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L'art babylonien
L'histoire du IIe millénaire mésopotamien est celle d'un rééquilibrage des centres politiques au profit des régions septentrionales. L'empire de la IIIe dynastie d'Ur avait été fondé au début du xxie siècle sur l'idée d'une renaissance du pays sumérien ; pendant un siècle, il brilla de tous ses feux comme centre politique, mais aussi comme foyer principal de la création intellectuelle et artistique. Sa disparition ne se traduisit pas par un effondrement de la Mésopotamie comme cela avait été le cas à la suite de l'empire d'Akkad (2350-2250), mais plutôt par une vitalité renforcée des capitales des royaumes qui avaient occupé l'espace laissé libre par la cité d'Ur, et l'on assista alors à un foisonnement plus spontané de l'expression artistique. La restauration d'un empire au profit de Babylone au début du xviiie siècle recentra la création dans une capitale. À la suite de la lente désagrégation de cet empire dont les limites avaient au temps de sa splendeur épousé celles de la Mésopotamie proprement dite, les Kassites reconstituèrent un royaume dont le centre babylonien dominait les régions méridionales, tandis qu'au nord se formait avec le royaume du Mitanni la première construction stable d'une entité politique s'étendant de la Méditerranée au Zagros en s'appuyant à la fois sur le Taurus et son piémont, c'est-à-dire sur les cours supérieurs des grands fleuves mésopotamiens. Les Assyriens devaient poursuivre dans la même voie.
Lyre sumérienne, tombeau de Puabi, Ur
Tête de taureau ornant le pommeau d'une lyre. L'instrument fait partie du trésor du tombeau de la reine ou prêtresse Puabi. Art sumérien, Ur, vers 2500 avant J.-C. British Museum, Londres.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
L'état actuel de nos connaissances rend difficile toute évaluation des tendances profondes de l'art de cette époque. La cité de Larsa est mieux connue pour l'époque kassite (1594-1200), où elle était sujette de Babylone, que pour la période amorrite (2003-1763), où elle prétendit longtemps reconstituer l'empire à son profit ; l'exploration d'Isin ne fait que commencer : Ur et Uruk n'ont guère été prodigues d'œuvres d'art pour cette longue période ; le site de Babylone n'a pas dévoilé son niveau du IIe millénaire ; Leilan, l'ancienne capitale de Shamshi-Adad, centre du royaume de haute Mésopotamie au début du xviiie siècle, dont l'exploration débute, n'a encore donné que peu de témoignages de son art ; la capitale mitannienne n'a pas été retrouvée, et les grandes cités assyriennes commencent seulement à restituer des témoignages artistiques de la fin du millénaire. Dans ce contexte, la cité de Mari a été d'une richesse extraordinaire en statues, peintures, sceaux-cylindres et figurines ou plaquettes décorées pour le début du xviiie siècle. On le voit, l'état limite de nos connaissances ne facilite pas l'interprétation des données archéologiques : l'excellente qualité des découvertes faites à Mari conduit à se demander s'il faut considérer ce site comme le plus grand centre de production artistique de la fin de l'époque amorrite, ou s'il faut tenir le hasard de la conservation pour seul responsable de notre appréciation actuelle.
Dater des œuvres soulève les plus grandes difficultés lorsqu'elles sont dépourvues de toute inscription ou indication d'ordre chronologique. Trop souvent, le contexte stratigraphique est incertain ou ne permet pas une précision suffisante : la stèle qui sert de support au code d'Hammourabi, œuvre typiquement de style paléobabylonien, n'a pas été retrouvée à Babylone où elle a certainement été gravée et sculptée à partir d'un original disparu, mais à Suse où elle avait été emportée comme butin de guerre au xiie siècle. Quant à la statue de Puzur-Ishtar, Shakkanak de Mari qui a régné sans doute au xxie siècle, elle a été retrouvée dans le palais de Nabuchodonosor (milieu du vie s.) à Babylone, où elle a été conservée comme un trophée, vraisemblablement depuis le sac de Mari par Hammourabi (vers 1760), jusqu'à la ruine de la cité.
Ce sont alors des détails, vestimentaires par exemple, ou des données stylistiques, qui donnent le fil conducteur. Ainsi un spécialiste a daté la peinture de l'Investiture du palais de Mari de l'extrême fin du règne de Zimri-Lim, le dernier roi vaincu par Hammourabi en 1760. En effet, les tiares des divinités y sont représentées de profil et non de face comme cela se faisait jusqu'alors. L'apparition de cette particularité iconographique, qui serait une inn [...]
Peinture dite de l'Investiture, Mari, Syrie
Peinture dite de l'Investiture, mur méridional de la cour du Palmier ou cour 106, palais de Mari. Dans le panneau central, on reconnaît, au registre inférieur, le thème des déesses au vase jaillissant et, au registre supérieur, la déesse Ishtar faisant toucher au roi l'anneau et le bâton...
Crédits : Musée du Louvre/ Studio Racault-M. Minetto
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Écrit par :
- Jean-Claude MARGUERON : professeur des Universités
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Pour citer l’article
Jean-Claude MARGUERON, « MÉSOPOTAMIE - L'art », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 08 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/mesopotamie-l-art/