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MAI-68

« La commune étudiante »

L'explosion scolaire et universitaire a, partout, généré une tension entre la masse accrue des étudiants et des universités que rien n'avait préparées à faire face à tel un afflux. À Paris, la fermeture de l'université de Nanterre, le 3 mai, à la suite des agissements du Mouvement du 22 mars (groupe libertaire animé entre autres par Daniel Cohn-Bendit) puis celle de la Sorbonne vont permettre à l'agitation étudiante, endémique depuis des semaines, de gagner la rue. Elle atteint la quasi-totalité des villes universitaires et culmine avec la nuit des barricades, dans la nuit du 10 au 11 mai, qui réactive de vieux fantasmes révolutionnaires. Ces barricades qui, selon le slogan, « ferment la rue mais ouvrent la voie » constituent un événement critique qui vaut, comme le note Pierre Bourdieu, à « des événements historiques qui devaient normalement s'ouvrir et se clore en ordre dispersé » de précipiter en une crise générale née de leur conjonction. L'intervention des forces de l'ordre se solde par 460 interpellations et 367 blessés, soit des effets dérisoires rapportés à la Commune de Paris, redevenue modèle et drapeau, aux manifestations qui ont marqué le terme de la guerre d'Algérie ou à la répression meurtrière qui frappe la même année les étudiants mexicains. Mais elle concerne un milieu qui doit à son âge et son statut de jouir, depuis des années, d'un fort capital de sympathie. Dans un pays tout juste sorti (mars 1962) d'un état de guerre presque ininterrompu depuis 1940, l'affaissement du seuil de tolérance sociale à la violence contribue à l'ampleur de l'émotion.

Daniel Cohn-Bendit - crédits : Jacques Haillot/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Daniel Cohn-Bendit

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968 - crédits : Jean-Pierre Tartrat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968

L'implication politique du mouvement syndical s'était affirmée fortement durant la guerre d'Algérie puis manifestée, sur un mode plus convenu, à la faveur des journées interprofessionnelles de 1966 et 1967 destinées à contrer les orientations économique et sociale du gouvernement. Cette configuration prévaut de nouveau après la nuit des barricades. La F.E.N., la C.G.T. et la C.F.D.T. répondent favorablement à l'appel à l'aide qui leur est lancé par l'U.N.E.F. et s'accordent sur le principe d'une journée de grève avec manifestations, le 13 mai. F.O. s'y rallie sur un appel séparé. L'effacement du Parlement et la faiblesse des corps intermédiaires valent au chef de l'État, le général de Gaulle, de se trouver exposé en première ligne. Les manifestations, dont le nombre et l'ampleur sont sans précédent, résonnent des cris de « 10 ans ça suffit ! », étrangers à la liste des mots d'ordre initialement convenus.

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Pour citer cet article

Danielle TARTAKOWSKY. MAI-68 [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Daniel Cohn-Bendit - crédits : Jacques Haillot/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Daniel Cohn-Bendit

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968 - crédits : Jean-Pierre Tartrat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968

Étudiants en mai 1968 - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Étudiants en mai 1968

Autres références

  • CRISE DE MAI 1968 EN FRANCE

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 219 mots
    • 1 média

    Plongeant ses racines dans le mouvement de contestation parti de l'université de Nanterre le 22 mars, la crise de mai 1968 est, dans un premier temps, une révolte de la jeunesse protestant pêle-mêle contre la guerre du Vietnam, les dysfonctionnements de l'enseignement supérieur et la société...

  • MAI-68 (photographies et affiches)

    • Écrit par Nelly FEUERHAHN
    • 1 325 mots

    Limitée dans les autres pays aux milieux universitaires et militants en lutte, en France la contestation gagna le monde ouvrier et imposa un caractère politique particulier aux événements qui embrasèrent Paris et certaines grandes villes de province durant le mois de mai 1968. Alors que l'originalité...

  • MAI-68, L'AFFICHE EN HÉRITAGE (M. Wlassikoff)

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 1 075 mots

    La célébration du quarantenaire des événements de mai 1968 a favorisé une suite d'opérations éditoriales, muséographiques et marchandes. Des expositions ont été organisées à Drouot à Paris par l'étude Camard et Associés et par Artcurial, où les affiches de Mai-68, qui devaient...

  • MAI-68 VU DE L'ÉTRANGER (dir. M. Vaïsse)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 989 mots

    Si le quarantième anniversaire des « événements » de 1968 a donné lieu à de très nombreuses publications ou manifestations scientifiques en France, force est de constater que celles-ci n'ont guère considéré cet épisode de contestation politique et sociale au-delà des frontières hexagonales. Souvent...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    Larévolte étudiante de Mai-68, en France, déclenche une grève générale avec occupation des établissements d'enseignement et des entreprises. Les étudiants des Beaux-Arts de Paris, rejoints par de nombreux artistes (Arroyo, Fromanger, Rancillac, entre autres), fondent l'Atelier populaire, qui s'équipe...
  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont vu, en France, la flambée de la caricature contestataire. Alors que pendant les journées de Mai-68, les affiches de l'atelier de l'École des beaux-arts couvraient les murs, des magazines exclusivement consacrés à la satire – ...
  • CARON GILLES (1939-1970)

    • Écrit par Noël BOURCIER
    • 805 mots

    Gilles Caron est un photoreporter français disparu au Cambodge à l'âge de trente ans. Durant sa très courte carrière, il a marqué les esprits par son courage et son sens de l'événement. Sa façon d'être au cœur de l'action rend ses images très dynamiques. Jamais distant, il s'implique physiquement aux...

  • CERTEAU MICHEL DE (1925-1986)

    • Écrit par Dominique JULIA, Claude RABANT
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...contrats langagiers, au soupçon qui atteint aujourd'hui discours et institutions. De là, sans doute, l'extraordinaire acuité du regard porté sur là crise de Mai-68 dans La Prise de parole (1968). Il ne s'agit pas de caser à tout prix les « événements » dans une région particulière du savoir déjà constitué ou...
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Voir aussi