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MAI-68

Une crise politique

Les contradictions n'épargnent pas la majorité gouvernementale, la question de l'après-gaullisme paraissant ouvertement posé en son sein. Le 24 mai, le général de Gaulle abandonne à son Premier ministre la carte de la négociation et se réserve d'annoncer au pays un référendum visant à instaurer la participation et la régionalisation. Sans résultats probants.

Des stratégies concurrentes de relève politique vont alors se multiplier. Le P.C.F. préconise l'ouverture de négociations, mais invite simultanément à constituer des « comités pour un gouvernement populaire et d'union démocratique ». La C.F.D.T. regarde du côté de Mendès France qui se compromet pour lui à Charléty, le 27, au côté d'une fraction de l'extrême gauche. La C.G.T. rencontre le P.C.F. et la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (F.G.D.S.) et, constatant leurs divergences, mise résolument sur de nouveaux accords Matignon. Les négociations s'engagent le 25 mai au ministère du Travail, rue de Grenelle, mais elles s'avèrent infiniment plus délicates qu'en 1936 : les syndicats de salariés sont, cette fois, nombreux et divisés, et l'État est présent en qualité d'arbitre, mais également d'employeur. On doit se contenter d'un « constat » d'accords (augmentation de 35 p. 100 du S.M.I.C., suppression des abattements de zone) et de désaccords, beaucoup plus nombreux. Les grèves se prolongent et les négociations se déplacent au niveau des branches professionnelles.

La présidentialisation et la personnalisation qui ont valu au chef de l'État d'avoir été dès le 13 une cible majeure le dotent, aussi bien, des moyens de survivre à une crise qui eut emporté n'importe quel gouvernement sous les précédentes républiques. Le 29 mai, sa « disparition » laisse croire à certains, dont François Mitterrand, que le pouvoir est vacant. Le général s'est, en fait, rendu à Baden Baden où il a rencontré le général Massu. Il réapparaît le 30 quand se déroule une formidable manifestation à l'appel de ses partisans sur les Champs-Élysées. Elle réactive les souvenirs d'août 1944 et, dans une allocution radiodiffusée, le général dénonce le « complot » ourdi par le « communisme totalitaire », annonce la dissolution de l'Assemblée nationale et de nouvelles élections.

France : les élections législatives de 1968 - crédits : Encyclopædia Universalis France

France : les élections législatives de 1968

Ce choix contraint chacun à accepter l'issue parlementaire ou à se mettre en marge du consensus républicain en se condamnant alors à un échec obligé. Les formations d'extrême gauche dont les adhérents, âgés pour beaucoup de moins de vingt et un ans, sont de toute manière exclu du jeu électoral, assument leur rejet du système (« élections trahison »). La Sorbonne est évacuée par la force et les syndicats réorientent les grèves vers une issue négociée. Le 23 juin, la majorité chancelante depuis les élections de 1967 sort confortée de l'épreuve et l'emporte par 358 sièges sur 485. Mais cette victoire est bientôt suivie du vote de lois propres à satisfaire à quelques-unes des aspirations du mouvement, dont la loi sur la création de sections syndicales d'entreprise (27 déc. 1968) et la loi d'orientation de l'enseignement supérieur (12 nov. 1968), à l'origine des universités de Dauphine et de Vincennes. Il s'agit pourtant d'une victoire à la Pyrrhus pour le chef de l'État. Les événements qui viennent de conforter le pouvoir en le dotant d'une « chambre introuvable » accentuent les contradictions internes à sa majorité. Le référendum organisé en avril 1969 pour tenter de mettre en œuvre les réformes préconisées le 24 mai se solde par un résultat négatif, fruit d'une convergence conjoncturelle mais efficace entre la droite modernisatrice, qui a manifesté ses impatiences au cœur même de la crise, et les acteurs, disparates, du mouvement de mai. Cette[...]

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Pour citer cet article

Danielle TARTAKOWSKY. MAI-68 [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Daniel Cohn-Bendit - crédits : Jacques Haillot/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Daniel Cohn-Bendit

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968 - crédits : Jean-Pierre Tartrat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968

Étudiants en mai 1968 - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Étudiants en mai 1968

Autres références

  • CRISE DE MAI 1968 EN FRANCE

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 219 mots
    • 1 média

    Plongeant ses racines dans le mouvement de contestation parti de l'université de Nanterre le 22 mars, la crise de mai 1968 est, dans un premier temps, une révolte de la jeunesse protestant pêle-mêle contre la guerre du Vietnam, les dysfonctionnements de l'enseignement supérieur et la société...

  • MAI-68 (photographies et affiches)

    • Écrit par Nelly FEUERHAHN
    • 1 325 mots

    Limitée dans les autres pays aux milieux universitaires et militants en lutte, en France la contestation gagna le monde ouvrier et imposa un caractère politique particulier aux événements qui embrasèrent Paris et certaines grandes villes de province durant le mois de mai 1968. Alors que l'originalité...

  • MAI-68, L'AFFICHE EN HÉRITAGE (M. Wlassikoff)

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 1 075 mots

    La célébration du quarantenaire des événements de mai 1968 a favorisé une suite d'opérations éditoriales, muséographiques et marchandes. Des expositions ont été organisées à Drouot à Paris par l'étude Camard et Associés et par Artcurial, où les affiches de Mai-68, qui devaient...

  • MAI-68 VU DE L'ÉTRANGER (dir. M. Vaïsse)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 989 mots

    Si le quarantième anniversaire des « événements » de 1968 a donné lieu à de très nombreuses publications ou manifestations scientifiques en France, force est de constater que celles-ci n'ont guère considéré cet épisode de contestation politique et sociale au-delà des frontières hexagonales. Souvent...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    Larévolte étudiante de Mai-68, en France, déclenche une grève générale avec occupation des établissements d'enseignement et des entreprises. Les étudiants des Beaux-Arts de Paris, rejoints par de nombreux artistes (Arroyo, Fromanger, Rancillac, entre autres), fondent l'Atelier populaire, qui s'équipe...
  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont vu, en France, la flambée de la caricature contestataire. Alors que pendant les journées de Mai-68, les affiches de l'atelier de l'École des beaux-arts couvraient les murs, des magazines exclusivement consacrés à la satire – ...
  • CARON GILLES (1939-1970)

    • Écrit par Noël BOURCIER
    • 805 mots

    Gilles Caron est un photoreporter français disparu au Cambodge à l'âge de trente ans. Durant sa très courte carrière, il a marqué les esprits par son courage et son sens de l'événement. Sa façon d'être au cœur de l'action rend ses images très dynamiques. Jamais distant, il s'implique physiquement aux...

  • CERTEAU MICHEL DE (1925-1986)

    • Écrit par Dominique JULIA, Claude RABANT
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...contrats langagiers, au soupçon qui atteint aujourd'hui discours et institutions. De là, sans doute, l'extraordinaire acuité du regard porté sur là crise de Mai-68 dans La Prise de parole (1968). Il ne s'agit pas de caser à tout prix les « événements » dans une région particulière du savoir déjà constitué ou...
  • Afficher les 39 références

Voir aussi