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ANIMUS & ANIMA

Jung - crédits : Dmitri Kessel/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Jung

Le couple anima-animus joue un rôle important dans la « psychologie des profondeurs » de Carl Gustav Jung. Il s'agit d'une résurgence de deux termes du corpus de la philosophie médiévale. On les rencontre chez de nombreux auteurs, notamment Guibert de Nogent, où généralement ils désignent, respectivement, l'âme (anima) et l'esprit (animus) selon une hiérarchie de dignité ontologique : corps, âme, puis esprit. Le niveau intermédiaire de l'âme (anima) correspond au monde des images et semble réaliser un lien entre les deux autres niveaux.

On peut distinguer deux moments dans l'œuvre de Jung concernant la conception de ces termes. Dans un premier temps, Jung va, à travers la seule notion d'anima, tenter de redonner un sens au concept d'âme hors du schéma du dualisme cartésien corps/âme qui bloquait plus ou moins la conception de l'âme sur une définition mentaliste ou spiritualiste. L'anima sera une réalité vivante, une force d'animation, une puissance inconsciente qui porte et hante le langage conscient et la pensée rationnelle. Notamment elle sera la source de nombreuses productions d'images. Elle apparaît donc fortement liée à une pensée muette, riche en expériences intuitives et en imagination. Finalement, elle viendra désigner dans cette première partie de l'œuvre de Jung cette réalité intermédiaire, autonome par rapport au corps comme à l'esprit, que la philosophie médiévale et celle de la Renaissance ont tenté de comprendre et que la pensée moderne a voulu rejeter.

Puis dans un second moment de son œuvre, Jung va relativiser cette découverte en comprenant que sa conception de l'anima était unilatérale. Il acquiert la conviction que l'anima ne présente qu'une face de la relation entre l'être humain et son âme. En fait, elle correspond seulement à une expérience masculine de l'âme. Sous la couche de raison et de pensée, cette puissante anima est une incarnation féminine de l'imagination masculine. D'où, selon Jung, la nécessité de lui adjoindre en symétrie un pendant qui puisse correspondre à l'expérience féminine de l'âme. Ce sera l'hypothèse d'un animus, aspect masculin de l'âme de la femme, visage de son imagination, en arrière, en retrait du niveau conscient de son identité sexuelle.

Les conséquences et hypothèses résultant de cette découverte en sont nombreuses et variées, et elles ont reçu des interprétations diverses, soit dans l'œuvre de Jung lui-même, soit chez ses disciples. Elles permettent d'approcher la croisée entre la vie psychique individuelle et de nombreux aspects de la vie psychique collective, sociale, transindividuelle. On peut en donner quelques exemples : une telle symétrie serait à la base des rôles masculins et féminins jouant en chaque culture, et de la valorisation (ou non) des fonctions psychiques correspondantes (ainsi Jung réinterprète sa première conception de l'anima comme une interprétation purement masculine, liée en notre culture à une survalorisation de la pensée et à une « infériorisation » de l'imagination sous son aspect anima) ; selon Jung, la polarité anima/animus est le fondement des structures de la parenté et des échanges exogamiques/endogamiques, ces structures étant une expression au niveau d'une dimension collective de l'inconscient, de la dialectique jouant entre ces deux pôles de l'âme humaine ; c'est cette polarité qui se retrouve derrière de nombreux mythes ou rites, et elle semble en effet apparaître comme un thème universel, notamment par les idées d'hermaphrodite, d'androgyne, de couple primordial, d'hiérogamie, de syzygie, etc. ; sur le plan individuel, le couple anima-animus serait un point d'ancrage objectif d'une typologie psychologique, permettant d'analyser une structure[...]

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Pour citer cet article

Alain DELAUNAY. ANIMUS & ANIMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jung - crédits : Dmitri Kessel/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Jung

Autres références

  • BACHELARD GASTON (1884-1962)

    • Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 3 478 mots
    • 1 média
    ...Bachelard situe les racines de l'imagination dans des matrices inconscientes, les archétypes, qui se dissocient elles-mêmes en deux polarités, masculine (Animus) et féminine (Anima), qui modifient le traitement des images soit dans un sens volontariste de lutte, soit dans un sens plus pacifique de réconciliation....
  • JUNG CARL GUSTAV (1875-1961)

    • Écrit par Étienne PERROT
    • 5 215 mots
    • 1 média
    Auprès des archétypes des parents, il faut citer ceux de l'anima et de l'animus qui introduisent l'image du sexe opposé dans la psyché consciente au fur et à mesure que l'être se différencie d'avec ses parents. L'anima est au suprême degré la puissance qui arrache l'homme...
  • POÉSIE PURE

    • Écrit par Jacques JOUET
    • 679 mots

    « La fille de Minos et de Pasiphaé... », « La blanche Oloossone et la blanche Camyre... » Ces deux vers, selon le Bloch de Marcel Proust (Du côté de chez Swann), ont pour eux d'être « assez bien rythmés », et surtout « le mérite suprême de ne signifier absolument rien ». Avant ...

  • LA POÉTIQUE DE LA RÊVERIE, Gaston Bachelard - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 784 mots
    ...rêverie (qui se trouve être le dernier véritable livre de Bachelard, 1960), c'est le principe d'un psychisme « androgyne », à la fois animus et anima (chapitre II). L'anima fait du philosophe un « rêveur de mots » (« L'animus lit peu ; l'anima lit beaucoup. Parfois...

Voir aussi