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WEILL KURT (1900-1950)

Compositeur allemand naturalisé américain en 1943, Kurt Weill créa, en collaboration avec Bertolt Brecht, une forme d’opéra révolutionnaire, qui exprime une satire sociale féroce et marque profondément l’art du xxe siècle en proposant une alliance originale entre musique savante et musique populaire.

Kurt Julian Weill, né le 2 mars 1900 à Dessau, prend des cours de musique privés avec Albert Bing, avant d’étudier à la Staatliche Hochschule für Musik (École supérieure de musique) de Berlin, sous la direction d’Engelbert Humperdinck. Il acquiert de l’expérience comme répétiteur et chef d’orchestre à Dessau et Lüdenscheid (1919-1920). Il s’installe ensuite à Berlin, où il devient l’élève (1921-1924) de Ferruccio Busoni, commençant par composer des œuvres instrumentales. Sa musique est alors expressionniste, dans le sillage de Mahler et Schoenberg (Symphonie no°1). Ses deux premiers opéras, Le Protagoniste (Der Protagonist, opéra en un acte sur un livret de Georg Kaiser, 1926) et Royal Palace (1927), font de lui un des jeunes compositeurs lyriques les plus prometteurs du pays, avec Ernst Krenek et Paul Hindemith.

Sa rencontre avec Bertolt Brecht va être déterminante. Les Chants de Mahagony (intitulés, dans la version allemande, MahagonySongspiel), qui transposent des poèmes tirés des Sermons domestiques, font scandale lors de leur création au festival de Baden-Baden en 1927. Ces pièces constituent une critique au vitriol de la vie dans une Amérique imaginaire, derrière laquelle on reconnaît l’Allemagne de la république de Weimar. Weill écrit ensuite, sur un livret de Brecht, la musique de L’Opéra dequat’sous (Die Dreigroschenoper, 1928), une transposition de l’Opéra du gueux de John Gay (1728), dont les personnages – voleurs, repris de justice et prostituées –, sont transformés en figures du milieu berlinois des années 1920. Cette œuvre fonde le Zeitoper (l’« opéra contemporain ») qui se détourne de l’opéra comme objet de délectation bourgeoise et cherche à en faire un événement conduisant le spectateur à l’activisme intellectuel et à l’engagement moral. L’œuvre assure la réputation à la fois de son compositeur et de son librettiste. La musique de Weill y est tour à tour âpre, caustique, jazzy et profondément mélancolique. Weill et Brecht reprennent ensuite les Chants de Mahagonypour en faire un opéra, Grandeur et Décadence de la ville de Mahagony(AufstiegundFall der StadtMahagonny, composé en 1927-1929 et créé à Leipzig en 1930).On assiste ici à une synthèse habile de la musique populaire américaine, du ragtime et du jazz.

La femme de Kurt Weill, l’actrice Lotte Lenya – qu’il a épousée en 1926 –, a fait ses débuts de chanteuse dès MahagonySongspiel, et marquera de sa personnalité toute la production de ces années, notamment L’Opéra de quat’sous, où elle joue aux côtés de Roma Bahn et Harald Paulsen. Ces deux œuvres provoquent la polémique, de même que l’opéra « pour les écoles » Celui qui dit oui (Der Jasager, 1930) et la cantate Le Vol de Lindbergh (Der Lindberghflug, 1928), écrits là encore en collaboration avec Brecht, tout comme la cantate radiophonique DasBerliner Requiem (1929). Après la production de l’opéra Die Bürgschaft (« La Caution », livret de Caspar Neher, 1932), les idées politiques et musicales de Weill, ainsi que ses origines juives, font de lui un indésirable aux yeux des nazis. Il quitte Berlin pour Paris. Là, il donne Les Sept Péchés capitaux (1933), ballet sur des textes de Brecht, tandis que sa Deuxième Symphonie est créée au Concertgebouw d’Amsterdam, sous la direction de Bruno Walter. Ses œuvres seront interdites en Allemagne jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Kurt Weill et Lotte Lenya, qui ont divorcé en 1933, se remarient en 1937 à New York, où le musicien se remet au travail. Il écrit des partitions pour la scène (dont[...]

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  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Pour citer cet article

Universalis. WEILL KURT (1900-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (B. Brecht et K. Weill)

    • Écrit par Véronique HOTTE
    • 974 mots
    • 1 média

    La version mise en scène par Thomas Ostermeier de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill a été créée au festival d’Aix-en-Provence, le 4 juillet 2023, sous la direction musicale de Maxime Pascal avec l’ensemble Le Balcon et la troupe de la Comédie-Française, dans une...

  • BRECHT BERTOLT (1898-1956)

    • Écrit par Philippe IVERNEL
    • 5 507 mots
    • 7 médias
    ...lui-même amateur de grands airs, se comporte en parfait bourgeois et suggère comment le bourgeois se comporte en parfait brigand. De même, la musique deKurt Weill se propose non pas d'abuser des dissonances, mais de détruire l'harmonie mensongère de l'idylle au fur et à mesure qu'elle la restitue.
  • BRECHT BERTOLT - (repères chronologiques)

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 524 mots

    10 février 1898 Naissance à Augsbourg (Souabe).

    1914-1918 Première Guerre mondiale.

    1917 Commence des études de lettres, puis de médecine, à l'université de Munich.

    1918 Découvre le théâtre de Frank Wedekind. Première version de Baal.

    1919 Brecht montre des sympathies pour le mouvement...

  • COMÉDIE MUSICALE

    • Écrit par Laurent VALIÈRE
    • 5 973 mots
    • 6 médias
    Hors des États-Unis, la forme hybride du musical se développe en Allemagne sous la houlette de Kurt Weill, dont L'Opéra de quat' sous, créé à Berlin en 1928, mêle intimement chansons, cabaret et pièce de théâtre. Expatrié aux États-Unis, Kurt Weill reprendra dans les années 1940...
  • LENYA LOTTE (1899-1981)

    • Écrit par Robert de LAROCHE
    • 764 mots

    Viennoise issue d'un milieu modeste – son père était cocher de fiacre et sa mère lingère –, Karoline Blamauer, dite Lotte Lenya a le « théâtre dans le sang ». À quatre ans, elle se produit dans un cirque. Après avoir étudié la danse à Zurich pendant la Première Guerre mondiale, elle joue Molière et...

Voir aussi