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AILLAUD ÉMILE (1902-1988)

Hors des écoles, hors des styles, l'architecte français Émile Aillaud a été, au cours des années 1960-1970, l'architecte d'ensembles de logements économiques assez largement démarqués du béton sérieux et orthogonal où la rhétorique fonctionnaliste d'après-guerre voyait l'expression convenue et internationale de la société industrielle. À l'époque de l'industrialisation du bâtiment et dans ce contexte pesant où la rationalité technique et économique semble se mettre en scène elle-même dans tout paysage construit comme un spectacle obligatoire et universel, Aillaud regarde ailleurs : il ne croit pas qu'un bâtiment se suffise à représenter de l'efficace et du rationnel, il refuse le discours de l'architecte accablé par les règlements et emprisonné dans les contraintes, il cherche la faille, l'endroit où le système technique et économique laisse la plus grande place au délibéré, au « pourquoi pas ? ». Si l'on dit d'une architecture honnête qu'elle tire parti des contraintes, on pourrait dire de la démarche d'Aillaud qu'elle cherche plutôt à les détourner, qu'elle manifeste une attitude architecturale nouvelle qui serait le détournement du rationnel : détournement « à la lettre », les détours et les courbes que les quartiers de logements économiques de Pantin (Les Courtilières, 1959-1961) et de Grigny (La Grande Borne, 1967-1972) ont montré comme une alternative possible aux alignements rectilignes de cellules de logement. Détournement encore, lorsque Aillaud cherche le registre où le système de préfabrication lourde se laisse le plus spectaculairement transfigurer : c'est par exemple l'emploi massif de la couleur (tours-nuages à Nanterre, de 1974 à 1977) ou la forme libre du percement, là où, dans un jeu plastique issu de la modénature académique, on cherche à faire « parler » l'assemblage des panneaux préfabriqués. C'est de cette façon qu'Aillaud apparaît en France comme l'un des architectes de logements sociaux les moins académiques, celui qui dit avoir compris après-guerre qu'aucune règle, aucune « fausse culture » n'enfermait plus l'architecte.

— Christian de PORTZAMPARC

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Christian de PORTZAMPARC. AILLAUD ÉMILE (1902-1988) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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