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MÉSOPOTAMIE L'art

La naissance des cités, au IVe millénaire, marque le terme d'une évolution qui voit le passage d'une organisation villageoise de la société, établie sur une vie agricole et pastorale, à une structure sociale complexe, reflet d'une économie fondée pour une grande part sur des apports extérieurs, et destinée davantage à une élite qu'aux besoins élémentaires de petites communautés humaines.

L'évolution de l'occupation de l'espace, l'élargissement des horizons qu'implique le développement des échanges, la circulation de biens produits dans des régions lointaines, la hiérarchisation de la société et les demandes accrues des groupes dirigeants ont fondamentalement transformé les conditions de la création artistique. Les villages des sociétés du Néolithique ne sont pas des centres individualisés : ainsi la technique de la peinture murale, qui a fait la gloire de Çatal Hüyük en Anatolie, existait déjà, avec des caractéristiques très voisines, à des centaines de kilomètres de là, par exemple à Halula ou à Bouqras sur l'Euphrate. Pendant plusieurs millénaires, il a ainsi existé des « koinè » régionales de certains modes d'expression artistique révélateurs de l'élaboration d'une pensée symbolique commune. Mais le petit lot des statuettes en pierre de Tell es-Sawwan en Mésopotamie centrale, qui apparaît comme une réussite exceptionnelle mais isolée, n'autorise pas une généralisation de cette observation. Définir les grands courants de la production artistique à l'aide d'une documentation qui ne traduit encore que le hasard, heureux ou malheureux, des fouilles archéologiques et des conditions de conservation des documents anciens est ainsi une entreprise pleine d'aléas.

Le foyer sumérien

Essor des sociétés urbaines

Lit miniature modelé, art sumérien - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Lit miniature modelé, art sumérien

Le problème ne change guère à l'époque d'Uruk avec l'apparition des premières cités en Mésopotamie et en Élam (fin du IVe millénaire). Les sites d'Uruk et de Suse, explorés systématiquement depuis le début du xxe siècle, ont été les premiers à avoir permis de mesurer l'importance des modifications qui affectent alors l'organisation territoriale, la société, l'économie et la création artistique dans le bas pays mésopotamien. La primauté absolue dont jouit ce dernier jusque dans les années 1970 en a fait aux yeux des spécialistes le véritable centre où serait apparue la société urbaine dont la naissance caractérise la période historique dont elle est en quelque sorte une introduction. Grâce à l'exploration de Habuba dans la boucle syrienne de l'Euphrate, de sites sur les affluents du Balikh et du Khabur, ainsi que sur le cours supérieur du Tigre, on a pu mieux connaître l'extension réelle d'une civilisation de toute première importance, dont l'art est défini comme sumérien en raison de l'ancrage géographique et historique des premières découvertes. Mais les centres régionaux de Habuba, (avec Aruda et Sheikh Hassan), Hassek Hüyük, Tell Brak, etc. n'ont pas fourni d'œuvres sculptées comparables à celles d'Uruk. Pièces encore uniques, mais que l'on ne peut cependant pas considérer comme les premières manifestations de la sculpture mésopotamienne : la perfection du modelé du visage de la Dame d'Uruk, d'autant plus impressionnant que manquent les éléments incrustés ou ajoutés et que nous sommes confrontés au seul travail du lapicide ; l'organisation de la scène de la rencontre sur le registre supérieur du vase d'Uruk et la qualité de la mise en valeur des personnages ou des animaux, tout indique sans conteste une longue expérience du travail de la sculpture. Il vaut donc mieux voir dans ces œuvres les plus vieux rescapés archéologiques d'une tradition dont on peut encore espérer découvrir, à l'occasion de nouvelles fouilles, certaines étapes antérieures. Les premiers sceaux-cylindres expriment aussi la qualité exceptionnelle des lapicides sumériens.[...]

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Pour citer cet article

Jean-Claude MARGUERON. MÉSOPOTAMIE - L'art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Lit miniature modelé, art sumérien - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Lit miniature modelé, art sumérien

Lyre sumérienne, tombeau de Puabi, Ur - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Lyre sumérienne, tombeau de Puabi, Ur

Musicien jouant de la harpe, Babylone - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Musicien jouant de la harpe, Babylone

Autres références

  • AKKAD

    • Écrit par Gilbert LAFFORGUE
    • 2 890 mots
    • 3 médias

    Akkad (du sémitique Akkadû, forme à laquelle le scribe préférait Agadé) désigne à la fois une « ville de royauté » du IIIe millénaire avant J.-C. et la partie nord de la Babylonie. Du nom de la cité dérive le terme akkadien, qui sert à qualifier la dynastie royale d'Akkad, la population...

  • ALEXANDRE LE GRAND (356-323 av. J.-C.)

    • Écrit par Paul GOUKOWSKY
    • 6 470 mots
    • 5 médias
    ...était nombreuse et de valeur, manquaient désormais les mercenaires grecs, décimés au cours des précédentes batailles ou perdus dans de vaines aventures. Les deux armées se rencontrèrent en Haute-Mésopotamie, près du village de Gaugamèles, non loin de la ville assyrienne d'Arbèles (Erbil). C'était une vaste...
  • AMORRITES ou AMORRHÉENS

    • Écrit par Gilbert LAFFORGUE
    • 728 mots

    Amorrites, ou Amorrhéen, est un nom de peuple que les orientalistes ont tiré du mot akkadien Amourrou, par lequel les Mésopotamiens désignaient la région située à l'ouest de leur pays et aussi ses habitants.

    Comme les Amorrites n'ont pas écrit leur langue, nous ne les connaissons que par...

  • ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 849 mots
    • 3 médias
    ...processus d’apparition de l’agriculture sédentaire à partir du IXe millénaire avant notre ère, du moins dans l’exemple qu’il a choisi, celui de la Mésopotamie. Lui-même éleveur en sus de ses fonctions universitaires, il décrit le processus de formation d’une nouvelle socialisation, la domus...
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Voir aussi