Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VAN HEEMSKERCK MAERTEN (1498-1574)

Principal disciple de Scorel dans l'atelier duquel il séjourne de 1527 à 1529 (auparavant il avait été chez Cornelis Willemsz à Haarlem et chez Jan Lucasz à Delft), Maerten van Heemskerck est, après son maître, le représentant le plus marquant de l'italianisme dans les Pays-Bas du Nord au xvie siècle. Visitant l'Italie (de 1532 à 1536), comme tant d'autres artistes nordiques, il y dessine abondamment d'après l'antique et d'après Michel-Ange, et ses croquis soigneux (notamment deux grands albums de vues romaines, conservés au Staatliche Museen de Berlin) gardent une admirable valeur topographique qui trahit bien l'enthousiasme militant du jeune romaniste. À Michel-Ange il doit peut-être cette passion des anatomies et cette gesticulation poussée jusqu'à l'insoutenable qui donnent à toutes les créations de Heemskerck un si curieux aspect expressionniste en nette surenchère, sinon en complète opposition, avec le romanisme sobre, digne et harmonieux de son maître. Par là, il se rapproche d'autant plus d'un autre Nordique italianisant convaincu qui éprouve la même horreur du vide et tend aux mêmes crispations stylistiques (mais à un degré toujours moindre cependant) : Frans Floris, son exact contemporain à Anvers. Est-ce à dire que nous ne nous abusons pas sur la liberté vraiment créatrice d'un tel expressionnisme ? Ne témoignerait-il pas plutôt d'une sorte d'émouvant et rageur « complexe d'infériorité » devant l'insurpassable Antiquité ? Nous sommes en tout cas très loin du maniérisme, même si nous y confinons en fait par l'étrangeté des résultats stylistiques.

Personnalité très forte et très active, Heemskerck deviendra vite, à son retour d'Italie, l'artiste le plus en vue de Haarlem (il est doyen de la Gilde des peintres en 1540), exécutant d'immenses retables grouillants de personnages tourmentés au modèle exagérément saillant, dans des tons métalliques acides (triptyque de la Crucifixion, cathédrale de Linköping en Suède ; Saint Luc peignant la Vierge, au musée de Rennes, étonnant pot-pourri d'éléments empruntés à l'archéologie antique d'une merveilleuse facture ciselée ; Ecce Homo de 1559, musée Boymans van Beuningen, Rotterdam). Dans le domaine du portrait, Heemskerck suit la salutaire leçon de Scorel, et laisse quelques effigies d'un grand réalisme, sans échapper pourtant à un expressionnisme caractéristique et original qui lui fait, comme Vermeyen, tordre les mains et crisper les lignes et les plis des visages (portraits de Pieter Bicker et d'Anna Codde au Rijksmuseum d'Amsterdam, Portrait de famille de Kassel, dans une profonde et savoureuse gamme brune, volets avec des donateurs à Strasbourg).

L'importance de l'artiste est considérable à un autre titre encore : dessinateur, il a été, à l'égal d'un Floris et d'un Martin de Vos, l'un des plus féconds inventeurs d'« histoires » (surtout bibliques et antiques) pour la gravure de l'époque. La grande collection de dessins d'Heemskerck au musée de Copenhague en témoigne parfaitement.

— Jacques FOUCART

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

Classification

Pour citer cet article

Jacques FOUCART. VAN HEEMSKERCK MAERTEN (1498-1574) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTOPORTRAIT, peinture

    • Écrit par Robert FOHR
    • 3 573 mots
    • 6 médias
    ...Spectateur privilégié, son rôle n'est encore que de « donner à voir » la splendeur de la création divine. Quelques décennies plus tard, vers 1510, chez Maerten Van Heemskerck (musée des Beaux-Arts, Rennes), le peintre est assis devant son chevalet, au milieu d'une salle peuplée de statues antiques ; le...
  • MANIÉRISME

    • Écrit par Sylvie BÉGUIN, Marie-Alice DEBOUT
    • 10 161 mots
    • 34 médias
    Aux Pays-Bas, à partir du retour de Rome, en 1524, de Jan van Scorel, et surtout de celui de Heemskerk, la connaissance directe des expériences italiennes va porter ses fruits. Ces artistes, appelés « romanistes », rapportent le goût de l'antique et les influences conjuguées du premier maniérisme...
  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE PEINTURE

    • Écrit par Lyckle DE VRIES
    • 10 188 mots
    • 18 médias
    ...adoucir le modelé. Son idéal éclectique, qui est d'unir la couleur vénitienne à la ligne florentine, doit avoir été la base de son succès. Par contre, chez le Néerlandais du Nord Maarten van Heemskerck, la couleur, le dessin et l'éclairage sont plus durs et plus clairs ; chez lui, les personnages inspirés...

Voir aussi