JÉRUSALEM

Jérusalem, enjeu politique et religieux

Jérusalem représente un enjeu spirituel pour les trois monothéismes et un « lieu de mémoire » pour une bonne partie de l'humanité. Mais la cité est aussi l'objet d'une lutte politique intense mettant aux prises Israéliens et Palestiniens à la fois sur le terrain et dans l'arène internationale. Politique et religieux se mêlent en fait inextricablement, rendant la formulation d'une solution définitive de la question de Jérusalem extrêmement délicate.

Jérusalem, la « trois fois sainte »

Judaïsme, christianisme et islam associent Jérusalem à l'origine du monde créé : la cité est le nombril du monde, l'axe majeur de l'univers. Cette sacralité partagée s'est déclinée selon des modalités différentes sur le plan spirituel. Pour le judaïsme, Jérusalem devint le centre cultuel après l'édification du Temple de Salomon (x e siècle avant J.-C.) et demeura le symbole religieux du peuple juif, même après la destruction du second Temple (70). Pour le christianisme, la ville est intimement liée aux épisodes déterminants de la vie de Jésus, en particulier sa passion, sa résurrection et son ascension, et conserve depuis lors une place éminente comme lieu de témoignage et de pèlerinage. Enfin, pour l'islam, Jérusalem, associée au voyage nocturne (isra) et à l'ascension céleste (miraj) du prophète Mahomet, est la troisième Ville sainte.

Cette triple sacralisation a souvent davantage entretenu la confrontation que le dialogue entre monothéismes parce que les dynamiques politiques s'en sont mêlées. La question des lieux saints est ainsi directement liée à l'intervention des États européens dans le cadre de l'expansion coloniale au xix e siècle. Elle ne concerne au départ que les sanctuaires chrétiens que se disputent grecs orthodoxes et latins, soutenus respectivement par la Russie et par la France, qui tentent ainsi de prendre pied dans un Empire ottoman en déclin. La répartition des lieux saints (Saint-Sépulcre, basilique de Bethléem...) entre les différentes confessions chrétiennes est fixée par un décret impérial de 1852 qui établit un statu quo, toujours en vigueur.

Avec le développement du sionisme et la mise en place en 1922 du mandat britannique sur la Palestine, les lieux saints deviennent un enjeu capital entre juifs et musulmans, le point de cristallisation étant le Mur occidental (dit des Lamentations). La droite sioniste entend proclamer que cet ultime vestige du temple d'Hérode appartient de droit aux seuls juifs alors que les radicaux du mouvement national palestinien, emmenés par le mufti de Jérusalem, rejettent toute remise en cause du statu quo qui n'accorde aux juifs qu'une simple tolérance pour y prier. Les incessantes querelles sur la question du Mur conduiront à une explosion de violence inouïe en août 1929 : plus de cent trente juifs sont massacrés par la foule arabe et une centaine de Palestiniens tués par les forces de l'ordre britanniques.

Après la création de l'État d'Israël (1948), le Mur cesse d'être un enjeu dans la mesure où il passe tout entier, avec l'ensemble de la Vieille Ville, en secteur jordanien, et donc inaccessible aux juifs. La victoire éclair d'Israël en juin 1967 change tout. Le contact retrouvé avec le Mur fait naître une inhabituelle émotion, y compris chez les laïcs les plus endurcis. Le Mur va être rapidement transformé en une véritable icône placée au cœur du dispositif symbolique de la nation juive souveraine. Les autorités israéliennes ne se contentent pas d'en refaire un lieu de prière, elles le transforment en un monument national où se tiennent cérémonies militaires et manifestations de défense en faveur des juifs persécutés.

Jérusalem : la Vieille Ville

Jérusalem : la Vieille Ville

Jérusalem : la Vieille Ville

La Vieille Ville de Jérusalem (d'après: Cartographie de Jan de Jong, «Le Proche-Orient de A à Z»,…

Pour capter cette symbolique de Jérusalem, l'espace sacré autour du Mur fut réorganisé[...]

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Écrit par

  • Alain DIECKHOFF : directeur de recherche au C.N.R.S., Centre d'études et de recherches internationales-Sciences Po
  • Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Alain DIECKHOFF, Gérard NAHON, « JÉRUSALEM », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

Israël : carte administrative

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Carte administrative d'Israël.

Le triomphe de Titus

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Arc de triomphe de Titus, 94. Érigé par Domitien sur le forum romain, l'arc de triomphe de Titus…

Église du Saint-Sépulcre, Jérusalem

Église du Saint-Sépulcre, Jérusalem

Église du Saint-Sépulcre, Jérusalem

Église du Saint-Sépulcre. 335 après J.-C. Jérusalem, Israël

Autres références

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    • Écrit par Alain DIECKHOFF
    • 5 456 mots

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  • BAR KOKHBA (IIe s.)

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  • CITÉ, iconographie

    • Écrit par Michel RAYNAUD
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    Les représentations de villes (cité et ville deviennent synonymes, dès le xvii e siècle, dans le langage des géographes) constituent la source la plus abondante et la plus variée (diversité des supports et des techniques) de l'histoire de l'urbanisme en Occident. On peut distinguer deux catégories[...]

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    • Écrit par Marianne BARRUCAND
    • 1 497 mots
    • 1 média

    La Coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra) domine l'espace sacré de l'esplanade du temple de Salomon à Jérusalem. Le temple était détruit depuis six siècles lorsque le calife Abd al-Malik fit édifier, en 691, la Coupole du Rocher qui est le plus ancien monument islamique conservé.[...]

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Voir aussi