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NORMANDIE

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Province du royaume capétien

Le régime capétien fut à la fois conservateur et méfiant. Les institutions normandes furent intégralement maintenues – elles fonctionnaient mieux que celles du domaine royal – mais furent colonisées par des immigrés. L'Échiquier, siégeant tantôt à Rouen et tantôt à Caen, garda la haute main sur la justice et ses finances, mais ses « maîtres » vinrent de Paris. Aucun Normand n'eut accès, avant la fin du règne de Saint Louis, aux postes de direction ; baillis et évêques étaient tous originaires de l'ancien domaine capétien. Une petite noblesse avide, de même origine, reçut les fiefs des seigneurs restés fidèles à Jean. Seuls les monastères purent conserver leurs biens anglais, et cela jusqu'au xve siècle.

La rupture de la communauté anglo-normande, la séparation entre la Normandie insulaire et la Normandie continentale, d'abord tenues pour provisoires tant par la royauté anglaise que par l'opinion locale, furent consacrées par le traité de Paris de 1258. Les îles s'organisèrent en deux petits États liés à l'Angleterre par une union personnelle : Jersey d'une part, Guernesey et dépendances de l'autre. Tel est encore leur statut actuel, en dépit de l'anglicisation profonde accomplie depuis 1850 environ ; elles sont restées des conservatoires pour certaines institutions normandes, y compris, à Guernesey, le régime féodal. Malgré quelques nostalgies, surtout en Cotentin, la Normandie continentale se rallia au régime capétien, en grande partie parce qu'elle y trouva, durant son premier siècle, une prospérité appréciable et, à partir de Saint Louis, cette justice exacte et cette bonne administration auxquelles elle tenait par-dessus tout. Mais elle préserva une originalité profonde au sein de l'État français.

Le temps de la prospérité (XIIIe-XIVe siècle)

Si le xiiie siècle vit les Normands s'effacer de la grande histoire, les avantages matériels ne leur manquèrent pas. L'agriculture fit de rapides progrès, par l'extension des défrichements et surtout dans l'ordre technique (assolements, engrais, méthodes de labour). L'utilisation des moulins à eau et à vent permit d'en valoriser les produits. Sur les côtes, la pêche du hareng et l'exploitation du sel se développèrent. L'argent circulant largement, les paysans, qui apprirent à le manier, animèrent un marché très actif des rentes foncières. Les villes accrurent leur étendue, élargirent leur commerce, rebâtirent leurs églises, sans se soucier beaucoup de développer leur autonomie municipale – sauf Rouen. Les foires de Guibray à Falaise et de Montmartin en Cotentin devinrent le rendez-vous des marchands. Caen, Rouen, Montivilliers, Saint-Lô et plus tard Louviers furent des centres drapiers notables, dont les produits se vendirent jusqu'en Italie.

Le style gothique s'était imposé aux grandes églises de Normandie au cours de la génération qui précéda la conquête française ; sa première réalisation importante fut, de 1170 à 1182, la cathédrale de Lisieux. Il eut ainsi le temps de revêtir, avant l'annexion, une certaine originalité régionale, d'ailleurs bien moins prononcée qu'à l'époque romane ; elle se manifeste surtout dans l'Ouest. De cette architecture nouvelle relèvent de nombreuses abbayes (Saint-Pierre-sur-Dives, Fontaine-Guérard, Ardennes, Hambye) ou des éléments d'ensembles conventuels (cloître du Mont-Saint-Michel, chœur de Saint-Étienne de Caen), et surtout de splendides cathédrales, dont celle de Coutances est la plus parfaite. La réticence tenace des Normands en face du décor animé fut enfin surmontée. Les ateliers de sculpture rouennais, les plus actifs, ont donné dans la seconde moitié du xiiie siècle des œuvres admirables aux portails de la cathédrale. L'atelier d'Écouis,[...]

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Pour citer cet article

Armand FRÉMONT et Lucien MUSSET. NORMANDIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/10/2016

Médias

Abbaye de Jumièges - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Abbaye de Jumièges

Normandie, X<sup>e</sup>-XI<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Normandie, Xe-XIe siècle

Le Mont-Saint-Michel - crédits : G. Sioen/ De Agostini/ Getty Images

Le Mont-Saint-Michel

Autres références

  • NORMANDIE, région administrative

    • Écrit par
    • 3 161 mots
    • 3 médias

    Pour des raisons plus économiques qu’historiques, deux « régions de programme » ont été créées en Normandie au moment de l’organisation administrative du territoire dans les années 1960-1970, la Haute-Normandie qui comprenait les départements de l'Eure et de la Seine-Maritime (chef-lieu...

  • ALENÇON

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    Alençon, chef-lieu du département de l'Orne, est situé aux confins de la Normandie et du Maine, dans une région de plaine verdoyante qu'entourent les bocages du Perche et de grandes forêts domaniales sur les hauteurs de Perseigne et d'Écouves. Aux limites du Bassin parisien et...

  • ANGEVIN EMPIRE

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    ...témoigne de ce désir tout comme l'identité des politiques administratives dans les diverses possessions angevines : le système judiciaire anglais copié en Normandie, les responsabilités des shérifs en Angleterre rendues semblables à celle des baillis normands. Une cour hétéroclite de plus de deux mille fidèles...
  • BEDFORD JEAN DE LANCASTRE duc de (1389-1435)

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    Troisième fils d'Henri IV d'Angleterre, Jean de Lancastre est fait duc de Bedford par son frère Henri V en 1414. Mêlé très jeune aux luttes politiques, il soutient son frère qui lui confie la lieutenance du royaume lors de ses expéditions en France. À ce titre, il prend Berwick aux Écossais...

  • CAEN

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    Caen, chef-lieu du Calvados et capitale de la Basse-Normandie jusqu’au 31 décembre 2015, est depuis 2016 le siège du conseil régional de la région Normandie. La ville compte 111 300 habitants et son aire urbaine 403 600 habitants (2012).

    La ville est établie de part et d'autre de l'Orne,...

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