 1011 joules, équivalant à l'explosion de 72 000 kg de T.N.T. Ce dégagement d'énergie rapide dans un volume réduit va chauffer le milieu : la température y dépasse largement un million de degrés. La matière s'ionise alors et rayonne une partie de son énergie ; mais les pressions sont également très fortes et l'ensemble tend à se dilater. Aussi assiste-t-on à deux effets contradictoires : un violent dégagement d'énergie, dont une partie fuit vers l'extérieur par rayonnement, et une dilatation qui tend à disloquer le système et à le rendre moins réactif. La phase de dégagement d'énergie est brève, sa durée est inférieure à un millionième de seconde. Les températures atteintes sont de quelques keV (1 keV équivaut à 11,6 millions de degrés) et les pressions de l'ordre de plusieurs millions de mégapascals. C'est à partir de ce point-source que l'engin va rayonner. Ce rayonnement comporte des composantes électromagnétiques X et γ qui correspondent à la plus grande part de l'énergie, et d'autres rayonnements particulaires, neutrons, électrons, noyaux d'hélium. En outre, si l'explosion n'a pas lieu dans le vide, une onde de choc prend naissance dans le milieu entourant l'arme.
Dans un premier temps, les scientifiques ont cherché à augmenter le rendement de combustion de la matière nucléaire en perfectionnant l'explosif chimique. Puis, dans un deuxième temps, ils se sont efforcés de réduire la sensibilité de ce dernier aux neutrons issus d'une explosion adverse. En entourant l'explosif d'une gaine épaisse et lourde, on pourra améliorer la réactivité initiale grâce aux neutrons qu'elle renverra dans le cœur actif, retarder la dislocation par l'inertie qu'elle opposera à la dilatation du système et réduire éventuellement les effets d'une agression neutron [...]
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l’article se compose de 14 pages
Écrit par :
- Paul BOUÉ : ancien adjoint du directeur scientifique au Commissariat à l'énergie atomique, professeur honoraire à l'École nationale supérieure des techniques avancées
- Thierry MASSARD : directeur scientifique au Commissariat à l'énergie atomique, direction des applications militaires
- François OLIVE : ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique
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Pour citer l’article
Paul BOUÉ, Thierry MASSARD, François OLIVE, « NUCLÉAIRE - Applications militaires », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/nucleaire-applications-militaires/