AFFICHE ROUGE L'

En février 1944, une gigantesque affiche fut placardée dans les principales villes de France par les services de la propagande allemande. Sur un fond rouge se détachaient en médaillon les visages de dix hommes aux traits tirés, avec une barbe de plusieurs jours. En haut de l'affiche, on pouvait lire, en larges lettres : « Des libérateurs ? » La réponse était au bas de l'affiche : « La libération par l'armée du crime ! »

Affiche rouge

Affiche rouge

Affiche rouge

Placardée dans toute la France en février 1944 par l'occupant allemand pour attiser la haine raciste…

Cette affiche, bientôt connue comme « l'Affiche rouge », présentait les portraits de dix résistants parmi les vingt-trois qui allaient être condamnés à mort et fusillés, au mont Valérien le 21 février 1944. Ces hommes, qui appartenaient au « groupe Manouchian » – du nom de leur chef du moment, Missak Manouchian –, étaient des membres des Francs-tireurs et partisans de la M.O.I.

L'organisation des étrangers au sein du P.C.F.

La Main-d'œuvre étrangère, qui prendra en 1932 le nom de Main-d'œuvre immigrée (M.O.I.) a été créée dès 1926 par le Parti communiste français. Cette organisation était destinée à regrouper tous les communistes étrangers vivant et militant en France. Or, il y avait dans les années 1920, des millions de travailleurs immigrés venus combler les larges brèches provoquées par la guerre de 1914-1918 dans les rangs de la main-d'œuvre française. Les communistes menaient une propagande active parmi ces ouvriers particulièrement déshérités, surtout dans les populations d'immigration les plus importantes : les Italiens dans le Sud-Est et dans l'Est, les Espagnols dans le Sud-Ouest et les Juifs en région parisienne (dans la confection).

En 1936, avec le gouvernement de Front populaire, les conditions de séjour des immigrés furent facilitées et les différents « groupes de langue » de la M.O.I. se gonflèrent d'adhérents. Certains d'entre eux, animés d'un fort sentiment antifasciste – surtout s'ils étaient originaires de pays dotés d'un régime autoritaire – s'engagèrent dans les Brigades internationales qui, dès l'automne 1936, sous la houlette de l'Internationale communiste, combattirent en Espagne les troupes de Franco.

Mais, avec les pactes conclus par Hitler et Staline en août et septembre 1939, et la déclaration de guerre, la situation des immigrés communistes s'aggrava. D'une part, le P.C.F. et toutes ses organisations furent dissous par le gouvernement le 26 septembre 1939. D'autre part, les immigrés politisés étaient considérés comme politiquement suspects en temps de guerre. Pourtant, des dizaines de milliers d'entre eux, pour combattre l'Allemagne nazie, s'engagèrent dans l'armée française ; celle-ci créa même deux régiments de marche des volontaires étrangers qui participèrent aux durs combats de la retraite française.

Parmi eux, Boris Holban, de son vrai nom Bruhman, un communiste roumain réfugié en France depuis 1938. Fait prisonnier par les Allemands, il s'évade, et rejoint l'organisation parisienne de la M.O.I., reconstituée dans la clandestinité. La M.O.I. est déjà très active dans les milieux juifs, surtout après la première rafle de plus de trois mille sept cents juifs dans le XIe arrondissement de Paris en mai 1941 ; elle le sera plus encore après la rafle du Vél'd'Hiv', les 16 et 17 juillet 1942, qui a provoqué un afflux de jeunes combattants juifs dans ses rangs. Le P.C.F., ayant reçu de Moscou l'ordre de lancer la lutte armée contre l'occupant, crée à l'été de 1941 des groupes de combat (l'Organisation spéciale ou O.S.) qui, au printemps 1942, deviennent les Francs-tireurs et partisans (F.T.P.). Au même moment, la M.O.I. reçoit l'ordre de créer ses F.T.P. et c'est Boris Holban qui en est chargé pour la région parisienne.

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Écrit par

  • Stéphane COURTOIS : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la revue Communisme

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Pour citer cet article

Stéphane COURTOIS, « AFFICHE ROUGE L' », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

Affiche rouge

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Placardée dans toute la France en février 1944 par l'occupant allemand pour attiser la haine raciste…

Autres références

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    • 8 432 mots

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  • GRONOWSKI LOUIS (1904-1987)

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