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KELSEN HANS (1881-1973)

Hans Kelsen est reconnu comme l'un des plus grands juristes du xxe siècle, y compris par ceux qui n'adhèrent pas à ses thèses. Cela tient au fait qu'il n'y a pas de question touchant à la philosophie ou à la théorie générale du droit, à la théorie de l'État, à la théorie de la démocratie, que l'on pourrait aborder aujourd'hui sans se référer à lui. Il a en effet opéré une révolution d'une portée immense dans la manière de considérer les rapports du droit et de la morale, du droit et de l'État, du droit et de la science. À vrai dire, plusieurs de ses idées font désormais partie de la culture juridique commune, par exemple la hiérarchie des normes, les cours constitutionnelles, la distinction du droit et de la science du droit.

La pensée de Hans Kelsen présente une très grande unité et c'est seulement par souci de clarté qu'on peut la diviser en exposant successivement sa théorie de la science du droit, sa théorie du droit et sa théorie de l'État. On est ainsi contraint de négliger des aspects importants d'une œuvre considérable, qui porte aussi sur la théorie de la justice, la philosophie politique ou la sociologie.

Formation et carrière

La vie et l'œuvre de Kelsen s'inscrivent dans les transformations de l'Europe au cours du xxe siècle. Né à Prague en 1881, dans une famille juive originaire de Galicie, il passera la première partie de sa vie dans une Vienne où se renouvellent tous les domaines de la pensée. Lorsque l'empire austro-hongrois s'écroule, en 1918, sa renommée est déjà grande. Proche des sociaux-démocrates qui ont accédé au pouvoir, il est choisi pour être l'un des principaux rédacteurs de la Constitution de 1920, qui sera suspendue par le chancelier Dolfuss en 1934, puis remise en vigueur après la Seconde Guerre mondiale. Il est considéré aujourd'hui en Autriche comme « le père de la Constitution ». Ce texte comporte une innovation considérable. C'est la première fois dans l'histoire du monde qu'est instituée une cour explicitement chargée de contrôler la constitutionnalité des lois. Cette cour est spécialisée dans cette fonction et elle en a le monopole. La cour constitutionnelle autrichienne a servi de modèle à la plupart des pays européens qui, après la guerre, ont voulu adopter le contrôle de la constitutionnalité tout en refusant un contrôle décentralisé à l'américaine, qui permet à n'importe quel juge au cours d'un litige ordinaire de statuer sur la conformité d'une loi à la Constitution.

En 1929, Kelsen est démis de ses fonctions de juge constitutionnel à vie par le gouvernement chrétien-social, qui ne lui a pas pardonné d'avoir soutenu la constitutionnalité de la loi sur le divorce. Enseignant à Cologne, il est à nouveau révoqué à la suite de l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Il se réfugie alors à Genève, où il enseigne à l'Institut des hautes études internationales, puis à Prague, qu'il fuit en 1938 pour regagner Genève. En 1940, il décide finalement d'émigrer aux États-Unis, où il occupera différentes chaires, notamment à Harvard et à Berkeley. Il meurt à Orinda, en Californie, en 1973.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, membre de l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Michel TROPER. KELSEN HANS (1881-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONSTITUTION

    • Écrit par Pierre BRUNET
    • 4 216 mots
    • 1 média
    ...modèle descriptif de constitution comme norme serait, idéalement parlant, le modèle proposé par les juristes positivistes, au premier rang desquels figure Hans Kelsen. Le terme « constitution » désigne chez lui les règles organisant la création des normes juridiques générales et notamment de la législation...
  • DROIT - Théorie et philosophie

    • Écrit par Jean DABIN
    • 20 065 mots
    • 2 médias
    Pour Kelsen, ce qu'on nomme le droit subjectif n'est que l'effet réflexe de l'obligation juridique, de l'individu ou des individus, de se conduire à l'égard d'un autre individu de telle façon déterminée par la règle de droit (Théorie pure du droit, trad. C. Eisenmann,...
  • DROIT - Sociologie

    • Écrit par Jacques COMMAILLE
    • 3 926 mots
    • 4 médias
    ...connaissance de processus sociaux généraux, mais, prioritairement, de mettre la sociologie au service d'une connaissance du droit avec une visée pratique. Ce sont exactement les frontières que trace, par exemple, pour la sociologie du droit, Hans Kelsen dans sa Théorie pure du droit (1934). Il assigne...
  • EHRLICH EUGEN (1862-1922)

    • Écrit par Charles EISENMANN
    • 524 mots

    Né à Gernowitz, dans la province austro-hongroise de Bucovine — l'actuelle ville ukrainienne de Tchernovtsi —, Ehrlich étudie le droit à Vienne et y enseigne le droit romain de 1899 à 1914 ; il professe ensuite, quelque temps, la même discipline à Gernowitz. Jeune, il s'était converti du judaïsme au...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi