PROPAGANDE
Il existe peu de catégories d'analyse aussi polysémiques que la notion de propagande. Cette catégorie est en effet couramment mobilisée pour évoquer des pratiques et des techniques souvent sans rapport entre elles, et dont les formes ou les usages sont historiquement variables. Sans un retour sur l'évolution et les transformations des formes de la propagande, une interprétation générale et abstraite du terme laisserait échapper la pluralité et l'historicité des phénomènes qu'il recouvre. Pour rendre compte de cette histoire, il est sans doute utile d'évoquer d'abord la genèse du mot qui témoigne d'une signification particulière de la propagande. Il est aussi nécessaire, plus fondamentalement, de présenter la notion de propagande comme une catégorie permettant de restituer le sens historique de techniques de persuasion ou de symboliques du pouvoir différentes. Ce recours à l'histoire permet d'expliciter la diversité des pratiques de propagande que l'on peut définir génériquement comme un ensemble variable dans le temps de techniques de diffusion idéologique, de savoirs et de stratégies de pouvoir mis en forme par des groupes aux prétentions monopolistes ou hégémoniques, et destinés à construire ou à maintenir des allégeances sociales.
Le mot et l'idée
La genèse du terme « propagande » constitue un indicateur des types de phénomènes qu'il a pu désigner. Pour évoquer l'émergence progressive du mot, les historiens font souvent référence à deux buttes chronologiques : les activités de propagande de l'Église catholique contre la Réforme aux xvi e et xvii e siècles, et la mobilisation des « opinions » dans le contexte révolutionnaire où le mot apparaît en français pour la première fois et reçoit dans le même temps l'une de ses significations contemporaines.
C'est en effet de la Congregatio de Propaganda Fide (« Congrégation pour la propagande de la foi »), institution de l'Église romaine chargée de répandre la foi par la mission et d'endiguer la Réforme, que le terme moderne tire l'une de ses origines. Celle-ci représentait une commission destinée dans un premier temps, entre 1572 et 1585, sous l'autorité du pape Grégoire XIII, à étudier les moyens d'action et d'organisation contre la Réforme protestante. C'est Clément VIII qui institua cette congrégation comme un organe permanent, avant que la bulle Incrustabili divine ne fixe complètement, à partir de 1622, sa composition et ses responsabilités. Composée de vingt-neuf cardinaux et dirigée par un préfet, la Congrégation avait des ramifications dans chaque région de la chrétienté. Elle est instituée en 1632 en France où elle est présidée par un capucin, le père Hyacinthe. Elle assurait à cette période l'envoi de missionnaires en terre païenne, y faisait établir des évêques, et mettait parallèlement en œuvre une véritable activité de propagande en procédant à la récollection d'informations stratégiques et à la définition d'instruments de diffusion et de contrôle inédits. Cette administration disposait d'un pouvoir étendu, à la fois administratif, judiciaire et législatif, ses règlements et ses décrets ayant une force contraignante. Son activité était à la fois normative, informative, coercitive : elle examinait la constitution des ordres religieux, centralisait les rapports fournis par les évêques sur la pérennité des Églises, formait des prêtres, définissait un régime de censure interne et contrôlait une « imprimerie polyglotte » de textes diffusés dans tous les pays de la chrétienté. On perçoit à travers cette première entreprise explicitement désignée sous le vocable latin de propagande les principales formes et fonctions de ce type d'activités. Le travail de diffusion idéologique, la centralisation d'informations,[...]
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Écrit par
- Xavier LANDRIN : chargé de cours en sociologie à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Pour citer cet article
Xavier LANDRIN, « PROPAGANDE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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