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MONUMENTS AUX MORTS

Monument aux morts, Fontaine-le-Comte (Vienne) - crédits : O. Hayes

Monument aux morts, Fontaine-le-Comte (Vienne)

En France, quand on parle des monuments aux morts, on fait référence à un type de monuments commémoratifs érigés au lendemain de la Première Guerre mondiale dans presque toutes les communes du pays. Ils sont avant tout une expression collective de deuil. Mais ils révèlent aussi le langage symbolique utilisé pour représenter ce deuil par et pour les contemporains des années 1920, et le message qu’ils adressent aux générations futures. Événements historiques du xxe siècle et considérations pratiques d’urbanisme laissent au fil du temps leurs traces sur les monuments aux morts. Il existe également, en France comme ailleurs dans le monde, des monuments élevés à la mémoire d’un événement ou de victimes ; ceux-ci sont en général situés sur le lieu authentique ou symbolique, par exemple un lieu d’arrestation ou d’exécution de résistants pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces monuments sont souvent assimilés à des monuments aux morts, mais ils sont de plus en plus clairement qualifiés de « mémoriaux ».

Un phénomène caractéristique

Au xixe siècle, un processus de démocratisation tant en politique que dans les mentalités se met en place. Ainsi, les hommages publics se reportent des monuments aux grands généraux sur une reconnaissance des citoyens-soldats. À travers cette évolution se concrétise le concept de nation. Les monuments dédiés aux morts de 1870-1871, notamment, préfigurent en apparence les monuments aux morts qui seront érigés après 1914-1918. Mais ils s’en différencient par certains aspects : en plus des champs de bataille, les monuments de 1870-1871 ne sont présents que dans les centres urbains, pour s’adresser à un canton ou à un département ; ils peuvent éventuellement être plus coûteux et élaborés ; par ailleurs, les noms n’y figurent pas nécessairement. Ils sont souvent issus d’initiatives privées puis cédés aux autorités publiques. Enfin, ils ont été érigés en majorité de vingt à trente ans après le conflit, comme en témoigne la création de l’association Le Souvenir français en 1887.

Au contraire, les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale sont édifiés dans l’immédiat après-guerre, au début des années 1920, la plupart entre 1919 et 1923. Certains sont même conçus pendant la guerre, donc sans connaître l’issue du conflit ; parfois, les conseils municipaux ont même évoqué ce type d’hommage dès les premiers mois de la guerre.

Dans la mesure où les corps des soldats ne seront rapatriés aux frais de l’État qu’à partir de 1922, (lorsque c’est possible et que les familles en font la demande), les monuments aux morts remplissent de fait une fonction de tombeau vide, sans corps, c’est-à-dire de cénotaphe. Des hommages éphémères les avaient parfois précédés dans les mairies ou les écoles publiques – par exemple des tableaux d’honneur pouvant comporter des portraits photographiques des morts.

L’intense mouvement de constructions de monuments aux morts relève en premier lieu de l’initiative locale : c’est le conseil municipal qui agit en tant que représentant légitime des habitants de la commune. Les anciens combattants sont respectés et écoutés, et certains conseils municipaux prennent en considération les avis des veuves de guerre. On connaît ainsi des exemples de consultation de la communauté villageoise, s’adressant aux parents et/ou donateurs, ceux-ci pouvant adresser en retour des pétitions à leur maire, presque toujours centrées sur une des questions essentielles de la symbolique du monument, à savoir son emplacement. La décision finale revient au conseil municipal.

Si les réalisations de monuments aux morts sont négociées à l’échelle communale, le phénomène a cependant une dimension nationale. Rares sont les communes de France dépourvues de monument aux morts. Les exceptions peuvent être dues au fait extraordinaire qu’une commune n’a[...]

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur à l'université de Tübingen, Allemagne

Classification

Pour citer cet article

Oonagh HAYES. MONUMENTS AUX MORTS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Monument aux morts, Fontaine-le-Comte (Vienne) - crédits : O. Hayes

Monument aux morts, Fontaine-le-Comte (Vienne)

Monument aux morts, Chabanais (Charente) - crédits : Gilles Beauvarlet, 2008/ Région Poitou-Charentes, inventaire général du patrimoine culturel

Monument aux morts, Chabanais (Charente)

Le <em>Poilu victorieux</em>, Saint-Benoît (Vienne) - crédits : O. Hayes

Le Poilu victorieux, Saint-Benoît (Vienne)

Autres références

  • COMMÉMORATION DE L'ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918

    • Écrit par Universalis
    • 505 mots

    Comme plusieurs autres pays, la France commémore le 11 novembre, date de la signature de l’armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale, en 1918. Ce jour-là, elle rend hommage aux soldats morts au combat pendant ce conflit. Observée pour la première fois de façon discrète en 1919, la commémoration...

  • MAILLOL ARISTIDE (1861-1944)

    • Écrit par Antoinette LE NORMAND-ROMAIN
    • 1 540 mots
    Les monuments aux morts qu'il exécuta pour sa région natale suscitèrent moins de controverse : pour Banyuls, il conçut trois reliefs disposés en triptyque (au centre, le Guerrier mourant dont il disait « c'est extraordinaire, on dirait tout à fait un antique » (Henri Frère) ; pour Elne et...

Voir aussi