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HARMONIE

L'harmonie en mouvement

Le principe du mouvement reparaît dans la musique avec tout le système de tensions, d'attraction, de répulsion introduit par les agrégations sonores au-delà de l'accord parfait de trois sons. On a vu plus haut que, à peu près justifié par la résonance naturelle, l'accord de septième mineure, do-mi-sol-si bémol, obtenu par l'adjonction d'une tierce mineure à l'accord parfait majeur, fut rapidement affranchi de l'exigence de préparation de la dissonance. Il ne fut pas affranchi pour autant de l'exigence de résolution ; et, pour tout musicien classique, l'accord do-mi-sol-si bémol contenait un principe de tension qui appelait impérieusement une détente. Les trois premiers sons de cet accord étant tenus pour consonants entre eux, quel est le rapport du si bémol avec chacun d'eux ?

La tierce mineure qu'il forme avec le sol est, depuis des siècles, acceptée comme une consonance. La septième mineure qu'il forme avec le do est une dissonance très atténuée par le jeu de la résonance naturelle.

Mais l'intervalle mi-si bémol est éminemment instable. C'est une fausse quinte, une quinte dont on a retranché un demi-ton et qui ne peut se satisfaire de cet état provisoire. Cette quinte dite « diminuée » tend donc à se résorber dans une consonance de tierce, le mi montant au fa et le si bémol descendant au la, en raison de l'attraction que le mi et le si bémol exercent l'un sur l'autre.

À noter que la quinte diminuée divise l'octave en deux parties égales.

Si on place le si bémol au-dessous du mi et non au-dessus, on obtient un intervalle identique appelé « quarte augmentée », dont les deux sons se repoussent au lieu de s'attirer, le résultat final étant le même :

Cet exemple élémentaire suffit à montrer par quel processus se produisent, au sein des agrégations harmoniques dépassant la consonance de l'accord parfait, ces états de tension dont on a dit qu'ils sont, en musique, un principe essentiellement dynamique. Il va de soi que, plus se multiplient les sons entrant dans ces agrégations, plus se compliquent et s'entrecroisent ces lignes de force qui permettent de considérer les accords comme de véritables accumulateurs d'électricité positive ou négative. Ils ont une valeur sonore en soi, mais plus encore un potentiel qui apparaît avec les mouvements qu'ils engendrent dans l'espace et dans le temps. Les accords sont des moments du discours musical, ce qui, dans le contexte romantique, donne toute sa force à la conception schopenhauerienne de la musique en tant que « devenir » des choses.

À la lumière de ces principes généraux se précise une image de l'harmonie qui pourrait se définir ainsi : c'est d'abord un art infiniment complexe d'assembler les sons pour former des accords au sein desquels ils réagissent les uns sur les autres selon des lois naturelles de résonance fort subtiles ; c'est ensuite l'art d'enchaîner ces accords, et dans le choix de ces enchaînements s'imprime la marque personnelle du compositeur. Car tel accord, considéré en soi, est une chose ; la manière de s'en servir en est une autre, et qui varie d'un créateur à l'autre.

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Écrit par

  • : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française

Classification

Pour citer cet article

Henry BARRAUD. HARMONIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Accords de 3 sons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Accords de 3 sons

Harmoniques de do - crédits : Encyclopædia Universalis France

Harmoniques de do

Accords de 4 sons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Accords de 4 sons

Autres références

  • ACCOMPAGNEMENT MUSICAL

    • Écrit par PIERRE-PETIT
    • 1 920 mots
    ...point question. En effet, chacune des mélodies qui s'imbriquent en contrepoint conserve sa vie propre, authentique, et aucune n'est au service des autres. L'accompagnement naîtra seulement le jour où l'harmonie apparaîtra. Évidemment, la simultanéité de plusieurs lignes mélodiques, dans le contrepoint,...
  • ARCHYTAS DE TARENTE (env. 440-env. 360 av. J.-C.)

    • Écrit par Universalis
    • 425 mots

    Né vers 440 avant J.-C. et mort vers 360 avant J.-C. à Tarente, colonie grecque d'Italie du Sud, Archytas de Tarente est un scientifique, philosophe et mathématicien de l'école de Pythagore. Son ami proche, Platon, se fonde sur ses travaux mathématiques. Quelques sources prouvent qu'Euclide...

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...négligeait de la préciser. De telles coutumes cessent d'ailleurs dès le début du xviie siècle. Mais une autre leur survit, qui consiste à ne noter l' harmonie que sous la forme d'une basse chiffrée. Le compositeur se contentait alors d'écrire la partie mélodique supérieure, et la basse avec les chiffres...
  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...supérieure, mais chanteront occasionnellement à l'alto, au ténor, voire à la basse), et la voix grave, comme basse continue, devient le support de l' harmonie. Par opposition à des mélodies diatoniques de faible ambitus, le baroque va cultiver des mélodies chromatiques aussi bien que diatoniques de grand...
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