MONDIALISATION Le point de vue internationaliste
« L'Internationale sera le genre humain ! » : le poème composé en juin 1871, au lendemain de la Commune de Paris, par Eugène Pottier et que Pierre Degeyter mettra en musique, est devenu l'hymne universel des mouvements socialistes et communistes. Apparu en Grande-Bretagne au début des années 1850 pour définir la relation entre les nations, le terme « internationalisme » s'est imposé en Europe après la guerre de 1870-1871 en réponse à la fermeture des États-nations et à l'établissement par les guerres coloniales d'une hiérarchie de dominations et de dépendances érigée en système mondial. Devenu « internationalisme prolétarien », il a pris alors son sens politique et s'est traduit par la formation successive de quatre Internationales reflétant des contextes historiques, des objectifs de lutte et des méthodes d'action divergents voire opposés (cf. socialisme – Les Internationales). Antithèse du nationalisme, l'idéal internationaliste est demeuré cependant à la fois vague et normatif. Si, à la différence du cosmopolitisme, il n'a pas donné lieu à un usage péjoratif, c'est au prix d'une relative indétermination, d'une absence d'effectivité et de détournements pratiques répétés au profit d'intérêts étatiques particuliers.
En prônant la dérégulation des marchés et la libre circulation des capitaux et des marchandises, le mouvement de contre-réforme libérale lancé politiquement dans les années 1980 par Ronald Reagan et Margaret Thatcher s'est traduit par un nouvel essor de l'internationalisme. La mondialisation des capitaux, du commerce, de la production a renforcé en retour l'internationalisation des luttes contre les différentes formes d'exploitation et d'oppression. Ses hauts lieux symboliques dessinent, comme autant d'étapes d'une longue marche contre le despotisme de marché, une étrange géopolitique des résistances : Seattle (1999), Millau (2000), Prague (2000), Nice (2000), Gênes (2001), Porto Alegre (2001, 2002, 2003, 2005), Bruxelles (2002), Barcelone (2002), Bombay (2004), Nairobi (2007), Belém (2009), mais aussi Québec, Genève, Washington, Bangkok, Melbourne, Dakar, Monterrey... En une seule décennie, toutes ces villes auront été le théâtre de grandes manifestations ou de rencontres conçues comme autant de répliques aux sommets de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, du G8, du Forum de Davos, ou aux réunions du Conseil européen.
De l'Angleterre victorienne à la mondialisation néolibérale
La mondialisation victorienne du xixe siècle fut portée par une première grande révolution technique dans les transports et les communications. En quelques années, le réseau de chemin de fer s'est étendu et ramifié. Le télégraphe a commencé à étendre sa toile câblée sur la planète. La navigation à vapeur a permis de rêver un tour du monde en quatre-vingts jours ; la machine à écrire et la rotative d'imprimerie ont fait naître une presse à gros tirages. Ce furent l'Internet, les satellites et les télécommunications de l'époque. Les années 1860 ont également vu le grand commerce naissant, l'essor du crédit bancaire, les passions et les fièvres boursières, les fortunes aussi vite perdues que faites, les faillites retentissantes et les scandales politico-financiers. Les banqueroutes du Crédit mobilier of America en 1872, de la Compagnie du canal de Panama en 1889 ou de compagnies de chemin de fer éliminées par une concurrence impitoyable furent l'équivalent des mirages de la nouvelle économie ou de la chute du groupe Enron, un siècle et demi plus tard. Ce fut aussi l'époque des dernières expéditions coloniales, d'une militarisation des nations conduisant à une véritable « industrie du massacre » selon l'expression de Marx, de l'apparition d'une délinquance[...]
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Écrit par
- Daniel BENSAÏD
: maître de conférences en philosophie, directeur de la revue
Contretemps
Classification
Média
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