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RAPATRIÉS

Les années d'après guerre ont vu se renverser un mouvement séculaire qui, depuis le xvie siècle, avait entraîné, sur toutes les routes du monde, les Européens émigrants. Désormais, les retours tendent à l'emporter sur les départs, cependant que s'enfle le flot des immigrants venus des pays extra-européens. La décolonisation politique tient sa part dans ce renversement de tendance. Elle s'accompagne presque partout d'un exode des populations d'origine européenne ou étroitement liées à la présence du pouvoir colonial. Le rythme de ces retours, leur nature, leurs effets, pour obéir à des caractères généraux demeurent, néanmoins, divers. Si les « rapatriements » ont marqué tous les anciens colonisateurs, c'est de façon particulière à chacun. Dans son ensemble, comme dans ses particularités nationales, le phénomène est un des plus importants des années 1947-1974. Paradoxalement, et en dehors de rares exceptions – pour les « pieds-noirs » notamment –, il demeure, dans son ensemble, fort mal connu.

Les retours

Le mot rapatriés doit être pris ici dans une acception précise. Il ne s'applique pas aux grands échanges des populations organisés par des traités bilatéraux, notamment au lendemain de la Première Guerre mondiale et dont l'échange des populations gréco-bulgare et gréco-turque sont, en 1919 et en 1923, les meilleurs exemples (convention annexe au traité de Neuilly du 27 nov. 1919 et du traité de Lausanne du 30 janv. 1923). Pas plus ne sont concernés les énormes transferts de populations qui, sous le nom général de « personnes déplacées », ont marqué, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les changements politiques et frontaliers de l'Europe orientale et centrale. Les rapatriés sont, ici, les personnes revenant ou venant en métropole du fait de la décolonisation des possessions européennes. Elles ne sont pas toutes et de loin natives d'Europe. Combien de rapatriés n'avaient jamais connu la « patrie » qui les recevait ? Elle leur était parfois entièrement étrangère. Parmi eux se trouvaient aussi des « indigènes » que chassait, dans l'indépendance nouvelle des États, la fidélité à l'ancienne métropole.

Le mot implique, en outre, un élément de contrainte qui le distingue des mouvements migratoires volontaires et des retours habituels que l'histoire de la colonisation avait toujours connus. Le départ, l'admission et le sort de ces rapatriés sont généralement fixés par des textes législatifs ou administratifs qui en déterminent le mode et le statut. Le mouvement dans son ensemble s'étend sur environ un tiers de siècle et porte sur une masse importante de personnes de l'ordre de 4 à 4 millions et demi, mais avec des phases d'activité ou de ralentissement qui correspondent aux étapes et aux formes de la décolonisation propre à chaque pays.

Les premiers rapatriés sont ceux qu'entraîne la perte des colonies italiennes par les défaites de 1941-1943 et par les décisions des accords de paix concernant l'Italie et ses anciennes possessions.

Italie

Les communautés italiennes furent en effet les premières touchées (tabl. 1 et 2). Une partie avait été rapatriée avant les défaites (notamment tous les enfants et adolescents de Libye), la plupart des autres étant internées localement ou dans les colonies des Alliés jusqu'à l'armistice. Des quelque 500 000  Italiens installés en 1940 outre-mer, les quatre cinquièmes étaient rentrés au lendemain de la guerre. Une minorité s'efforça de se réadapter à la vie locale dans les territoires désormais administrés par les Britanniques. Au moment du traité de paix, en 1947, il en restait quelque 45 000 en Libye, 4 000 en Érythrée, surtout à Massawa, moins de 2 000 en Éthiopie et quelques milliers en Somalie. Les émeutes anti-italiennes[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Jean-Louis MIÈGE. RAPATRIÉS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Européens dans les colonies italiennes, 1940-1975 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Européens dans les colonies italiennes, 1940-1975

Italiens en Afrique du Nord, 1940-1975 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Italiens en Afrique du Nord, 1940-1975

Rapatriés en France, 1955-1961 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Rapatriés en France, 1955-1961

Autres références

  • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

    • Écrit par Marc MICHEL
    • 12 424 mots
    • 24 médias
    ...de négociations secrètes, d'occasions perdues, et au bout de sept ans les accords d'Évian se soldèrent par un bilan négatif à double titre : d'abord, le départ de toute une communauté pour qui le « rapatriement » fut une sorte d'exil, ainsi que le drame de dizaines de milliers d'Algériens engagés aux...
  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    Un tel fanatisme accélère la fuite des pieds-noirs, qui ne sont pas consultés, ni même très informés, sur les accords d'Évian, tandis qu'en métropole le référendum du 8 avril 1962 apporte au général de Gaulle la caution massive du peuple français : 90 % des votants disent oui aux accords d'Évian. Les...
  • GUERRE D'ALGÉRIE

    • Écrit par Benjamin STORA
    • 6 112 mots
    • 13 médias
    Un tel fanatisme accélère la fuite des pieds-noirs, qui ne sont pas consultés, ni même très informés, sur les accords d'Évian, tandis qu'en métropole le référendum du 8 avril 1962 apporte au général de Gaulle la caution massive du peuple français : 90 % des votants disent « oui » aux accords d'Évian....
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    • Écrit par Claude NORDMANN
    • 1 234 mots
    • 2 médias

    Le héros incontesté de la Norvège moderne, Fridtjof Nansen, est né à Store Froën, près de Christiania (actuellement Oslo). Fils de l'avocat Baldur Fridtjof Nansen et d'Adélaïde Wedel Jarlsberg, il révèle bientôt d'exceptionnelles qualités aussi bien physiques qu'intellectuelles ; il possède un...

Voir aussi