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MAI-68

Le « mouvement de mai » ou « la grève générale », à plus fort titre, ne désignent qu'un aspect de la crise inédite ayant affecté la France du 3 mai au 23 juin 1968. « Mai 1968 », « mai-juin » ou « les événements de mai », plus englobants, sont strictement descriptifs et semblent a priori résister à toute conceptualisation préétablie.

Un mouvement transnational

Ces « événements », quelque nom qu'on leur donne, participent d'un mouvement transnational à dimension générationnelle. Dans les années 1960, l'arrivée à l'âge adulte dans les pays industrialisés de la génération du baby-boom (née après la Seconde Guerre mondiale), la croissance et l'accès à une consommation de masse, l'allongement de la scolarité, la démocratisation de l'enseignement et la transformation des mœurs autorisent l'émergence de ce nouveau groupe social qu'est « la jeunesse ». Son affirmation, d'abord culturelle (blousons noirs, hippies, jeunes gens en colère), amplifie la crise des formes d'encadrement de la jeunesse constituées après la Seconde Guerre mondiale et doit à la guerre du Vietnam de bientôt revêtir un tour plus politique. Aux États-Unis, la contestation étudiante débute en 1964 à l'université de Berkeley. En Europe, elle émane de la mouvance communiste et de mouvements d'extrême gauche. De nouveaux modes d'action s'affirment, qui empruntent indifféremment au mouvement américain pour les droits civiques, à la Subversive Aktion berlinoise, aux Zengakuren japonais ou aux provos d'Amsterdam et qui n'excluent pas la violence. Cette contestation dont l'assise étudiante est forte se circonscrit principalement en Amérique du Nord et en Europe occidentale, mais elle affecte également, sous d'autres formes et sur d'autres thèmes, certains pays socialistes (Pologne, Tchécoslovaquie), l'Espagne franquiste, l'Amérique latine (Mexique) ou le Japon, entre autres.

Le « mai français » participe de cette vague de fond, mais présente une double particularité. Il combine une crise étudiante à une crise sociale d'ampleur (qui n'a d'égale qu'en Italie puis ultérieurement en Argentine) et revêt une dimension politique dans une acception classique ailleurs inexistante. C'est que la France doit affronter cette crise à teneur anthropologique – « En fait c'est la jeunesse en tant que jeunesse qui veut entrer dans la carrière quand ses aînés y sont encore », écrit François Mauriac –, dans le cadre d'une Ve République tout juste âgée de dix ans. Traversée par les inquiétudes que provoque l'ampleur des redéfinitions économiques et sociales promues par le Ve plan, elle connaît une crise qu'on pourrait qualifier de « modernité tardive » pour emprunter aux analyses de Detlev Peukert relatives à la République de Weimar (en raison la modernisation tardive de l'Allemagne celle-ci dut affronter simultanément, dans les années 1930, des crises ailleurs dissociées).

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Pour citer cet article

Danielle TARTAKOWSKY. MAI-68 [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Daniel Cohn-Bendit - crédits : Jacques Haillot/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Daniel Cohn-Bendit

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968 - crédits : Jean-Pierre Tartrat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Affrontements entre les étudiants et la police, mai 1968

Étudiants en mai 1968 - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Étudiants en mai 1968

Autres références

  • CRISE DE MAI 1968 EN FRANCE

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 219 mots
    • 1 média

    Plongeant ses racines dans le mouvement de contestation parti de l'université de Nanterre le 22 mars, la crise de mai 1968 est, dans un premier temps, une révolte de la jeunesse protestant pêle-mêle contre la guerre du Vietnam, les dysfonctionnements de l'enseignement supérieur et la société...

  • MAI-68 (photographies et affiches)

    • Écrit par Nelly FEUERHAHN
    • 1 325 mots

    Limitée dans les autres pays aux milieux universitaires et militants en lutte, en France la contestation gagna le monde ouvrier et imposa un caractère politique particulier aux événements qui embrasèrent Paris et certaines grandes villes de province durant le mois de mai 1968. Alors que l'originalité...

  • MAI-68, L'AFFICHE EN HÉRITAGE (M. Wlassikoff)

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 1 075 mots

    La célébration du quarantenaire des événements de mai 1968 a favorisé une suite d'opérations éditoriales, muséographiques et marchandes. Des expositions ont été organisées à Drouot à Paris par l'étude Camard et Associés et par Artcurial, où les affiches de Mai-68, qui devaient...

  • MAI-68 VU DE L'ÉTRANGER (dir. M. Vaïsse)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 989 mots

    Si le quarantième anniversaire des « événements » de 1968 a donné lieu à de très nombreuses publications ou manifestations scientifiques en France, force est de constater que celles-ci n'ont guère considéré cet épisode de contestation politique et sociale au-delà des frontières hexagonales. Souvent...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    Larévolte étudiante de Mai-68, en France, déclenche une grève générale avec occupation des établissements d'enseignement et des entreprises. Les étudiants des Beaux-Arts de Paris, rejoints par de nombreux artistes (Arroyo, Fromanger, Rancillac, entre autres), fondent l'Atelier populaire, qui s'équipe...
  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont vu, en France, la flambée de la caricature contestataire. Alors que pendant les journées de Mai-68, les affiches de l'atelier de l'École des beaux-arts couvraient les murs, des magazines exclusivement consacrés à la satire – ...
  • CARON GILLES (1939-1970)

    • Écrit par Noël BOURCIER
    • 805 mots

    Gilles Caron est un photoreporter français disparu au Cambodge à l'âge de trente ans. Durant sa très courte carrière, il a marqué les esprits par son courage et son sens de l'événement. Sa façon d'être au cœur de l'action rend ses images très dynamiques. Jamais distant, il s'implique physiquement aux...

  • CERTEAU MICHEL DE (1925-1986)

    • Écrit par Dominique JULIA, Claude RABANT
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...contrats langagiers, au soupçon qui atteint aujourd'hui discours et institutions. De là, sans doute, l'extraordinaire acuité du regard porté sur là crise de Mai-68 dans La Prise de parole (1968). Il ne s'agit pas de caser à tout prix les « événements » dans une région particulière du savoir déjà constitué ou...
  • Afficher les 39 références

Voir aussi