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MANGAS

Composé de deux idéogrammes polysémiques, le terme manga pourrait se traduire par « dessin au trait libre » ou « esquisse au gré de la fantaisie ». Au Japon, il désigne une bande dessinée, quelle que soit son origine géographique. Depuis le début des années 1980, la bande dessinée japonaise a conquis, sous le nom de « mangas », de nombreux lecteurs francophones, remettant en cause la suprématie historique de la bande dessinée franco-belge. Elle se caractérise par une production pléthorique, fondée sur le principe du feuilleton et ciblée en fonction de l'âge et du sexe du lecteur, suscitant des récits qui jouent sur les attentes du public, entre identification et fantasme.

Les débuts du « Cri qui tue »

La paternité du terme manga dans le champ artistique revient au célèbre peintre Katsushika Hokusai, qui l'utilisa au début du xixe siècle pour désigner ses recueils de croquis et de caricatures. Mais, selon le critique Natsume Fusanosuke, le mot était surtout employé auparavant pour décrire la façon dont les pélicans attrapaient dans leurs becs leurs proies, et c'est par analogie que Hokusai aurait emprunté ce substantif pour désigner ses dessins piochés sur le vif.

Lorsqu'en 1978 Motoichi « Atoss » Takemoto (1953-2020), alors jeune Japonais installé en Suisse, publie le premier numéro de la revue Le Cri qui tue, il ne se doute pas qu'il est le précurseur d'un mouvement destiné à bouleverser le marché de la bande dessinée européenne. Si l'on excepte la publication de quelques histoires de Hiroshi Hirata (1937-2021) dans la revue d'arts martiaux Budo, à partir de 1969, c'est en effet dans ce périodique que furent présentées pour la première fois, de manière volontariste, au public francophone, des bandes dessinées japonaises traduites en français – mais faute de succès, la publication du Cri qui tue est interrompue en 1981, après six numéros. Il faut attendre le début de la décennie suivante pour que la bande dessinée japonaise connaisse ses premiers best-sellers en Europe francophone, sous l'impulsion notamment de l'éditeur français Jacques Glénat, fort de l'énorme succès de la série Dragon Ball d'Akira Toriyama (1955-2024), publiée en français à partir de 1991 (éd. or. 1984), et dont les ventes mondiales cumulées atteignent plus de 250 millions d'exemplaires, dont 25 millions en France, à la fin des années 2010.

Avec le recul, cette irruption des mangas dans le pré carré de la bande dessinée européenne apparaît inévitable. Premier producteur mondial de littérature dessinée, le Japon ne pouvait éternellement contenir une telle richesse à l'intérieur de ses frontières. Cependant, si la première tentative d'introduction des mangas en Europe se produisit à l'initiative d'un Japonais, ce sont par la suite des éditeurs européens qui tentèrent l'aventure. Suivant l'exemple de Glénat, pas moins de trente éditeurs francophones publient désormais des bandes dessinées traduites du japonais, les leaders du marché étant Kana – division du groupe Dargaud, premier éditeur de bande dessinée en Europe –, Glénat et Pika. Selon une étude Gfk, en 2022, les mangas représentaient 57 % des bandes dessinées vendues en 2022 en France, et d’après Le Point, le marché de la BD et du manga comptait pour 12 % du marché du livre en 2013, contre 23 % en 2022.

Si ces chiffres semblent impressionnants, notamment au regard de la quasi-absence des mangas sur le marché européen dans les années 1970-1980, ils paraissent pourtant dérisoires devant l'immensité de la production nippone présente et passée. À titre d’exemple, le marché du manga représentait au Japon près de 4,7 milliards d’euros de chiffres d’affaires, en 2022, essentiellement répartis entre trois géants de l’édition : Kōdansha, Shogakukan et Shūeisha. Et si notre perception[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Julien BASTIDE. MANGAS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>Une vie dans les marges</em>, de Tatsumi Yoshihiro - crédits : 2010 Yoshihiro Tatsumi / Cornélius

Une vie dans les marges, de Tatsumi Yoshihiro

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

Autres références

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas(le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
  • FANTASY

    • Écrit par Anne BESSON
    • 2 811 mots
    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • SCIENCE-FICTION

    • Écrit par Roger BOZZETTO, Jacques GOIMARD
    • 7 936 mots
    • 4 médias
    Les mangas, qui se sont développés de manière prolifique, dans les années 1960, autour de héros positifs dans des univers imaginaires, à l'instar du robot AstroBoy du fondamental Osamu Tezuka (1928-1989), s'orientent rapidement vers des récits plus violents, qui alternent entre constats...
  • SHUDŌ TAKESHI (1949-2010)

    • Écrit par Universalis
    • 239 mots

    Fils d'employé japonais du gouverneur de la préfecture, Shudō Takeshi, né en 1949 à Fukuoka, crée dans les années 1980 le manga aux personnages empreints d'innocence de Fairy Princess Minky Momo (intitulé Gigi dans l'édition française) et le scénario de GoShōgun (Fulgutor...

Voir aussi