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LOGEMENT SOCIAL

L'essor spectaculaire de la construction publique d'habitations des années 1950 aux années 1970 a consacré en France l'existence de ce qu'on a appelé alors le « logement social ». Mais, si l'expression n'entre dans le vocabulaire qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la législation sociale ayant pour objet le logement est bien plus ancienne : elle a vu le jour le 30 novembre 1894 avec de l'adoption de la loi « Jules Siegfried » relative aux habitations à bon marché (H.B.M.) –  rebaptisées habitations à loyer modéré (H.L.M.) par la loi du 21 juillet 1950. Auparavant, les initiatives dans ce domaine avaient été rares : cités du grand patronat industriel, projet utopiste ou geste exemplaire de Louis-Napoléon Bonaparte avec la construction de la cité Rochechouart à Paris en 1851. La loi de 1894 fonde en revanche une politique publique du logement, en plaçant la construction d'H.B.M., qu'elle institue, sous la responsabilité de comités départementaux chargés de l'impulser et de la contrôler et en accordant aux constructeurs – sociétés d'utilité publique comme particuliers – le bénéfice d'exemptions fiscales. Au cours du demi-siècle qui suit, la législation s'étoffe et se modifie, dessinant les grandes orientations de l'action publique sur la base desquelles s'édifie le logement social à partir des années 1950.

Les projets réformateurs

L'avènement du logement social a longtemps été regardé par les historiens comme le triomphe des tenants de l'intervention de l'État sur les défenseurs de l'initiative privée, la construction publique s'imposant comme remède à la « crise du logement ». Certes, cette opposition public-privé correspond à une réalité, et il est vrai que la politique publique a vu le jour, ou a été relancée, dans des contextes de crise où l'offre de logements laissait insatisfaite une large part de la demande. Mais, à y regarder de plus près, cette politique apparaît comme la résultante d'un processus d'élaboration de projets réformateurs où les convergences sur les objectifs comptent plus que les divergences sur les méthodes de la réalisation, la conjoncture politique plus que le déséquilibre du marché immobilier. Ainsi, l'arrivée au pouvoir des républicains « progressistes » en 1879 est propice à la mobilisation des réformateurs libéraux, qui imprimeront à la loi du 30 novembre 1894 une orientation faiblement interventionniste, le rôle de l'autorité publique se limitant à encourager et encadrer la construction d'H.B.M. Les socialistes réformistes, qui souhaitaient au contraire confier aux municipalités la construction de nouveaux logements « ouvriers », n'imposeront partiellement leurs vues qu'à travers la loi Bonnevay du 23 décembre 1912. Mais, dès les années 1880, les uns et les autres partageaient les mêmes objectifs, bien que l'expression et la traduction de ceux-ci dans les normes de l'habitation fût l'œuvre des premiers, agissant par le biais d'institutions qu'ils avaient créées et dont ils gardaient la maîtrise.

Pensée à la fin du xixe siècle par les réformateurs libéraux comme patrimoine familial et « assurance » pour l'ouvrier « prévoyant », l'H.B.M. avait vocation à être la propriété de son occupant. La loi du 30 novembre 1894 en facilitait la transmission en dérogeant au principe de l'égalité des héritiers pour éviter la mise en vente de la maison lors du décès du père de famille. Mais la difficulté à accéder à la propriété du logement pour les ouvriers, avancée par le mouvement socialiste, l'impossibilité de réaliser dans les villes les maisons individuelles pour lesquelles la propriété était prévue, sauf à les enchérir et les rendre encore plus inabordables, conduisirent ces mêmes réformateurs[...]

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Pour citer cet article

Susanna MAGRI. LOGEMENT SOCIAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LOGEMENT OUVRIER

    • Écrit par Maria Teresa MAIULLARI
    • 2 439 mots

    L'histoire du logement ouvrier appartient largement au xxe siècle, qui a vu la naissance, l'apogée et la reconversion des cités ou villes ouvrières les plus imposantes. Cette histoire fait aujourd'hui son retour dans l'actualité. Du fait de la perte à peu près complète de sa fonction primitive...

  • AILLAUD ÉMILE (1902-1988)

    • Écrit par Christian de PORTZAMPARC
    • 379 mots

    Hors des écoles, hors des styles, l'architecte français Émile Aillaud a été, au cours des années 1960-1970, l'architecte d'ensembles de logements économiques assez largement démarqués du béton sérieux et orthogonal où la rhétorique fonctionnaliste d'après-guerre voyait l'expression convenue et internationale...

  • AMSTERDAM ÉCOLE D', architecture

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    Dans les années 1905, trois jeunes étudiants en architecture travaillent chez Eduard Cuypers, à Amsterdam. Ce sont Michel De Klerk, JJohan Melchior Van der Mey et Piet Kramer. Ils critiquent Berlage, le plus célèbre praticien de la ville, et lui reprochent une étroite rationalité incapable d'exprimer...

  • ANDRAULT MICHEL (1922-2020) et PARAT PIERRE (1928-2019)

    • Écrit par Universalis, Eve ROY
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    En 1957, deux jeunes architectes remportent le concours international de la Basilique de Syracuse avec un projet dont l'audacieuse corolle inversée en voile de béton était présentée comme la métaphore de l'élévation de l'humanité vers Dieu. Diplômés de l'École nationale supérieure des beaux-arts de...

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    L’architecte chilien Alejandro Aravena a reçu le prix Pritzker le 4 avril 2016, au siège de l’Organisation des Nations unies à New York. Après le Mexicain Luis Barragán (1980) et les Brésiliens Oscar Niemeyer (1988) et Paulo Mendes da Rocha (2006), il est le quatrième Latino-Américain à...

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