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MASSE, physique

Masse et énergie

Au début du siècle, Einstein a montré la nécessité de modifier les conceptions de la mécanique newtonienne en remplaçant les notions classiques d'espace et de temps par des notions plus élaborées et plus intriquées. On sait qu'un aspect majeur de ces nouvelles notions est l'existence pour tous les corps matériels d'une vitesse limite c, qui coïncide avec la vitesse de la lumière. Cela implique une modification de la dynamique newtonienne : à une force constante ne peut plus correspondre une accélération constante qui conduirait, sur un temps suffisant, à une vitesse supérieure à la limite c. Il faut donc nécessairement que l'inertie d'un corps augmente avec sa vitesse, et s'accroisse même indéfiniment lorsque cette vitesse approche la limite c, de façon qu'il soit de plus en plus difficile d'accélérer le corps et que sa vitesse ne puisse tendre qu'asymptotiquement vers c.

De fait, l'étude détaillée de la théorie amène à définir un coefficient d'inertie dépendant de la vitesse :

qui présente bien ces caractéristiques, m étant la masse du corps. Pour des vitesses v faibles devant c, qui sont celles de l'expérience commune et de la physique newtonienne, on peut négliger le terme v2/c2 devant l'unité et écrire I ≃ m, retrouvant ainsi la masse comme coefficient inertiel. Insistons sur le fait que la masse m reste une constante caractéristique du corps, de sa quantité de matière. Il est incorrect et trompeur d'inclure la variation avec la vitesse dans la notion de masse comme on le fait parfois : mieux vaut définir l'inertie (variable) I(v) et la relier à la masse (constante) m.

Exerçant une force sur un corps, on accroît, en même temps que son inertie, son énergie en lui communiquant de l'énergie cinétique. La relativité einsteinienne fait apparaître une relation simple entre l'énergie totale d'un corps E et son inertie I ; c'est la relation fondamentale E = Ic2 (où c est toujours la vitesse limite). Utilisant l'expression de l'inertie en fonction de la vitesse, on peut écrire cette relation sous la forme :

Le premier terme, dépendant de la vitesse et s'annulant pour v = 0, est tout simplement l'énergie cinétique Ecin du corps ; de fait, pour les faibles vitesses v, ce terme se réduit à l'expression newtonienne classique Ecin ≃ mv2/2. Le second terme, E0 = mc2, est l'énergie du corps au repos (v = 0) ; c'est donc son énergie interne, dite encore énergie de masse.

L'identification qui apparaît ainsi entre masse et énergie interne (au coefficient c2 près) est l'une des conséquences les plus célèbres et les plus marquantes de la relativité d'Einstein. C'est ce qu'on appelle, un peu rapidement sans doute, l'« équivalence masse-énergie ». Elle implique une modification conceptuelle profonde de la notion même de masse et, en particulier, la perte de sa propriété d'additivité.

En effet, considérons plusieurs corps qui s'unissent en un autre plus stable, par exemple la réaction de combustion des atomes de carbone et d'atomes d'oxygène donnant naissance aux molécules de gaz carbonique, ou le cycle des réactions de fusion thermonucléaire conduisant de quatre noyaux d'hydrogène au noyau d'hélium (source de l'énergie stellaire). Il y a dégagement d'énergie (c'est le sens même de la stabilité) et donc diminution de l'énergie interne du corps final par rapport à la somme des énergies internes des composants. Il en va de même pour les masses, proportionnelles à ces énergies internes. Il n'y a plus additivité : la masse finale présente un « défaut » par rapport à la somme des masses initiales. Le dégagement d'énergie s'est fait aux dépens de la masse totale, ce qui permet d'exprimer le défaut de masse Δ[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Nice
  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Jean-Marc LÉVY-LEBLOND et Bernard PIRE. MASSE, physique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MASSE (notions de base)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 633 mots
    • 1 média

    La notion de masse est liée à la quantité de matière contenue dans un corps. La physique newtonienne la définit comme le coefficient d'inertie reliant l'intensité d'une force appliquée à l'accélération d'un mouvement mais aussi comme caractérisant la réponse gravitationnelle...

  • DÉCOUVERTE DES EXOPLANÈTES

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 666 mots

    La première exoplanète, c’est-à-dire gravitant autour d'une étoile autre que le Soleil, est découverte en 1995 par Michel Mayor et Didier Queloz, de l'Observatoire de Genève, qui présentent les résultats de leurs observations le 6 octobre 1995, lors d'un congrès scientifique à Florence,...

  • HADRONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 4 223 mots
    • 2 médias
    ...hadrons voit sa population réduite de moitié. Les relations d'incertitude d'Heisenberg conduisent à associer à la vie moyenne d'un hadron une indétermination sur la valeur de sa masse : on dit que le hadron a une « largeur » exprimée en unité d'énergie inversement proportionnelle à sa vie moyenne...
  • PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

    • Écrit par Maurice JACOB, Bernard PIRE
    • 8 172 mots
    • 12 médias
    ...constituant élémentaire par un ensemble de propriétés. On cherche pour cela le maximum de propriétés intrinsèques, soit indépendantes de tout système de référence particulier. Ce n'est manifestement pas le cas de la position ou de l'énergie d'une particule, mais c'est le cas de sa masse et de son spin.
  • ANDROMÈDE GALAXIE D'

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 140 mots
    • 1 média

    La galaxie d’Andromède, dont le nom scientifique est M31 (M désigne le catalogue établi en 1764 par l’astronome français Charles Messier), est la galaxie la plus proche de notre propre galaxie, la Voie lactée. Avec la Voie lactée, la galaxie du Triangle (M33) et une trentaine de galaxies...

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Voir aussi