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INFLATION

L’inflation trop basse

On a pu le croire après la crise financière dite des subprimes, qui, en 2007-2008, a secoué le secteur bancaire et la finance mondiale, engendrant, à l’automne 2008, une véritable épidémie de défaillances bancaires et une chute spectaculaire des cours boursiers et, en 2009, une « grande récession » qui a touché toute l’économie mondiale. Pendant quelques mois, la déflation a fait son retour dans les pays développés. Pour éteindre l’incendie des défaillances bancaires et éviter que les économies plongent dans une dépression comparable à celle des années 1930, les banques centrales ont d’abord mobilisé leur instrument usuel, le taux d’intérêt directeur, dont elles peuvent fixer le niveau : en l’abaissant rapidement et drastiquement pour le ramener au voisinage de zéro, elles permettent aux banques commerciales de se procurer pratiquement sans coût la liquidité dont elles peuvent avoir besoin, les incitant ainsi à prêter à leurs clients.

Toutefois, dès les premiers jours de la crise financière, cet instrument s’est révélé insuffisant, et les banques centrales ont dû jouer leur rôle de prêteur en dernier ressort, en acceptant de prendre en pension, contre prêt de liquidités, des quantités importantes d’actifs bancaires. Dès la fin de 2008, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BoE) ont commencé à pratiquer des achats massifs de titres, privés et publics, pour en soutenir les cours et fournir aux banques commerciales des liquidités, accroissant ainsi progressivement la taille de leur bilan et, ce faisant, de la base monétaire, malgré le risque de faire repartir l’inflation à terme : c’est le quantitative easing ou QE (« assouplissement quantitatif »), présenté comme une politique monétaire nouvelle et « non conventionnelle », alors qu’elle ne faisait que renouer avec des pratiques qui avaient été courantes avant le tournant des années 1980 et l’affirmation de l’indépendance des banques centrales un peu partout dans le monde.

De son côté, la BCE, entravée par des statuts lui interdisant de renflouer les autorités publiques européennes, ne s’est lancée que beaucoup plus tardivement : la légère reprise de l’inflation en 2011-2012 l’avait incitée à relever un peu son taux directeur, ce qui, avec les politiques de consolidation budgétaires menées simultanément dans tous les pays de la zone euro, a contribué, certes en maîtrisant l'inflation, à replonger l’économie européenne dans la récession en 2012, mettant fin précocement à la reprise. La crise des dettes souveraines européennes qui, entre 2010 et 2012, a touché la Grèce, puis l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et Chypre et menacé de s’étendre, par contagion, à l’Italie, a conduit la BCE, alors présidée par Mario Draghi, à envisager toutes les options pour éviter l’éclatement la zone euro. À partir de 2014, elle s’est, à son tour, engagée dans le QE, d’abord limité à l’octroi de prêts à moyen terme aux banques commerciales, puis étendu à des programmes d’achats d’actifs, privés et publics. En principe contraires aux statuts, ces achats d’obligations publiques ont été effectués sur les marchés secondaires, c’est-à-dire en rachetant des obligations déjà émises et détenues par des investisseurs privés, pour qu’ils n'apparaissent comme un financement monétaire direct de l’endettement public des États.

Poursuivis pendant plus d’une décennie, et encore augmentés pendant la crise sanitaire de 2020-2021, ces achats massifs d’actifs par les banques centrales ont considérablement accru la taille de leur bilan : celle du bilan de la BCE a ainsi été multipliée par 10 entre 1999 (première année de son existence) et décembre 2021, par 4 entre 2008 et 2021. Et les banques ont fini par détenir une part importante des stocks de dette publique : dans la[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités à l'université de Pau et des pays de l'Adour

Classification

Pour citer cet article

Jacques LE CACHEUX. INFLATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Distribution de pommes de terre au Pérou dans les années 1980 - crédits : Greg Smith/ Corbis/ Getty Images

Distribution de pommes de terre au Pérou dans les années 1980

La crise en Allemagne, vers 1920 - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

La crise en Allemagne, vers 1920

Jean Bodin - crédits : AKG-images

Jean Bodin

Autres références

  • ACHAT POUVOIR D'

    • Écrit par Stéfan LOLLIVIER
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    ...distribution a montré que juste avant la période de gel en 2001, les prix des biens de grande consommation avaient connu des hausses particulièrement fortes. Cette hausse localisée a coïncidé avec un regain d'inflation perçue par les personnes, tel qu'il est mesuré dans les enquêtes d'opinion, et dans la foulée...
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    L'inflation, tant redoutée en Allemagne depuis la crise d'hyperinflation de 1923, reste sous contrôle à moins de 2 p. 100 du PIB, malgré l'injection massive d'argent par la BCE et des taux d'intérêt historiquement bas en zone euro depuis 2012 (suivant le Whateverit ...
  • AMÉRIQUE LATINE, économie et société

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    La lutte contre l'inflation a suscité dans les années 1980 la mise en place de plans successifs en Argentine, au Brésil et au Pérou – plans Austral (1985) et Primavera (1988) ; Cruzado (1986), Verão (1989) et Collor (1990) ; García (1985) –, fondés sur le gel temporaire des prix et des salaires, voire...
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    ...suggérée par Irving Fisher (1930), part de l'idée que les créanciers sont dégagés d'illusion monétaire et qu'ils vont chercher à se protéger contre la perte de pouvoir d'achat de leur créance due à l'inflation en exigeant l'inclusion dans le taux d'intérêt nominal d'une prime de risque contre l'inflation....
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Voir aussi