Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

INCONSCIENT

Le système de l'inconscient

Les mécanismes de condensation et de déplacement

Alors que la pensée consciente tend à la clarté et à la distinction des concepts qu'elle utilise, de même qu'à la hiérarchisation et à la mise en valeur relative explicite de ces concepts, l'inconscient se caractérise par les processus de condensation et de déplacement. Freud a développé et précisé à propos du rêve ces modalités du discours inconscient telles qu'il les avait déjà perçues dans les psychonévroses. La condensation consiste à représenter par un seul une multiplicité d'éléments. Par exemple, une personne qui apparaît dans un rêve tient la place de plusieurs, ou bien un personnage composite renvoie à tous ceux auxquels il emprunte une partie d'eux-mêmes ; ou encore un mot, soit connu dans une langue donnée, soit forgé artificiellement, tient la place d'une ou plusieurs phrases. Le déplacement est le procédé par lequel un trait secondaire ou un détail insignifiant dans le récit du rêve acquiert dans l'interprétation une valeur centrale ; et à l'inverse ce qui est au centre du récit n'a qu'une importance minime. On retrouve ces deux processus à l'œuvre dans les psycho-névroses, dont les symptômes sont aussi absurdes dans leur disproportion à l'égard de ce qu'on nomme réalité objective. Pour tel obsessionnel, palper un briquet est la chose au monde la plus importante parce qu'en ce geste se condense la charge de ses désirs les plus secrets, parce qu'en cette activité dérisoire se trouve déplacée, et déguisée, telle pulsion refoulée décisive pour lui.

Jacques Lacan a montré que ces mécanismes de l'inconscient trouvaient leur pleine signification si on leur donnait le nom qu'ils portent en stylistique : la métaphore et la métonymie. Si la condensation est possible, c'est qu'un mot d'une langue ne renvoie pas seulement à un ou plusieurs sens, mais à tout le système verbal d'une langue que suppose toujours l'utilisation d'un seul mot. On pourrait donc définir le sujet parlant constitué par l'inconscient comme possibilité permanente de métaphorisation. De même, le désir inconscient, toujours impossible à satisfaire, est condamné à un déplacement indéfini, c'est-à-dire qu'il est la métonymie en acte. Dans cette perspective, on est amené à ne pas insister uniquement sur la possibilité de traduire en significations les processus de condensation et de déplacement ; par exemple à dire en clair : voici les phrases qui se cachent sous ce mot fabriqué dans le rêve par condensation ; ou bien : en ce détail anodin se trouve déplacé un désir central de mort ou d'inceste. On est conduit à souligner que métaphore et métonymie renvoient à la totalité des signifiants (c'est-à-dire, pour faire bref, des images phoniques des mots indépendamment de leur signification) et que ces processus inconscients ne sont jamais épuisés par la traduction que l'on peut en faire en interprétant une névrose, un rêve ou un mot d'esprit. C'est ce que Freud dit déjà lorsqu'il affirme qu'on n'a jamais fini d'interpréter un rêve ou que le moindre rêve ouvre, au moins en théorie, à tout l'inconscient du rêveur. On retrouve ici par une autre voie le caractère d'étrangeté de l'inconscient mentionné plus haut.

La logique de l'inconscient

Caractériser les processus inconscients par la condensation et le déplacement, c'est, au regard de la pensée consciente, les assimiler à l'arbitraire et à l'incohérence. Freud dit en effet que les pulsions, c'est-à-dire les motions de désir constitutives de l'inconscient, ne connaissent pas la contradiction et donc la négation, mais qu'elles persistent les unes à côté des autres sans s'influencer, même[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-VI, chef du service de neurologie à l'hôpital de la Salpêtrière
  • : psychiatre et psychanalyste, attachée à l'hôpital de la Salpêtrière, chargée de cours à l'université de Paris-VII
  • : diplômé de psychopathologie, psychanalyste

Classification

Pour citer cet article

Christian DEROUESNE, Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN et François ROUSTANG. INCONSCIENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

L'exil de Freud

Séance d'hypnose - crédits : AKG-images

Séance d'hypnose

Autres références

  • INCONSCIENT (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 276 mots

    Sigmund Freud (1856-1939) a pesé d’un tel poids dans la formulation de la notion d’inconscient qu’il est trop souvent perçu comme celui qui l’aurait découvert, à la façon dont les « inventeurs » d’un trésor arrachent à sa cachette un coffre rempli d’or qui avait jusqu’alors échappé à tous les regards....

  • ANIMUS & ANIMA

    • Écrit par
    • 1 034 mots
    • 1 média

    Le couple anima-animus joue un rôle important dans la « psychologie des profondeurs » de Carl Gustav Jung. Il s'agit d'une résurgence de deux termes du corpus de la philosophie médiévale. On les rencontre chez de nombreux auteurs, notamment Guibert de Nogent, où généralement ils désignent,...

  • ASSOCIATION LIBRE, psychanalyse

    • Écrit par
    • 468 mots

    Expression utilisée en psychanalyse pour désigner l'objet de la règle fondamentale, laquelle consiste pour le patient à exprimer toutes les pensées (idées ; images ; Einfall, dit Freud, « ce qui tombe » dans l'esprit) sans discrimination aucune et de manière spontanée. L'école de Zurich...

  • AUTOMATISME, art et littérature

    • Écrit par
    • 974 mots

    « Dans le monde organique, dans la mesure où se fait plus obscure ou plus faible la réflexion consciente, plus rayonnante et triomphante s'avance la grâce. » Cette affirmation de Kleist (Sur le théâtre de marionnettes, 1810) pourrait être tenue pour la charte originelle de l'automatisme....

  • AUTRE, psychanalyse

    • Écrit par
    • 1 306 mots

    Le débat philosophique sur autrui est inséparable de la question du primat de la conscience : comment expliquer l'existence d'une autre conscience, sous quelles modalités la rencontrer ?

    La doctrine qui va produire un impact certain sur les réflexions proprement psychologiques est celle...

  • Afficher les 71 références