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BOSSUET JACQUES BÉNIGNE (1627-1704)

Prestige d'un style

L' éloquence de Bossuet, comme toute grande éloquence, est évidemment variée. Toutefois, l'un de ses caractères les plus visibles est le goût des périodes. Certaines, dans les oraisons funèbres, les sermons ou le Discours sur l'histoire universelle, sont restées célèbres ; ainsi le début de l' Oraison funèbre d'Henriette de France : « Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons... » Par cette exceptionnelle maîtrise de la phrase, le nom de Bossuet a pris place, dans les manuels d'histoire littéraire, au rang des grands classiques, à côté de ceux de Racine et de Molière.

Mais il va de soi que dans son cas, non plus que pour Racine ou Molière, l'étiquette « classique » ne doit faire méconnaître la liberté du génie. Lui-même a souligné, dans son discours de réception à l'Académie, qu'il faut prendre garde « qu'une trop scrupuleuse régularité, qu'une délicatesse trop molle, n'éteigne le feu des esprits et n'affaiblisse la vigueur du style ». Au reste, par la date de sa naissance et par celle de ses débuts dans l'éloquence (vers 1650), il plonge dans l'époque baroque dont il conserve, en l'assagissant, le goût des images frappantes, des développements saisissants (en particulier l'orchestration de la mort) et des envolées lyriques. Enfin son style est constamment vivifié par des souvenirs bibliques ; il est certainement, avec Claudel, celui des écrivains français dont la Bible a le plus fortement marqué la manière.

Bossuet a suscité, et suscite encore, des jugements extrêmes. L'admiration pour son style (les phrases en « voûte », comme disait Valéry) est le seul point qui fasse l'unanimité. Pour le reste, les prises de position à l'égard de son œuvre restent trop souvent inspirées par des attitudes polémiques.

Il serait trop simple de croire qu'il a été loué par les catholiques et critiqué par les ennemis du catholicisme. À l'intérieur même de l'Église, il a été vivement attaqué par les ultramontains (surtout au xixe siècle) et par les modernistes (surtout vers 1900) ; il l'est encore par plus d'un admirateur de Fénelon. D'une manière générale, cependant, l'on peut dire qu'il a été admiré, et fréquemment cité en chaire, par une grande partie du clergé français jusqu'à une date récente, mais que l'évolution de l'Église depuis quelques décennies, et surtout depuis le deuxième concile du Vatican, a porté un coup sensible à son prestige.

Indépendamment des questions religieuses, les jugements portés sur Bossuet ont souvent été influencés par des préoccupations politiques : prôné dans certains milieux de droite, il fut volontiers choisi comme symbole de la réaction par la tradition libérale.

— Jacques TRUCHET

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de littérature française à l'université de Paris-Sorbonne
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Jacques TRUCHET. BOSSUET JACQUES BÉNIGNE (1627-1704) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, H. Rigaud - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, H. Rigaud

Autres références

  • ABSOLUTISME

    • Écrit par Jacques ELLUL
    • 4 286 mots
    La pensée de Bossuet, quoique fondée théologiquement, est en même temps d'un grand réalisme : les idées politiques sont pour lui modelées sur les faits, et l'une des preuves que la monarchie est de droit divin, c'est la puissance de fait du roi. En cela, il se rattache effectivement...
  • ANCIENS ET MODERNES

    • Écrit par Milovan STANIC, François TRÉMOLIÈRES
    • 5 024 mots
    • 4 médias
    Reste un domaine où la « nouveauté » ne pouvait être que suspecte : celui de la religion.Bossuet allait faire de la Tradition une véritable preuve de l'orthodoxie catholique, et des « variations » supposées incessantes des « prétendus réformés » (les Protestants) le signe irréfutable de l'...
  • ESCLAVAGE

    • Écrit par Jean-Pierre BERTHE, Maurice LENGELLÉ, Claude NICOLET
    • 8 509 mots
    • 4 médias
    Un siècle plus tard,Bossuet apporte son appui à l'esclavage pratiqué par la France lors de ses disputes avec Jurieu. La discussion engagée par l'évêque de Meaux avec le pasteur protestant était subtile. Jurieu soutenait que l'esclave était libre faute d'un accord librement consenti entre lui et le...
  • FANATISME

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 3 360 mots
    • 1 média
    L'ironie des choses a voulu qu'un des premiers à parler sur un ton méprisant du fanatisme fût Bossuet, un des plus zélés protagonistes de l' absolutisme religieux. Dans l'Oraison funèbre de la reine d'Angleterre, il stigmatise les quakers, « gens fanatiques, qui croient que toutes...
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Voir aussi