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MANGAS

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Romance et émancipation

Ce n'est pas la moindre des particularités de la bande dessinée japonaise que les mangas destinés aux filles soient aujourd'hui conçus en majorité par des auteures, la production en la matière n'étant pas loin d'égaler quantitativement celle des mangas pour les garçons. Ils se caractérisent par un style graphique reconnaissable, qui fait la part belle aux visages et délaisse souvent les décors pour des arrière-plans symboliques reflétant les émotions, ainsi que par un agencement des images inventif et déstructuré.

Les mangas destinés aux filles fonctionnent sur les mêmes mécanismes d'identification que ceux destinés aux garçons – le personnage principal a l'âge de la lectrice visée, cristallisant ses angoisses et ses espoirs –, et ils ont le plus souvent pour ingrédient principal la romance. Ici aussi, il est possible de distinguer les récits fantastiques, tels FushigiYugi (2000, éd. or. 1992) de Yū Watase ou Please Save MyEarth (1999, éd. or. Boku no Chikyu o Mamotte, 1987) de Saki Hiwatari, des comédies ancrées dans le quotidien des jeunes Japonaises – Elle et lui (2005, éd. or. KareshiKanojo no jijō, 1997) de Masami Tsuda, ou Peach Girl (2003, éd. or. 1998) de Minami Ueda. Les deux peuvent aller de pair, notamment dans les mangas dédiés à la figure de la magical girl, ou « petite magicienne », comme Cardcaptor Sakura de CLAMP (2000, éd. or. 1996), dont l'héroïne, écolière le jour, chasse les créatures fantastiques la nuit. Dans Nana (2002, éd. or. 2000), au contraire, Ai Yazawa relate avec plus de réalisme le quotidien de deux colocataires tokyoïtes aux tempéraments diamétralement opposés.

Cependant, les histoires d'amour ne constituent pas toujours l'unique moteur narratif : Déclic amoureux (2004, éd. or. Shutter Love, 1998) de Mari Okazaki aborde le thème de l'accomplissement personnel à travers la concurrence de deux jeunes photographes, et Vitamine (2005, éd. or. 2001) de Keiko Suenobu évoque le problème des brimades au sein des établissements scolaires. Quant aux productions du studio CLAMP, comme xxxholic(2004, éd. or. 2003), elles se caractérisent par des personnages tourmentés et ambigus. Si de nombreuses œuvres récentes sont désormais disponibles en français, les chefs-d'œuvre passés du genre, réalisés par des auteurs comme Moto Hagio ou Keiko Takemiya, au cours des années 1970, restent encore inédits, à l'exception de La Rose de Versailles (2002, éd. or. Bersaiyu no bara, 1972) de Riyoko Ikeda.

Suivant le même cheminement que la production destinée aux garçons, mais avec une décennie de décalage, les mangas conçus pour les filles ont progressivement gagné en maturité, débouchant sur la création, au cours des années 1980, de magazines de prépublication visant les femmes adultes. Il est difficile d'avoir une vue d'ensemble de cette production négligée par les éditeurs francophones. On note cependant quelques créations remarquables, dont Pink (2007, éd. or. 1989) de Kyoko Okazaki, ou Diamonds (2006, éd. or. 1997) d'Erica Sakurazawa, abordant avec subtilité les rapports sentimentaux et sexuels des jeunes adultes. Et, dans la comédie, Kimi wa pet – Au pied, chéri ! – (2005, éd. or. 2000) de Yayoi Ogawa, une femme d'affaires à la carrière brillante préfère la compagnie d'un garçon soumis, qu'elle considère comme son animal de compagnie, à celle des autres hommes, effrayés par sa réussite. En filigrane, il s'agit d'évoquer le statut de la femme japonaise, dans le couple comme au travail, et sa quête d'émancipation.

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Classification

Pour citer cet article

Julien BASTIDE. MANGAS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 12/03/2024

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>Une vie dans les marges</em>, de Tatsumi Yoshihiro - crédits : 2010 Yoshihiro Tatsumi / Cornélius

Une vie dans les marges, de Tatsumi Yoshihiro

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

Autres références

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas(le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
  • FANTASY

    • Écrit par
    • 2 811 mots
    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • SCIENCE-FICTION

    • Écrit par et
    • 7 936 mots
    • 4 médias
    Les mangas, qui se sont développés de manière prolifique, dans les années 1960, autour de héros positifs dans des univers imaginaires, à l'instar du robot AstroBoy du fondamental Osamu Tezuka (1928-1989), s'orientent rapidement vers des récits plus violents, qui alternent entre constats...
  • SHUDŌ TAKESHI (1949-2010)

    • Écrit par
    • 239 mots

    Fils d'employé japonais du gouverneur de la préfecture, Shudō Takeshi, né en 1949 à Fukuoka, crée dans les années 1980 le manga aux personnages empreints d'innocence de Fairy Princess Minky Momo (intitulé Gigi dans l'édition française) et le scénario de GoShōgun (Fulgutor...