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LOEB RABBI, dit LE MAHARAL DE PRAGUE (1512-1609)

La figure de Rabbi Juda Loeb, que la tradition populaire désigne sous le nom de Haut Rabbi Loeb et l'érudition littéraire par le sigle des initiales hébraïques de son nom (MaHaRal), domine l'histoire spirituelle juive au xvie siècle, non seulement à Prague, ville où il vécut de longues années et à laquelle son nom reste indissolublement attaché (« le Maharal de Prague »), mais pour l'ensemble du judaïsme d'Europe centrale et orientale.

Les événements historiques l'ont associé à quelques-uns des grands moments de la Renaissance ; la légende populaire a brodé, autour de sa personne et de son existence presque centenaire, un mythe dont le Golem occupe la place centrale ; son œuvre théologique, rédigée et publiée dans sa vieillesse, connue et cultivée par ses nombreux disciples, mais qui commence à être étudiée scientifiquement depuis les années cinquante seulement, constitue un véritable système philosophique, ouvert à tous les problèmes de son siècle et annonciateur des grandes échappées spirituelles qui, entre le xvie et le xixe siècle, mèneront de Jacob Boehme à Hegel.

Un rabbin humaniste

Né à Posen, en Pologne, Yehouda ben Bezalel Loeb est érudit privé dans sa ville natale, avant d'occuper, de 1553 à 1573, les fonctions officielles de rabbin de la province de Moravie, à Nikolsburg. À l'âge de soixante ans, il s'installe à Prague, mais encore à titre privé, et dirige la petite synagogue-école de la « Klaus », méditant et mûrissant une œuvre littéraire dont il commencera la rédaction et la publication à l'âge de soixante-dix ans. En 1592, octogénaire, il quitte Prague pour exercer à Posen les fonctions officielles de Grand Rabbin. Mais cinq années plus tard, c'est à Prague qu'il revient, pour y occuper la même chaire officielle de Grand Rabbin jusqu'à sa mort à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Cette activité mouvementée s'explique sans doute par l'indépendance d'esprit de Rabbi Loeb, par ses efforts pour aboutir à une véritable « réforme » à l'intérieur de la communauté juive, surtout sur le plan pédagogique où il critique la méthode médiévale et casuistique encore en usage dans les écoles talmudiques et rabbiniques, et trace le programme d'une éducation d'inspiration moderne, conforme aux principes des humanistes non juifs de son siècle.

Car, à Prague surtout, capitale de l'humanisme de l'Europe centrale au xvie siècle, Rabbi Loeb s'intéresse au renversement de valeurs provoqué par la Réforme, la Renaissance et les grandes découvertes. Contrairement à bien des savants non juifs qui font encore autorité à l'époque, il croit, lui, le rabbin du ghetto, à la révolution de Copernic ; il entrevoit les répercussions de la découverte de l'Amérique sur la géographie et la cosmolpgie. Entre 1597 et 1603, qui sont les années culminantes de son activité philosophique, il est en rapports suivis avec Tycho Brahe, que l'empereur Rodolphe II de Habsbourg vient d'appeler et d'installer somptueusement près de Prague. L'un des disciples les plus proches de Rabbi Loeb, David Gans (1541-1613), historien, mathématicien et physicien, est un hôte fréquent de l'observatoire de Tycho Brahe, pour lequel il traduit en allemand les tables d'Alphonse de Portugal, dont on ne possédait plus alors qu'une traduction de l'original latin en hébreu ; il s'y lie d'amitié avec Kepler, élève et bientôt successeur de Tycho Brahe, et constitue un trait d'union vivant et continu entre Rabbi Loeb et cet univers astronomique nouveau qu'il décrit avec enthousiasme.

C'est la chronique de David Gans qui rapporte que Rabbi Loeb a été invité au Hradschin de Prague, en 1592, par Rodolphe II, qui le reçut avec grands honneurs et avec lequel il eut un entretien « sur[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de l'université de Strasbourg

Classification

Pour citer cet article

André NEHER. LOEB RABBI, dit LE MAHARAL DE PRAGUE (1512-1609) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GANS DAVID (1541-1613)

    • Écrit par André NEHER
    • 857 mots

    Historien, cosmographe et astronome juif de l'époque de la Renaissance, David Gans fut le premier auteur hébraïque à mentionner Copernic, d'une manière très élogieuse d'ailleurs, le premier aussi à donner une description correcte des continents à la suite de la découverte de l'Amérique....

  • GOLEM

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 631 mots

    Être, le plus souvent de forme humaine, le golem est créé par un acte de magie grâce à la connaissance des dénominations sacrées. Dans le judaïsme, l'apparition du terme golem remonte au Livre des Psaumes et à l'interprétation qu'en donne le Talmud ; il s'agit, dans ce...

  • HÉBRAÏQUES LANGUE & LITTÉRATURE

    • Écrit par Valentin NIKIPROWETZKY, René Samuel SIRAT
    • 8 474 mots
    • 1 média
    Les grandes figures de ce xvie siècle furent ‘Azaria de Rossi en Italie, auteur de Méor Eynayim (La Lumière des yeux) et surtout le Grand Rabbin de Prague, le célèbre Maharal (le Haut Rabbi Loeb)..., humaniste juif, fondamentalement attaché à la tradition, moraliste, philosophe, exégète et...

Voir aussi