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MANGAS

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Une nouvelle littérature populaire

Au vu du succès des mangas en Europe occidentale, il ne fait plus aucun doute que la bande dessinée japonaise est devenue une nouvelle littérature populaire, évoluant progressivement du statut de sous-culture marginale à celui d'un vaste phénomène transgénérationnel – la convention spécialisée Japan Expo organisée au parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte en 2006 a ainsi attiré près de 60 000 visiteurs ; celle de 2018, environ 250 000, et celle de 2023, plus de 255 000. À un niveau global, ce succès rend compte de la part croissante prise par la culture asiatique dans les modes de vie occidentaux – littérature, cinéma, gastronomie, arts martiaux, etc. –, comme en témoigne l'essai d'Anne Garrigue L'Asie en nous (2004). À ce titre, la bande dessinée japonaise, dans ce qu'elle trahit des modes de vie et de pensée nippons, constitue une porte d'entrée passionnante sur le Japon.

Néanmoins, cela ne saurait suffire à expliquer le succès des mangas en Europe. Cet engouement, largement favorisé, à l'origine, par la diffusion télévisée, depuis la fin des années 1970, de dessins animés dont ils étaient souvent adaptés, peut également être attribué au fait que les titres publiés en français visent en grande majorité le public adolescent, délaissé par la production francophone depuis l'arrêt de revues comme Pilote ou Le Journal de Tintin. De fait, à l'heure actuelle, la plus grande partie des mangas traduits en français sont des mangas pour les filles ou pour les garçons. D'ailleurs, logiquement, les titres issus de ces deux catégories se classent parmi les meilleures ventes en France. Ainsi, les différents volumes de la saga Naruto (2002, éd. or. 2000) de Masashi Tanaka, narrant les aventures de jeunes ninjas, étaient vendus à plus de deux millions d’exemplaires en France, en 2018, comme ceux de la comédie sentimentale Fruits Basket (2002, éd. or. 1999) de Natsuki Takaya, destinée aux filles, qui a rencontré un succès considérable.

L'attrait, pour un public féminin traditionnellement peu porté vers la bande dessinée franco-belge et les comic books, d'histoires évoquant les atermoiements de leurs consœurs japonaises, n'est pas non plus à négliger. Il faut ajouter à cela des raisons de format, de tarif et de rythme de parution. En effet, les bandes dessinées japonaises se présentent généralement sous la forme d'un livre de poche à la couverture souple, en noir et blanc et comptant entre 150 et 300 pages, qui peut être facilement emporté, et lu dans les transports en commun, par exemple. Un volume coûte entre 5 et 9 euros, prix susceptible d'attirer un public aux moyens financiers limités, et de nouveaux volumes de chaque série paraissent de façon régulière, tous les deux ou trois mois, entretenant l'addiction du lecteur.

D'une manière générale, dès leur conception, les mangas sont pensés pour durer et captiver. Obéissant aux règles du feuilleton héritées d'Alexandre Dumas, ils privilégient en premier lieu l'action dramatique. Un chapitre de 20 pages, prépublié chaque semaine au Japon, aura toutes les chances de se clore, ainsi qu'un épisode de série télévisée, sur un insoutenable suspense, afin de fidéliser le lecteur semaine après semaine. Cette nécessité de captiver à tout prix influe sur tous les stades de création : le scénario, la mise en page, l'efficacité et le dynamisme des situations.

Dans ce contexte, la bande dessinée japonaise acquiert progressivement en France une reconnaissance culturelle et médiatique. Quartier Lointain de Jirō Taniguchi et 20th Century Boys de Naoki Urasawa ont été primés par le festival international de la bande dessinée d'Angoulême respectivement en 2003 et 2004. Articles de presse et expositions se multiplient pour donner[...]

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Classification

Pour citer cet article

Julien BASTIDE. MANGAS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 12/03/2024

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>Une vie dans les marges</em>, de Tatsumi Yoshihiro - crédits : 2010 Yoshihiro Tatsumi / Cornélius

Une vie dans les marges, de Tatsumi Yoshihiro

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

Autres références

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas(le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
  • FANTASY

    • Écrit par
    • 2 811 mots
    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • SCIENCE-FICTION

    • Écrit par et
    • 7 936 mots
    • 4 médias
    Les mangas, qui se sont développés de manière prolifique, dans les années 1960, autour de héros positifs dans des univers imaginaires, à l'instar du robot AstroBoy du fondamental Osamu Tezuka (1928-1989), s'orientent rapidement vers des récits plus violents, qui alternent entre constats...
  • SHUDŌ TAKESHI (1949-2010)

    • Écrit par
    • 239 mots

    Fils d'employé japonais du gouverneur de la préfecture, Shudō Takeshi, né en 1949 à Fukuoka, crée dans les années 1980 le manga aux personnages empreints d'innocence de Fairy Princess Minky Momo (intitulé Gigi dans l'édition française) et le scénario de GoShōgun (Fulgutor...