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GNOSTICISME

Si la recherche sur la gnose et les gnostiques n'a jamais connu de période de latence, elle est, à l'époque contemporaine, frappée d'une crise de ferveur particulièrement intense. Travaux et congrès se multiplient. Nombre de chaires autrefois consacrées à l'étude du Nouveau Testament sont désormais occupées par les laudateurs, non de l'Évangile, mais des collections gnostiques, devenues par emphase publicitaire « racines de notre civilisation », ou encore « zen de l'Occident ». Engouement inévitable lorsque les textes récemment découverts – notamment près de Nag‘ Ḥammādī, en Haute-Égypte – arrivent sur le marché, engouement explicable par la croyance au mystère qui les nimbe, mais engouement qui n'évite ni la myopie des anciens chasseurs d'hérésies, ni le pathos des adeptes de l'ésotérisme.

Le mot « gnostique » est une étiquette commode qu'ont utilisée les anciens compilateurs de catalogues d'hérésies pour désigner toutes formes d'interprétation de la Bible fondées sur le rejet partiel ou total de l'interprétation reçue dans l'Église, et à laquelle ont recouru les modernes pour décrire une constante ou une convergence d'idées qui sous-tend la plus grande partie de la littérature philosophique et religieuse des premiers siècles de l'ère chrétienne.

Après avoir évoqué les aspects historiques, l'essence et la signification du gnosticisme, on examinera les caractéristiques respectives des deux usages du terme « gnostique » et l'on s'efforcera de dégager trois points significatifs qui peuvent autoriser son application à une production littéraire homogène et strictement limitée.

Approches du phénomène gnostique

Aspects historiques

Un certain type de connaissance

La gnose (du mot grec gnôsis) peut se définir comme une connaissance salvatrice, qui a pour objet les mystères du monde divin et des êtres célestes, et qui est destinée à révéler aux seuls initiés le secret de leur origine et les moyens de la rejoindre, et à leur procurer ainsi la certitude du salut, que celui-ci soit obtenu ou non par une collaboration entre la grâce divine et la liberté humaine. L'idée de ce type de connaissance est apparue très probablement dans le judaïsme, à l'époque et dans le milieu même où est né le christianisme, et elle est restée vivante à la fois dans le christianisme, orthodoxe ou hérétique, et dans les mouvements religieux (tel le mandéisme) apparentés au judaïsme ou au judéo-christianisme.

Afin d'éviter des confusions ou des imprécisions, on réservera le terme « gnose » à ce type de connaissance religieuse et l'on n'utilisera le terme « gnosticisme » que pour désigner un mouvement religieux très particulier : l'ensemble des sectes ou des écoles qui, durant les premiers siècles du christianisme, ont eu en commun une certaine conception de la « gnose », qui fut rejetée par l'Église chrétienne orthodoxe.

La « gnose » propre au « gnosticisme » a pour première caractéristique de dissocier création et rédemption ; le monde sensible est crée, ou, du moins, totalement dominé, par des puissances ou mauvaises ou bornées, parmi lesquelles le Dieu de l'Ancien Testament, le Yahvé du peuple juif, joue un rôle prépondérant. Ce Démiurge ignore ou veut ignorer ou veut faire ignorer l'existence du Dieu transcendant et bon qui est la source du monde spirituel. Les âmes des hommes qui possèdent la « gnose » sont émanées de ce Dieu suprême, elles sont d'essence spirituelle et prisonnières du monde sensible. Le Dieu transcendant envoie donc le Sauveur, le Christ, pour délivrer ces âmes d'élus, les ramener à leur origine et les rassembler à nouveau dans le « Plérôme », c'est-à-dire le monde spirituel. Ainsi, le salut qui résulte de la « gnose » n'est pas l'effet d'une collaboration[...]

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Classification

Pour citer cet article

Pierre HADOT et Michel TARDIEU. GNOSTICISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADAMITES

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 715 mots

    Terme désignant les membres de deux sectes différentes, l'une gnostique, l'autre de la fin du Moyen Âge. La première eut pour fondateur Prodicus, disciple de Carpocrate (iie s.). Soucieux d'imiter Adam avant la chute, les adamites allaient complètement nus et c'est dans cet...

  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean HADOT, André PAUL
    • 9 934 mots
    ...leur enseignement comme une « doctrine secrète » ; l'un des documents porte même le titre précis d'« Apocryphe de Jean ». On sait combien la littérature gnostique fut combattue comme « fausse » par les Pères ou auteurs ecclésiastiques des iie et iiie siècles ; le mot « apocryphe » devint alors synonyme...
  • BARDESANE (154 env.-env. 222)

    • Écrit par Richard GOULET
    • 297 mots

    Philosophe, astrologue et poète d'Édesse. Converti au christianisme, Bardesane (Bar Dīṣān, en syrien Ibn Dayṣān) vécut à la cour Abgar IX d'Édesse. Il composa en langue syriaque de nombreux ouvrages, dont il reste peu de chose : un Dialogue des lois du pays, retrouvé dans son...

  • BASILIDE (IIe s.)

    • Écrit par Pierre Thomas CAMELOT
    • 269 mots

    Écrivain gnostique qui enseignait, entre 120 et 145 environ, à Alexandrie au temps d'Hadrien et d'Antonin le Pieux. Il avait été l'élève, à Antioche, de Ménandre, disciple de Simon le Mage. Il composa un Évangile, dont on a un fragment, un commentaire, Exegetica (peut-être...

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Voir aussi